Disciplinée, Barrick?

Publié le 07/08/2015 à 14:33

Disciplinée, Barrick?

Publié le 07/08/2015 à 14:33

(Photo: Bloomberg)

BLOGUE. Jeudi matin, je lisais que Barrick Gold coupait son dividende de 60% et que sa direction visait à couper ses dépenses de 2 milliards (G) $US d’ici la fin de 2016. Dans la journée, alors que les marchés étaient à la baisse, son titre gagnait plus de 4 % à près de 9,00 $.

Cette manchette a attiré mon attention. Après tout, la plupart des titres aurifères ont fortement chuté au cours des derniers trimestres et transigent à leurs creux des 12 derniers mois. Peut-être y a-t-il des occasions d’investissement chez les Barrick de ce monde?

De prime abord, il y a lieu de souligner que nous n’investissons pas dans les titres très cycliques tels que les producteurs aurifères. Le principal problème que nous avons avec ce secteur et la plupart des secteurs des ressources naturelles est qu’ils ne semblent pas être en mesure de créer de la valeur à long terme pour leurs actionnaires.

Prenons l’exemple de Barrick. En janvier 1995, il y a plus de 20 ans, son titre valait plus de 28 $. Une autre société bien connue du secteur est Teck Resources et la situation est similaire : son titre s’échange présentement à un peu moins de 10,00 $ alors qu’il valait 11,69 $ en janvier 1995. Je ne voudrais pas généraliser mais il me semble que la feuille de route à long terme des sociétés actives dans les ressources naturelles est plutôt médiocre.

Bien sûr, ces titres sont souvent les véhicules parfaits pour les adeptes du « market timing ». Celui qui avait acheté Barrick à son creux de 2000 alors qu’il valait 20 $ aurait pu le revendre à plus de 50 $ en janvier 2008. Néanmoins, je comprends très bien qu'un investisseur à long terme tel que Warren Buffett n’ait jamais investi dans les sociétés de ressources naturelles.

Pour la discipline, on repassera

Si vous accédez au site corporatif de Barrick, la première chose que vous verrez est un slogan corporatif : « Une production disciplinée et profitable » (en anglais : « Disciplined, profitable production »).

Peut-on effectivement conclure que sa direction est disciplinée? À mon avis, une bonne équipe de direction oeuvrant dans un secteur cyclique devrait adopter une stratégie à long terme qui tire profit des cycles de son secteur. Par exemple, les périodes fastes pendant lesquelles les prix de l’or sont élevés devraient être des périodes de « récolte et d’engrangement » : ce devrait être le temps de profiter des flux de trésorerie excédentaires substantiels pour rembourser sa dette et vendre des propriétés moins rentables dont les coûts de production sont relativement élevés alors que les prix pour ces propriétés sont hauts.

En revanche, les périodes difficiles devraient être l’occasion de faire des acquisitions, d’acheter des sociétés en difficulté qui pourraient avoir des propriétés aurifères attrayantes à long terme à un prix très raisonnable. À mon avis, les dirigeants de sociétés aurifères devraient être les premiers à savoir que leur industrie est caractérisée par des cycles violents et être en mesure d’en profiter.

Voyons ce qui s’est passé chez Barrick. En 2008, le cours de l’action de Barrick atteignait un sommet et l’once d’or valait près de 1 000 $ US, tout un revirement par rapport à son prix de près de 300 $ US en 2000. En 2008, Barrick a dégagé des flux de trésorerie de 2,2 G$ US. Elle les a utilisés pour investir près de 1,8 G$ US en immobilisations et pour réaliser des acquisitions de près de 2,2 G$ US. Sa dette au cours de cet exercice a augmenté de 1,1 G$ US.

En 2011, autre année faste pour l’or puisque le prix de l’once atteignait jusqu’à 1 800 $ US, Barrick a dégagé des flux de trésorerie de plus de 5,3 G$ US. Elle s’en est servi pour investir près de 5,0 G$ en immobilisations et pour réaliser des acquisitions pour la somme de 7,7 G$ US. Sa dette pendant cette période a grimpé de plus de 6,2 G$ US.

Maintenant que le prix de l’or a retraité à 1 100 $ US l’once et que les valeurs des propriétés aurifères sont à leurs creux, la direction de Barrick annonce qu’elle coupe son dividende et qu’elle cherche à vendre des propriétés. Au cours des 6 premiers mois de 2015, la société a vendu des propriétés pour la somme de 2,45 G$ US.

Pour la discipline et la vision à long terme, je crois qu’on repassera.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine. Il est également éditeur de la Lettre financière COTE 100, publiée depuis 1988.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

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