Pour en finir avec le mal-être

Publié le 07/05/2024 à 09:00

Pour en finir avec le mal-être

Publié le 07/05/2024 à 09:00

«En quelques années, avec le soutien de ma famille et de mes amis, j’ai pu dire adieu aux pensées suicidaires. J’avais alors 19 ans, un amoureux et la vie devant moi.» (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Voilà quelques mois que je vous entretiens de la place qu’occupe la philanthropie au sein de PME québécoises de divers secteurs, espérant que ces exemples donneront le goût à d’autres de suivre le pas en matière de générosité et d’implication dans leur communauté. 

À (re)lire, notre dossier sur la santé mentale des dirigeants

À l’occasion de la Semaine de la santé mentale, je me permets plutôt un témoignage des plus intimes sur mes propres troubles de santé mentale. J’espère de tout cœur que mon exemple personnel donnera la force à d’autres de ne pas abandonner, de croire en des jours meilleurs et d’obtenir l’aide dont ils et elles ont besoin.

 

Est-ce grave, docteur? 

La première fois que j’ai senti l’anxiété s’emparer de moi, je n’avais pas plus de quatre ou cinq ans. Je me rappelle la peur au ventre et le serrement dans la poitrine. Les palpitations douloureuses et le picotement dans les membres. L’insomnie. Je me rappelle surtout ma panique et ma honte face à cet état qui m’échappait. 

À cette époque, je ne savais pas encore qu’il s’agissait d’un trouble mental, et encore moins d’anxiété chronique plus précisément. Je me sentais anormal et coupable, mais de quoi? De ne pas bien aller sans même comprendre ce qui m’arrivait. De causer des ennuis à mes parents si j’en parlais. Alors je n’en parlais pas. 

Néanmoins, plusieurs années plus tard, à bout de souffle contre ce mal envahissant, j’ai réussi à rassembler tout le courage dont un garçon de 11 ans pouvait faire preuve et j’ai fait part de mon état au médecin. C’était mon premier appel à l’aide, en quelque sorte. 

Ça aura été le dernier pendant longtemps. 

J’aurais aimé que le médecin à l’époque en sache davantage sur la santé mentale. Qu’il prenne mes symptômes suffisamment au sérieux pour tenter réellement de diagnostiquer mon trouble. Qu’il saisisse mon mal-être et essaie de le dissiper. Qu’il m’extirpe du gouffre qui m’avalait depuis tant d’années… Il a plutôt lâché un diagnostic impitoyable avec des mots tranchants comme un couperet: j’étais un «malade imaginaire». 

Il était une fois un enfant qui s’inventait des histoires et ne tarderait pas à vouloir écrire sa fin.

 

Ma mère m’a sauvé 

J’ai donc ravalé ma détresse au plus profond de moi, où elle a continué à croître, jusqu’à prendre pratiquement toute la place. 

Jusqu’à la céder à des pensées suicidaires. 

À 16 ans, j’étais sur le point de commettre l’irréparable. Une impulsion de vie m’a toutefois amené à appeler une ligne d’aide, en pleine nuit, où on m’a dit ne pas pouvoir m’aider: puisque j’étais gai, il me fallait joindre une ligne d’aide pour homosexuels. Malheureusement, celle-là n’avait pas les ressources nécessaires pour offrir du soutien 24h sur 24. Une fois de plus, mon appel à l’aide se cassait la gueule et moi aussi. 

À ce jour, j’ignore encore comment j’ai trouvé la force d’aller réveiller ma mère pour lui avouer le geste que je m’apprêtais à poser. Ma mère a puisé dans toute son humanité et son amour inconditionnel pour m’offrir l’oreille tant espérée. Sans jamais me montrer que tant mon homosexualité que mes idées noires étaient des réalités lourdes à porter pour elle. Ma mère m’a accueilli sans juger, et enfin j’ai senti que, peut-être, le poids qui m’écrasait s’allégerait. 

Cette nuit-là, ma mère m’a sauvé.

 

Savoir, c’est pouvoir 

En quelques années, avec le soutien de ma famille et de mes amis, j’ai pu dire adieu aux pensées suicidaires. J’avais alors 19 ans, un amoureux et la vie devant moi. 

Et j’avais encore de l’anxiété. 

Une anxiété qui s’est manifestée ici et là, avec des épisodes de dépression et un épuisement professionnel. 

Ce que je n’ai plus eu cependant, ce sont des idées suicidaires. En expérimentant le pouvoir de la parole, j’ai trouvé le moyen d’atténuer mon mal intérieur. 

Il faut dire que j’ai eu la chance de croiser la route d’une extraordinaire médecin de famille. Comprenant les problématiques de santé mentale, elle m’a amené à mieux les comprendre moi-même. J’ai pu arrêter de penser que j’étais coupable de ce qui m’arrivait. Le malade imaginaire n’est plus, même qu’il n’a jamais été! 

En fait, je n’ai été et ne serai toujours qu’un être humain qui souffre d’anxiété, comme d’autres souffrent du diabète ou d’épilepsie. Je le sais maintenant. Bien au fait de ma condition, je peux désormais reconnaître les signaux d’alarme quand mon anxiété prend trop de place et utiliser les bons outils pour moi (prendre de la médication, consulter, appliquer une routine, me plonger dans l’art, etc.) pour préserver mon équilibre. C’est une démarche continue, car prendre soin de ma santé sera toujours d’actualité, comme pour tout le monde d’ailleurs. 

En plus, maintenant que j’en ai parlé autour de moi, mon réseau me soutient, par exemple en faisant preuve d’empathie dans certains jours moins faciles. Quel soulagement que de ne plus porter de masque! 

En fin de compte, c’est en acceptant ma vulnérabilité que j’ai récolté le plus de force.

 

Aidons-nous les uns les autres 

Si j’ai choisi cette année de m’impliquer auprès de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), c’est que je sais combien il est primordial d’obtenir du soutien lorsque la bête semble sur le point de gagner le combat. 

Je suis vraiment fier d’organiser un spectacle-bénéfice qui abordera le thème du suicide et qui récoltera des dons au profit de l’AQPS, tout en célébrant les 25 ans de mon entreprise. C’est ma façon à moi de contribuer à la cause tout en clamant haut et fort que les chefs d’entreprise aussi peuvent avoir des enjeux de santé mentale tout en ayant du succès. Aussi poursuivrai-je la discussion dans un documentaire qui, en retraçant ma préparation jusqu’au spectacle, offrira une vue de l’intérieur sur mes doutes et angoisses. 

Je vous invite à rester à l’écoute de vous-même et de votre entourage. Peut-être même pouvez-vous soutenir un organisme, en temps ou financièrement, qui vient en aide aux personnes souffrant d’un trouble de santé mentale? On en parle davantage depuis un certain temps, mais le travail est loin d’être terminé. On a besoin de tout le monde. 

Ensemble, un jour, on pourra en finir avec le mal-être.

 

Besoin d’aide?

Si vous pensez au suicide ou vous inquiétez pour un proche, des intervenants sont disponibles pour vous aider, partout au Québec, 24/7.

Téléphone: 1 866 APPELLE (277 3553)

Texto: 535353

Clavardage, informations et outils: www.suicide.ca

 

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À propos de ce blogue

Entrepreneur social accompli et engagé, Pascal Lépine a fondé Atypic à l’âge de 22 ans, une agence dont les causes sont la raison d’être. Depuis sa création, Atypic a reçu plusieurs reconnaissances, dont sa présence dans le prestigieux Top 20 des entreprises québécoises ayant connu la plus forte croissance, publié par le magazine «L’Actualité». Aujourd’hui, l’entreprise montréalaise certifiée B Corp œuvre pour des organismes au Canada et à l’international.

Pascal Lépine
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