Pourquoi nous réfugions-nous ainsi dans le déni? Les chercheurs ont procédé à une autre expérience pour le déterminer : ils ont donné aux participants du feedback en leur indiquant qu’ils étaient non pas en compétition avec d’autres personnes, mais avec un robot. Et ils ont alors constaté une plus grande attention aux critiques de leur performance et un moindre impact sur l’estime de soi. Grosso modo, peu importait pour eux d’être comparés à un robot, cela n’affectait pas le regard qu’ils portaient sur eux. En conséquence, nous avons le réflexe de nous protéger des signaux témoignant de notre infériorité par rapport aux autres, de peur que si nous en tenions compte, notre moral s’effondrerait.
Une toute dernière expérience présentait la variante suivante : les participants pouvaient payer pour ne pas recevoir de feedback. Et quelque 10% d’entre eux l’ont fait, vraisemblablement par crainte de se faire influencer – pour ne pas dire miner – par ce qui leur aurait été révélé. Comme quoi, mieux vaut pour certains ne jamais avoir de feedback…
À noter une grande différence entre les hommes et les femmes en matière d’estime de soi et de tolérance au feedback. Ainsi, les hommes réagissent davantage aux critiques que les femmes, que celles-ci soient positives ou négatives : ils vont donc plus facilement avoir la grosse tête ou bien le moral à zéro qu’elles. Et quand il s’agit de personnes ayant peu confiance en elles, l’estime de soi est plus aisément endommagée chez une femme que chez un homme, en cas de reproches répétés.
On le voit bien, le feedback est une technique managériale à utiliser avec beaucoup plus de prudence que ce qu’on croit d’habitude. D’une part, nous sommes, vous et moi, réfractaires aux critiques, au point de ne bien vouloir entendre que ce que nous souhaitons entendre. D’autre part, cela peut faire des ravages considérables sur certains d’entre nous, en particulier sur les femmes plus sensibles que les autres
Alors, vaut-il mieux se taire? Ne pas dire à autrui ce qu’on pense de sa performance au travail, en particulier lorsque celle-ci n’est pas à la hauteur de vos espérances? Non, bien sûr! Telle n’est pas la conclusion à tirer de cette étude.
À mon avis, on doit plutôt en déduire que rien ne sert de se contenter de critiquer la performance d’un membre de son équipe. Mieux vaut tenter d’établir avec lui un échange sur la performance globale de l’équipe et de réfléchir avec lui sur le meilleur moyen d’améliorer celle-ci, en faisant subtilement glisser la discussion sur ce que lui pourrait faire de mieux pour aider les autres dans leur mission. L’important, c’est l’échange. Le partage d’idées. Le lien de confiance entre le leader et son équipier. Et surtout pas la réprimande ou la banale petite tape dans le dos.
L’idéal? Ouvrir franchement la discussion avec les membres de votre équipe, et leur demander de vous apporter du feedback. Si vous réussissez ce tour de force, alors règnera une confiance incroyable dans l’équipe. Garanti!
Le poète latin Horace disait : «Qui a confiance en soi guide les autres»…