Pendant qu'elle négociait la création d'une coentreprise avec l'australienne WorleyParsons pour Cegertec, Éloïse Harvey se disait que c'était un coup à donner, que la suite serait plus calme.

Ces six derniers mois, elle se répétait la même chose en préparant des propositions de service plus volumineuses que jamais. «Maintenant, je me suis rendu compte que ce n'est pas temporaire : je vais être très occupée pendant encore longtemps», s'exclame-t-elle en riant dans son bureau de Brossard.

Les titres d'Éloïse Harvey débordent de sa carte de visite. Pressentie pour assurer la relève de l'entreprise familiale, la femme de 36 ans agit comme vice-présidente du Groupe Ceger, fondé il y a 60 ans par son père, Jeannot Harvey. Elle est également présidente et actionnaire majoritaire de Mecfor, la filiale spécialisée en équipement dans laquelle elle oeuvre depuis une quinzaine d'années, dont 12 au développement des affaires. Finalement, elle a été nommée le mois dernier vice-présidente, développement des affaires de Cegertec WorleyParsons, la branche de génie-conseil du groupe. Cette dernière fonction occupera la majeure partie de son temps pendant les prochains 18 mois.

Créée en avril dernier, la coentreprise regroupe l'expertise de la firme d'ingénieurs de Saguenay (525 employés, revenus de 46 millions de dollars) et celle de l'australienne WorleyParsons (38 700 employés, revenus de 7,4 G$). Quatrième firme de génie-conseil du monde, WorleyParsons avait déjà des activités au Canada, mais pas au Québec.

S'allier plutôt que vendre

En quête d'une acquisition dans la Belle Province, WorleyParsons avait approché Cegertec, détenue à 60 % par la famille Harvey et à 40 % par une quarantaine d'employés. «Nous leur avons fait comprendre qu'une association 50-50 était une meilleure idée. Ça permet de rester connectés à la culture, élimine la difficulté de la langue et évite de projeter l'image du gros qui bouffe le petit», raconte la diplômée en génie mécanique et en administration de l'Université McMaster.

Les actionnaires de Cegertec ne voulaient pas vendre. D'un autre côté, la marche pour devenir la prochaine SNC-Lavalin paraissait bien haute à gravir.

Finalement, ils ont vendu 50 % de leurs actions à la société australienne, en conservant la même répartition. Tous les contrats conclus au Québec seront réalisés par la coentreprise et ceux à l'étranger, par WorleyParsons.

Selon Mme Harvey, la transaction porte déjà ses fruits. «Nous avons décroché de gros contrats que ni un ni l'autre n'aurions pu obtenir seuls.» L'entreprise, qui peut maintenant réaliser des projets clés en main, y compris l'approvisionnement et la gestion de chantier, vise particulièrement les mines.

Pour maximiser ce nouveau potentiel, Éloïse Harvey structurera une équipe consacrée au développement des affaires. «Nous n'en avions pas vraiment besoin avant.» La nouvelle équipe de 10 personnes regroupera des employés actuels et quelques nouveaux. «Nous visons de plus gros contrats et les propositions sont très complexes», dit la dirigeante, en montrant une pile de cartables géants sur sa table de travail.

Vers une société de portefeuille

À terme, le Groupe Ceger détiendra une participation dans plusieurs entreprises apparentées de près ou de loin à l'ingénierie et à la construction, explique celle qui délègue déjà la gestion quotidienne de Mecfor et qui siège au conseil des différentes entités. «Nous serons actionnaires avec des employés, selon le modèle implanté par mon père il y a plusieurs années.»

Interrogée sur le moment où elle prendra les rênes du Groupe, Éloïse Harvey élude la question. Aucune date ne semble entourée sur un calendrier. «De toute façon, mon père restera toujours présent, et j'en suis bien contente.» Elle travaille également avec son conjoint, Stéphane Leduc, président de Cegertec WorleyParsons, ce qu'elle aime beaucoup. «Nous nous voyons plus souvent ainsi et nous comprenons lorsque l'autre a besoin de travailler.»

lesaffaires.com

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