Entrevue n°132: Lynda Gratton, psychologue et auteure

Publié le 17/11/2012 à 00:00

Entrevue n°132: Lynda Gratton, psychologue et auteure

Publié le 17/11/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Lynda Gratton, psychologue et auteure

Dans sa première vie, la Britannique Lynda Gratton fut psychologue en chef chez British Airways. Aujourd'hui, elle enseigne la gestion à la London Business School. Auteure de sept livres, elle occupe le 12e rang des 50 penseurs en gestion les plus influents dans la liste publiée chaque année par Suntop Media. Je l'ai rencontrée à New York.

Diane Bérard - Vous explorez le monde du travail depuis le début des années 2000. Qu'est-ce qui nous attend ?

Lynda Gratton - Pour le savoir, fiez-vous à l'expérience de mon fils Dominique. Il veut faire sa médecine. Nous vivons à Londres, mais Dominique tient à étudier au MIT, car les cours de physique y sont excellents. Qu'à cela ne tienne, il les a téléchargés à partir du Web. Si Dominique peut, tous les jeunes Africains, les Sud-Américains ou les Asiatiques qui ont accès à un ordinateur le peuvent aussi. La technologie démocratise l'accès à la connaissance et élargit le bassin de main-d'oeuvre disponible. Ainsi, vos rayons X sont analysés aux Philippines pendant que vous dormez.

D.B. - Comment nous adapter ?

L.G. - Nous devons cesser de penser éducation pour explorer plutôt l'acquisition de connaissances. La nuance est importante. Trouver sa place dans un monde où de plus en plus de gens ont accès à la même éducation exige d'apprendre constamment. Si vous êtes un généraliste, même Wikipédia fait partie de votre concurrence ! La seule façon de s'en tirer consiste à devenir un «maître en série». Devenez excellent dans quelque chose jusqu'à ce que votre champ d'expertise devienne trop encombré. Puis, acquérez de nouvelles connaissances.

D.B. - Comment la technologie influence-t-elle notre relation à notre employeur ?

L.G. - La loyauté devient un concept obsolète. La loyauté est liée au passé. Jusqu'ici, on restait avec un employeur parce qu'il prenait soin de nous. Aujourd'hui, on accorde plutôt sa confiance que sa loyauté à un employeur. Les travailleurs recherchent des employeurs qu'ils estiment compétents. Puisqu'ils doivent devenir des spécialistes en série, leur confiance ira désormais à l'employeur qui leur permettra de se développer. Ajoutons à cela que les organisations se sont aplaties. Franchir les échelons devient plus difficile. Il faut trouver d'autres outils de motivation et de rétention. Le développement professionnel s'inscrit dans cet esprit.

D.B. - Et quel rôle joue la crise dans notre relation à notre employeur ?

L.G. - C'est encore une question de confiance. On a beaucoup parlé de la perte de confiance à l'égard du secteur financier, mais tous les secteurs écopent de la crise. On remet en question la place que les entreprises méritent dans la société. Les organisations doivent justifier leur raison d'être. Chacune doit définir clairement son rôle et sa contribution particulière à la société. Et comment elle envisage de contribuer au monde postcrise.

D.B. - Qu'est-ce que le contrat social du travail ?

L.G. - Le contrat social était cette relation parent-enfant qui existait entre un employé et son employeur. Tout comme ses parents jadis, l'employeur prenait soin de l'employé. En échange de cette protection et de cette sécurité, l'employé se mettait au service de l'employeur jusqu'à sa retraite.

D.B. - Qu'est-il devenu ?

L.G. - L'enfant-employé est devenu adulte. Je crois que c'est une bonne chose. Évidemment, une relation adulte-adulte devient plus complexe et exigeante. Les responsabilités sont partagées. On ne peut s'attendre à ce que l'autre devine nos besoins. L'employé doit définir ses attentes. L'employeur est en droit de réviser les siennes. On n'a pas les mêmes exigences vis-à-vis d'un adulte que d'un enfant.

D.B. - Quelle est la principale responsabilité des entreprises envers leurs employés ?

L.G. - Leur fournir un emploi intéressant. On semble avoir oublié que les entreprises sont des lieux de travail. Et que les employés se présentent au travail pour travailler.

D.B. - Tous les emplois peuvent-ils être intéressants ?

L.G. - Un emploi devient intéressant si l'on apporte une contribution. Nul besoin que celle-ci soit immense, simplement qu'elle soit reconnue, par nous et par les autres. Il faut que notre travail apporte quelque chose à quelqu'un.

D.B. - Quelle est la principale responsabilité du gouvernement envers les travailleurs ?

L.G. - C'est lui qui créé les infrastructures qui permettent, ou non, aux entreprises de se développer. Prenez le système d'éducation. En Inde, il constitue un frein plutôt qu'un facteur de développement. L'Inde ne forme pas ses citoyens adéquatement. Elle ne les prépare pas à devenir des employés compétents et recherchés. Un fossé existe entre les besoins des entreprises et l'offre de diplômés. Si bien que certaines grandes sociétés (Tata, Wipro, Infosys, etc.) prennent les choses en main elles-mêmes. Cette implication est intéressante, mais elle devrait venir en renfort. Pas suppléer à un service déficient du gouvernement.

D.B - Quel changement risque de nous surprendre le plus ?

L.G - Le paradoxe de la collaboration. Alors que la concurrence pour les bons emplois se fera de plus en plus vive, nous aurons de plus en plus besoin du savoir des autres. Nous devrons apprendre à collaborer entre générations, entre pays, entre professions.

D.B. - Pour survivre dans le monde du travail, les nouveaux employés devront consacrer plus d'énergie que leurs prédécesseurs à bâtir leur réseau. Pourquoi ?

L.G. - Parce que leur réseau de support primaire est plus diffus que l'était le nôtre au même âge. Les gens sont plus mobiles, moins attachés à une région. On ne trouve donc plus naturellement du soutien à proximité. Il faut le chercher, se créer un réseau.

D.B. - Qui devrait faire partie de notre réseau de soutien ?

L.G. - Vous avez besoin de trois réseaux. D'abord, d'âmes soeurs. Ce sont des personnes qui possèdent les mêmes connaissances que vous, à qui vous pouvez demander et donner des conseils ; elles vous aident à devenir plus compétents. Ensuite, de gens très différents de vous, qui vous poussent en dehors de votre zone de confiance et vous aident à devenir plus créatifs. Enfin, il vous faut des relations «régénératrices». Ces personnes vous aiment et vous permettent de refaire le plein d'énergie.

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