Lock-out au centre de distribution de Jean Coutu à Varennes

Publié le 24/09/2020 à 10:28, mis à jour le 24/09/2020 à 15:08

Lock-out au centre de distribution de Jean Coutu à Varennes

Publié le 24/09/2020 à 10:28, mis à jour le 24/09/2020 à 15:08

Par Denis Lalonde

(Photo: Roméo Mocafico)

Les 700 employés du centre de distribution de Jean Coutu à Varennes n’ont pas pu reprendre le travail ce matin après une grève de 24 heures.

Le propriétaire de Jean Coutu, Metro, a en effet décidé d’imposer un lock-out à ses travailleurs.

«Hier, nos employés du centre de distribution qui approvisionne nos pharmacies au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, ont décidé d’exercer leur droit de grève. Cela fait suite à des moyens de pression illégaux survenus à différents moments cet été», explique la vice-présidente aux affaires publiques et aux communications de Metro, Marie-Claude Bacon.

«On ne peut pas opérer un centre de distribution, de surcroît en période de pandémie, avec des arrêts de travail imprévisibles. C’est dans ce contexte-là que nous avons décidé de mettre en place notre plan de contingence et que nous n’avons pas permis à nos employés de retourner au travail aujourd’hui comme ils l’auraient souhaité après 24h de grève», précise-t-elle. 

Mme Bacon soutient que Metro agit ainsi de la manière «la plus responsable» pour ses pharmaciens propriétaires et pour les clients de l’entreprise en général. 

Le centre de distribution poursuivra ses activités avec «plusieurs centaines» de membres du personnel cadre de la société. Mme Bacon soutient que la poursuite des activités sera conforme aux lois, excluant l’embauche de briseurs de grève.

«C’est une situation qu’on déplore. On est commis à négocier une entente qui est juste et équitable pour nos employés, mais aussi pour nos pharmaciens propriétaires, nos clients et l’entreprise en général», dit Mme Bacon, ajoutant qu’une séance de négociations a été convoquée par le conciliateur dimanche après-midi et que la partie patronale serait présente pour tenter de dénouer l’impasse.

 

À (re)lire: Les employés de l’entrepôt central de Jean Coutu en grève

 

Elle concède toutefois qu’il est possible que le lock-out dure jusqu’à la signature d’une nouvelle entente avec le syndicat, affilié à la CSN. 

La vice-présidente soutient que la partie patronale a acquiescé à de nombreuses demandes syndicales depuis le début des négociations pour le renouvellement de la convention collective. Elle estime que le syndicat a présenté 250 demandes et que l’employeur a accepté 140 d’entre elles. 

Les négociations se déroulent depuis octobre dernier alors que la convention collective est arrivée à échéance il y a bientôt 9 mois, le 31 décembre. Les syndiqués ont quant à eux voté à 99% en faveur d’un mandat de grève en juin dernier.

«Nous n’avons même pas amorcé les discussions sur les clauses salariales. Nous sommes encore au normatif. C’est rare qu’on voie un conflit de travail à cette étape, mais la CSN sera mieux placée que moi pour vous dire où les négociations achoppent», dit Mme Bacon.

Questionnée à savoir pourquoi la société avait choisi l’option du lock-out alors que les travailleurs s’apprêtaient à rentrer au boulot ce matin, cette dernière affirme que Metro veut ainsi stabiliser la production à Varennes.

«C’est une chose d’avoir un mandat de grève, mais c’en est une autre de l’exercer. On livre des médicaments, les gens comptent sur nous. On ne peut pas opérer dans des conditions qui sont imprévisibles», dit-elle.

 

Le syndicat «surpris»

Du côté syndical, on dit avoir été surpris par la décision de l’employeur. «Lundi soir, on a demandé à l’employeur s’il voulait nous mettre en lock-out et le procureur patronal a répondu non. Pourtant, quand nos employés sont arrivés dès 6h ce matin, on leur a demandé de quitter le stationnement», explique la présidente du Syndicat des travailleurs et travailleuses de l’entrepôt Pharmacie Jean Coutu (CSN), Audrey Benoît. 

Cette dernière dit s’attendre à des discussions «corsées» lors de la séance de négociations prévue dimanche, où l’exécutif syndical sera présent.

«Nos revendications, on veut qu’elles soient entendues. En ce moment, l’employeur se cache derrière le conciliateur», affirme Mme Benoît.

Selon elle, l’employeur se limite à accepter ou refuser les demandes syndicales, mais sans expliquer le pourquoi et le comment de ses décisions, ce qui complique les pourparlers.

La présidente syndicale soutient également que l’employeur a accepté de nombreuses clauses qui ne s’appliquaient plus à la nouvelle réalité des syndiqués, mais que les négociations achoppent sur les enjeux plus importants du temps de formation, de la sous-traitance, du respect de l’ancienneté et des horaires des employés réguliers.

«La convention actuelle est en vigueur depuis 2012, alors que nous étions à Longueuil. À Varennes, beaucoup de choses ont changé et certaines clauses ne s’appliquent plus. Dans ces cas, il s’agit simplement de modifier le texte des clauses pour qu’elles reflètent notre nouvelle réalité», dit-elle.

Du même souffle, elle raconte que lundi matin, l’employeur se disait prêt à augmenter le temps alloué à la formation du personnel, avant de faire marche arrière plus tard dans la journée.

«Depuis le déménagement, plusieurs clauses de la convention ont été bafouées. Bien entendu, on est allé en arbitrage et on a eu des décisions. Mais souvent, l’arbitre va simplement rendre sa décision sans empêcher l’employeur de recommencer», dit-elle.

Mme Brunet espère que les syndiqués pourront rentrer au boulot le plus rapidement possible. «Si l’employeur tient tant que ça à ses clients et qu’il veut que les commandes soient livrées à temps, on ose croire qu’il va finir par nous laisser rentrer au boulot. Peut-être que vous allez me dire que je vis dans un monde de licornes, mais entre vous et moi c’est la meilleure solution», croit-elle, ajoutant qu’un lock-out d’une durée indéterminée pour une question de stabilisation de l’approvisionnement ne tient pas la route.

«Les syndiqués travaillent depuis 4 ans dans cet entrepôt, ils en connaissent tous les rouages. Je ne crois pas que des cadres très peu formés soient capables d’arriver aux mêmes résultats que nous. Il y aura des impacts sur l’approvisionnement des pharmacies et ça nous attriste parce que ce n’est pas ce qu’on veut», dit-elle. 

Selon Mme Brunet, tout ce que le syndicat veut, c’est une bonne convention collective pour ses membres. Elle n’a pas prévu de tenir de manifestation à court terme.

 

Pas de lien avec le troisième trimestre

Le conflit de travail à l’entrepôt central de Varennes survient dans un contexte où les résultats de Metro diffèrent grandement entre ceux réalisés par les magasins d’alimentation et ceux des pharmacies.

Au troisième trimestre de 2020 clos le 4 juillet, le chiffre d’affaires de l’ensemble de Metro a connu une hausse de 11,6% à 5,8 milliards de dollars. Les revenus des magasins d’alimentation ont augmenté de 15,6%, tandis que ceux des pharmacies ont progressé de 1% (3,4 % en 2019), soit une hausse de 2,7 % pour les médicaments d'ordonnance, mais une baisse de 2,5 % pour les produits de la section commerciale.

Mme Bacon affirme toutefois qu’il n’y a «absolument pas de lien» entre le conflit de travail à Varennes et les résultats des pharmacies au troisième trimestre. «Les pourparlers ont débuté en octobre 2019, et la convention collective est venue à échéance le 31 décembre 2019», souligne-t-elle.

Quant aux résultats des pharmacies et à la baisse des revenus dans la section commerciale, ils sont attribuables à la pandémie de la Covid-19, explique Mme Bacon. Les pharmacies se concentraient sur la vente de médicaments, tandis que les consommateurs avaient changé leur habitude de consommation.

Lors de l’acquisition officielle de Jean Coutu en 2018, Metro estimait pouvoir faire des synergies de 75 millions de dollars par année après trois ans. Au troisième trimestre de 2020, sur une base annualisée, l’entreprise avait réalisé des économies de 70 M$.

 

Avec François Normand

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