Comment gérer l'obésité avec doigté

Publié le 21/09/2023 à 17:00

Comment gérer l'obésité avec doigté

Publié le 21/09/2023 à 17:00

Outre l’ergonomie, la stigmatisation et la discrimination vécues par les personnes obèses sont très présentes dans les milieux de travail. (Photo: 123RF)

LEADERSHIP INCLUSIF: COMMENT BIEN L'INCARNER. Considérée comme une maladie chronique par l’Association médicale canadienne depuis 2015, l’obésité poursuit son ascension au Canada. Étant donné les nombreux troubles de santé qui y sont associés, elle engendre des problèmes d’absentéisme et de présentéisme non négligeables pour les employeurs. Sa prise en charge efficace impose toutefois une réflexion considérable vu les risques de stigmatisation, le manque de connaissances de certains intervenants et la couverture des soins, que plusieurs considèrent comme peu optimale. 

Mesurée par l’indice de masse corporelle (IMC), l’obésité concerne toute personne qui obtient un résultat de plus de 30 kg/m2. Selon Statistique Canada, le Québec a connu une forte hausse du taux d’obésité ces dernières années, avec 27,6 % des adultes touchés, même si les taux d’obésité sont plus élevés ailleurs au Canada. Cette maladie est par ailleurs associée à d’autres pathologies, comme le diabète, l’insuffisance cardiaque ou les problèmes articulaires.

L’obésité et les comorbidités qui y sont liées ne sont pas sans conséquence dans les milieux de travail. «Un rapport de l’OCDE publié en 2019 a montré que l’obésité est associée à une augmentation de 41 % de la probabilité de présentéisme et de 19 % de la probabilité d’absentéisme chez les travailleurs canadiens, indique Neda Nasseri, directrice de produits, médicaments et soins de santé complémentaires chez Desjardins Assurances. Une autre étude a révélé que les employés obèses ont pris en moyenne 2,5 fois plus de jours de maladie par année que leurs homologues non obèses.

En termes de coûts directs, les soins de santé de l’obésité au Canada (y compris les coûts des médecins, des hospitalisations et des médicaments) frôlent les neuf milliards de dollars annuellement. «Si l’on tient compte des coûts indirects engendrés par l’obésité, on pourrait s’attendre à une dépense annuelle de 33 milliards de dollars, seulement au Canada, d’où la nécessité d’avoir en place des politiques publiques de prévention et de traitement », ajoute Neda Nasseri.

«Si on veut améliorer la situation globale de l’obésité, il faut que les professionnels comme les nutritionnistes et les kinésiologues soient dans les couvertures d’assurance. Souvent, les services de nutritionnistes ne sont pas couverts et c’est un non-sens.» — Dr Yves Robitaille, Hôpital Pierre-Le Gardeur

Des espaces de travail mieux adaptés

Nul doute que l’environnement de travail joue un rôle important sur le maintien des employés en santé. «Mes patients me rapportent souvent que leur milieu de travail n’est pas adapté à leur état de santé», confie le Dr Yves Robitaille, interniste à l’Hôpital Pierre-Le Gardeur ainsi qu’au Centre de médecine métabolique de Lanaudière. «Pour cette raison, certaines tâches sont plus difficiles pour eux, plus fatigantes, si bien qu’ils seront moins performants, moins efficients dans leur journée de travail. » 

Il est donc primordial de moduler ergonomiquement l’espace de travail selon la corpulence de chacun. «Cela passe par du mobilier inclusif, avec des chaises de travail ajustables et sans appui-bras», explique Safiétou Sakala, chargée de dossiers, communications saines sur le poids à la Coalition québécoise sur la problématique du poids. «Une chaise inconfortable ou un couloir trop étroit peuvent rapidement devenir stigmatisants pour une personne obèse, souligne Neda Nasseri. Il est important de mettre à la disposition des employés de l’ameublement, des uniformes et des espaces adaptés à leur stature.»

 

Pour une meilleure inclusion 

Outre l’ergonomie, la stigmatisation et la discrimination vécues par les personnes obèses sont très présentes dans les milieux de travail. «Il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire, indique Safiétou Sakala. Une de nos études a révélé que près de quatre Québécois sur dix ont déjà été victimes de commentaires déplacés à l’égard de leur poids, et dans 41% des cas cela provenait de collègues de travail.»

Le Dr Robitaille constate que ses patients obèses ont plus de difficultés à obtenir des promotions ou à accéder à des postes pour lesquels ils ont tout ce qui est requis. « À compétences égales, la personne qui souffre d’obésité a moins de chance d’obtenir la promotion ou l’emploi que la personne qui ne souffre pas d’obésité», déplore-t-il.

«Pour soutenir les employés atteints d’obésité dans nos milieux, il faut tout simplement les inclure, les respecter comme on respecte toute autre personne et dénoncer les microagressions dont on est témoin », ajoute Neda Nasseri.

D’ailleurs, la grossophobie n’est pas uniquement présente en milieu de travail, mais aussi dans le domaine de la santé. «Beaucoup de professionnels de la santé disent à mes patients qu’ils n’ont qu’à bien manger et faire du sport!, se désole le Dr Robitaille. La grossophobie est liée à une mauvaise compréhension de l’obésité. La solution va passer par l’éducation de la population en général, mais aussi de la population médicale et paramédicale.»

Le médecin insiste d’ailleurs sur l’importance de respecter le choix des personnes. «Une personne qui souffre d’obésité peut faire le choix de vivre avec son obésité, de s’accepter avec son obésité et de ne pas vouloir changer, explique-t-il. Une personne atteinte de cancer qui choisit de ne pas recevoir de chimiothérapie ne sera pas ostracisée. On va continuer de la soigner et de s’en occuper. On va respecter son choix. Il faut accompagner les patients dans les décisions qu’ils prennent.»

«Dans plusieurs pays, comme l’Australie, l’Angleterre et l’Irlande, les médicaments antiobésité sont couverts par les régimes publics. Par contre, ils ne sont pas couverts en première ligne, mais plutôt en combinaison avec des modifications des habitudes de vie.» – Éric Trudel, Beneva

Miser sur les saines habitudes de vie… mais pas que

La pierre d’assise du traitement de l’obésité demeure la modification des habitudes de vie: alimentation plus saine et augmentation de l’activité physique. «Une modification des habitudes de vie entraînera des pertes de poids autour de 5 à 10 %, ce qui est déjà suffisant pour réduire les complications associées à l’obésité, indique le Dr Robitaille. Toutefois, on ne peut pas se contenter de dire à une personne de manger selon le Guide alimentaire canadien et de faire une marche tous les jours. C’est plus complexe que cela, car le corps va s’adapter aux modifications et essayer de préserver le gras, qui est une réserve d’énergie.»

Les spécialistes de l’obésité insistent sur la nécessité d’une approche multidisciplinaire. «Si on veut améliorer la situation globale de l’obésité, il faut que les professionnels comme les nutritionnistes et les kinésiologues soient dans les couvertures d’assurance, insiste le Dr Robitaille. Souvent, les services de nutritionnistes ne sont pas couverts et c’est un non-sens. Ces ­gens-là font quatre ans et demi d’université et agissent sur la gestion des comportements, outillent les patients, leur font réaliser ce qu’il se passe, quels sont les pièges et comment les éviter. Le traitement de l’obésité nécessite des professionnels encadrants, formés et qui vont au-delà des simples principes de base.»

Dans les milieux de travail, il faut faire attention aux activités de mieux-être qui rejoignent difficilement les employés obèses, ajoute-t-il. «Ils ont peur d’être jugés sur leur image corporelle et n’osent pas s’exhiber en public. Les programmes de ­mieux-être en milieu de travail devraient comporter du soutien psychologique ou de l’enseignement auprès des travailleurs, qu’ils souffrent d’obésité ou non. C’est toute une stigmatisation intégrée et intériorisée qui est à défaire.»

 

L’apport des médicaments

Actuellement, au Canada, trois molécules ont reçu l’approbation de Santé Canada pour traiter l’obésité : Saxenda, Contrave et Xenical. «Ces médicaments viennent combler l’espace entre les pertes de poids qui sont possibles avec des modifications des habitudes de vie et les pertes de poids provoquées par la chirurgie bariatrique », explique le Dr Robitaille, qui trouve néanmoins dommage qu’ils soient peu couverts par les assurances privées et absents de la couverture offerte par le régime public.

Chez Desjardins, les médicaments pour traiter l’obésité ont été ajoutés à la couverture de base en 2021. À Beneva, cette couverture est optionnelle. «À peine une cinquantaine de preneurs de contrat ont décidé d’inclure la couverture, ce qui est peu», précise Éric Trudel, vice-président exécutif et leader, assurance collective à Beneva. Il admet que le Canada accuse un retard sur l’Europe dans ce dossier. «Dans plusieurs pays, comme l’Australie, l’Angleterre et l’Irlande, les médicaments antiobésité sont couverts par les régimes publics. Par contre, ils ne sont pas couverts en première ligne, mais plutôt en combinaison avec des modifications des habitudes de vie.»

 

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