Le retour des zombies

Publié le 15/03/2024 à 13:46

Le retour des zombies

Publié le 15/03/2024 à 13:46

Par John Plassard

Faut-il s’inquiéter?

Si la majeure partie des «entreprises zombies» sont des PME et ne sont pas cotées en bourse, on estime tout de même aux États-Unis que près de 13% des sociétés du S&P 1500 (SPR) peuvent aussi être cataloguées comme étant des «morts vivants», la question de savoir s’il faut s’inquiéter est donc légitime.

En effet, une progression des «entreprises zombies» récompense les improductifs et taxe les productifs, créant une incitation perverse et ne protégeant rien au final.

Les entreprises qui ont un rendement inférieur ont leur dette refinancée encore et encore, tandis que les entreprises en croissance et de hautes productivités ont du mal à avoir accès au crédit.

L’OCDE rappelle que non seulement les «entreprises zombies» affectent l’investissement directement, mais elles peuvent aussi exercer un effet d’éviction sur les investissements des entreprises non zombies et, ce faisant, entraver l’affectation efficiente des ressources et ralentir la croissance de la productivité multifactorielle en empêchant les entreprises plus productives de gagner des parts de marché.

La congestion causée par les entreprises zombies peut ainsi réduire la croissance potentielle de la production et de la productivité.

D’après les estimations des effets de congestion dus aux entreprises zombies dans les pays de l’OCDE, la faiblesse des investissements des entreprises depuis la crise pourrait s’expliquer en partie par le fait que certaines entreprises chroniquement faibles n’ont toujours pas quitté le marché…

 

Le problème de la COVID-19

Le soutien sans précédent apporté par les politiques fiscales et monétaires à la suite de la pandémie de COVID-19 a mis en évidence les préoccupations liées au fait que le crédit bon marché pourrait alimenter le financement d'entreprises zombies, c'est-à-dire des entreprises qui ne sont pas en mesure de générer suffisamment de bénéfices pour couvrir les coûts du service de la dette et qui doivent emprunter pour rester en vie. 

De nombreux observateurs dont le Washington Post ont fait remarquer que les entreprises zombies pourraient évincer les prêts aux entreprises productives et éroder la force de l'économie américaine.

 

Les États-Unis un peu moins affectés... jusqu’à aujourd’hui

Selon une étude de la Réserve fédérale américaine (Fed), les entreprises zombies ne sont pas une caractéristique très importante de l'économie américaine.

Parmi les entreprises privées et cotées en bourse, les entreprises zombies sont peu nombreuses et généralement de petites tailles; elles sont surtout concentrées dans les secteurs de la fabrication et du commerce de détail et représentent une faible part du crédit total accordé aux entreprises non financières.

En outre, la part des entreprises cotées en bourse qu’identifie la Fed comme zombies présente un profil cyclique, augmentant pendant les récessions et diminuant pendant les expansions, reflétant probablement une combinaison de chocs globaux et spécifiques au secteur.

Bien que les résultats apportent un nouvel éclairage sur la nature et l’importance des entreprises zombies dans l’économie américaine, évaluer si la récession due à la pandémie et le soutien fiscal et monétaire sans précédent qu’elle a déclenché pourraient conduire à la prolifération des entreprises zombies reste une question ouverte qui ne pourra être traitée que lorsque davantage de données seront disponibles.

 

Où sont les zombies?

Une question intéressante est de savoir si les entreprises zombies sont répandues dans toutes les industries ou concentrées dans quelques secteurs en déclin.

Si l'on se concentre sur les entreprises identifiées comme zombies à la fin de 2020, le tableau ci-dessous montre que si les entreprises cotées classées comme zombies sont fortement concentrées dans le secteur manufacturier, les zombies parmi les entreprises privées sont surreprésentés par rapport aux entreprises non-zombies dans le secteur du commerce de détail, dans l'industrie manufacturière et dans l'industrie minière, pétrolière et gazière.

 

Les zombies et les taux d’intérêt

L'économie actuelle est une mauvaise nouvelle pour les entreprises zombies. Le niveau des taux d'intérêt exerce une pression sur elles, pour plusieurs raisons:

• Les taux d'intérêt élevés réduisent la demande dans l'économie, ce qui signifie moins de revenus pour de nombreuses entreprises, ainsi que moins de liquidités pour rembourser les dettes.

• Ils rendent plus difficile la recherche de nouveaux financements, car les entreprises qui ne pouvaient pas couvrir leurs paiements d'intérêts à des taux plus bas seront encore plus en retard si elles empruntent à des taux plus élevés.

• Lorsque les taux d'intérêt augmentent, les investisseurs et les banques ont moins intérêt à prêter aux zombies, car des taux plus élevés signifient qu'ils ont des options meilleures et plus sûres.

•Ainsi, la hausse des taux poussera probablement davantage d’entreprises zombies à la faillite. Et elle poussera davantage d’entreprises saines vers le statut de zombie: les entreprises qui pouvaient couvrir leurs paiements d’intérêts pourraient ne plus en être capables si elles devaient emprunter à des taux plus élevés.

La faillite n'est cependant pas la seule option pour les entreprises zombies. Elles peuvent également vendre des actifs, ce qui peut constituer une opportunité pour les entreprises plus saines.

Les sociétés de capital-investissement ne sont pas les seules à être à l'affût des entreprises en difficulté qui cherchent à se défaire de leurs activités ; les entreprises disposant de beaucoup de liquidités ou ayant la capacité de lever des fonds pourront également acheter à bas prix si les taux d'intérêt restent au même niveau plus longtemps que prévu.

En effet, le plus longtemps les taux d’intérêt resteront proches des niveaux actuels, plus dure sera la chute...

 

Les États peuvent aussi être des «États zombies»

Si on pousse la réflexion un peu plus loin, on peut affirmer que certains gouvernements/États sont aussi des «États zombies» lorsqu’ils sont incapables d’aligner des budgets à l’équilibre et/ou de s’endetter plus facilement pour financer leurs politiques économiques.

Ainsi, tout comme une «entreprise zombie», l’État détourne également des ressources qui auraient pu être affectées à des fins productives…

C’est notamment le cas dans certains pays européens qui ne connaissent pas de croissance…

 

Synthèse

On peut sourire du titre de cette étude, mais la thématique est des plus sérieuse et des plus importante pour la croissance future de plusieurs entreprises et de plusieurs états. En attendant potentiellement trop longtemps avant de baisser leurs taux d’intérêt, les banques centrales pourraient alimenter certains effets de second tour, dont l’effondrement de nombreuses entreprises considérées comme des zombies…

 

 

Ce texte est tiré de l’infolettre quotidienne de John Plassard, gracieuseté de Mirabaud

 

** Veuillez prendre note que les visuels de notre expert sont présentés en anglais à titre informatif et ne peuvent être traduits par notre équipe. Merci de votre compréhension.

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