Le retour des zombies

Publié le 15/03/2024 à 13:46

Le retour des zombies

Publié le 15/03/2024 à 13:46

Par John Plassard

(Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. C’est une thématique que nous avons abordée lorsque les taux d’intérêt étaient encore proches de zéro: les entreprises zombies. Avec des taux qui pourraient potentiellement rester plus élevés qu’escomptés («higher for longer») par le consensus, nous pourrions assister à une nette augmentation de faillites de ce type d’entreprises. La BIS (Bank for International Settlements ou Banque des règlements internationaux (BRI)) a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme. Qu’en est-il et le phénomène peut-il accélérer la baisse de la croissance mondiale?

 

Les faits

La Banque des Règlements Internationaux (BRI) et l’Organisation de coopération et de développement (OCDE) ont mis en garde fin 2019 contre les dommages collatéraux d’une politique monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) extrêmement laxiste. Une des plus grandes menaces serait l’augmentation des «entreprises zombies».

Depuis que le «redressement économique» a commencé, le pourcentage d’entreprises zombies dans les 14 économies dites avancées est passé de 7,5% à près de 15%. Au Canada, selon Banerjee et Hofmann ce serait le double: 30%!

La BCE a aussi tiré la sonnette d’alarme en 2021 en affirmant que 6% de ces entreprises risquent la faillite dès que le gouvernement stoppera les aides. Nous y sommes.

L’agence Bloomberg (avec Fathom Consulting) quant à elle estime que près de 20% des entreprises américaines (ci-dessous) pourraient être catégorisées comme «entreprises zombies». 

Mais si l’on élargit les critères à une seule année d’EBIT ne couvrant pas les intérêts, ce chiffre grimpe à près de 30%.

En effet, près d’un tiers des entreprises américaines fonctionne avec un EBIT trop faible pour couvrir leurs paiements d’intérêts. Et lorsque leurs paiements d’intérêts augmenteront — ce qui se produira lorsqu’elles devront refinancer leur dette à des taux plus élevés —, encore plus d’entreprises rejoindront le club des zombies, les plus faibles d’entre elles étant potentiellement contraintes de faire défaut.

La définition

Une entreprise zombie est, selon la définition, une entreprise de plus de dix ans qui présente un taux de couverture des intérêts (ICR) inférieur à 1 pendant trois exercices consécutifs. Un effet de levier élevé et un ICR faible permettent d'identifier les entreprises qui ne peuvent pas couvrir les coûts du service de la dette, tandis qu'une croissance négative des ventes identifie les entreprises ayant de faibles perspectives de croissance, car la croissance des ventes est un bon indicateur des performances futures des entreprises.

Essentiellement, une société qui ne survit que grâce à un refinancement constant de sa dette et qui, en dépit des restructurations et des taux faibles, n’est toujours pas capable de couvrir le paiement de ses intérêts débiteurs avec les bénéfices d’exploitation, encore moins de rembourser le principal.

En bref, il s’agit d’une entreprise insuffisamment rentable et qui a du mal à rembourser ses dettes.

 

D’où viennent les zombies?

Pour déterminer d’où viennent les zombies, il faut revenir à la «décennie perdue» du Japon dans les années 1990. Lorsque l’économie japonaise s’est dégradée, un certain nombre d’entreprises japonaises n’ont même pas été en mesure de payer les intérêts de leurs dettes.

 

Normalement, ces entreprises auraient dû faire faillite, mais de nombreuses banques ont choisi de laisser les entreprises suspendre leurs paiements pour éviter d'admettre à leurs actionnaires que le prêt ne serait probablement jamais entièrement remboursé. En conséquence, le secteur bancaire a maintenu ces entreprises en difficulté pendant des années.

Le phénomène des zombies ne s'est toutefois pas limité au Japon. Après la crise financière de 2008, des rapports sur ces entreprises ont commencé à apparaître partout.

En 2017, des économistes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont publié un document suggérant que les entreprises zombies semblaient être en augmentation dans les économies combinées de la Belgique, de la Finlande, de la France, de l’Italie, de la Corée, de la Slovénie, de l’Espagne, de la Suède et du Royaume-Uni.

De plus, cette augmentation semblait liée à une faible croissance de la productivité. Selon eux, le maintien de ces entreprises est mauvais pour l'économie.

Enfin, en 2018, les économistes de la Banque des règlements internationaux, une coopérative de banques centrales, ont apporté une réponse. Ils ont établi un lien entre les taux d'intérêt bas et le nombre croissant d'entreprises zombies. Les pays où les taux ont le plus baissé sont ceux où la part des entreprises zombies a le plus augmenté.

 

À SUIVRE -> Faut-il s’inquiéter?

Sur le même sujet

Bienvenue au «takeoff», le prochain mot à la mode

18/04/2024 | John Plassard

EXPERT INVITÉ. Les banques centrales pourraient être obligées de devoir relever leurs taux...

Vous reprendrez bien un peu de vitamine D?

17/04/2024 | John Plassard

EXPERT INVITÉ. Le marché de la vitamine D est fortement caractérisé par la demande croissante de suppléments.

À la une

Compétitivité: Biden pourrait aider nos entreprises

26/04/2024 | François Normand

ANALYSE. S'il est réélu, Biden veut porter le taux d'impôt des sociétés de 21 à 28%, alors qu'il est de 15% au Canada.

Et si les Américains changeaient d’avis?

26/04/2024 | John Plassard

EXPERT INVITÉ. Environ 4 électeurs sur 10 âgés de 18 à 34 ans déclarent qu’ils pourraient changer leur vote.

L’inflation rebondit en mars aux États-Unis

Mis à jour le 26/04/2024 | AFP

L’inflation est repartie à la hausse en mars aux États-Unis, à 2,7% sur un an contre 2,5% en février.