Tout part du client!

Publié le 14/02/2022 à 09:41

Tout part du client!

Publié le 14/02/2022 à 09:41

(Photo: Christiann Koepke pour Unsplash)

Un texte d’Olivier Flahaut, associé et conseiller sénior, TB4C.com

 

COURRIER DES LECTEURS.J’ai beaucoup aimé le texte de Nicolas Duvernois, Faut-il abdiquer envers Amazon?, en particulier la proposition d’explorer la troisième voie, celle du client. Cette voie est selon moi la seule qui peut faire évoluer la situation dans une autre direction, plus pérenne. 

Je me suis permis de répondre à votre question «Certes, le défi semble titanesque, mais selon moi, le jeu en vaut la chandelle! Et vous, qu’en pensez-vous?». 

Pour ma part, je suis en accord à 100%. C’est la seule voie selon moi. Dès le début de la pandémie en 2020 et au moment du lancement du Panier bleu, je me suis questionné sur l’efficacité réelle de cette initiative pleine de bonne volonté. L’intention est bonne, mais sa faisabilité devant les géants du web, installés depuis longtemps et disposant de ressources financières gigantesques, est loin d’être prouvée. Je me pose la question même sur un bénéfice pour le long terme. Alors oui, je crois également que le salut viendra du client. Du moins, la réflexion doit partir de son point de vue pour mieux fédérer un écosystème vertueux local.

Quelques semaines après le début de la pandémie, un sondage Léger estimait que 87% des Québécois souhaitaient acheter local, 58% se préparaient à cette option, mais seulement 16% donnaient suite à leur intention. Je ne crois pas que ces chiffres aient beaucoup changé, mais quand bien même cela serait le cas, un changement de mode de consommation vers le local sera-t-il pérenne? Je crois que c’est à la condition de comprendre pourquoi le passage à l’acte n’est pas facile que nous pourrons collectivement tenter de mobiliser la société en ce sens.

Du point de vue du client, il apparaitrait assez clairement qu’au-delà de la stimulation de l’économie locale à laquelle nous sommes bien entendu très sensibles (ce sont nos emplois, nos familles, nos amis, nos collègues qui sont concernés), nous voulons aussi une économie durable, génératrice d’emplois de qualité et respectueuse de l’environnement dans un contexte d’événements climatiques et sanitaires de plus en plus fréquents. La pression sur les gouvernements ne cessera de progresser, ne serait-ce qu’en raison des coûts astronomiques engendrés …

Ainsi, un moyen de ne pas abdiquer devant Amazon serait de s’assurer de répondre à la préoccupation du client qui ne veut plus de l’ancien monde de consommation. Malheureusement :

  • Les tentatives d’incitatifs structurants actuels à l’achat local reposent justement sur la copie des modèles de type Amazon comme expliqué dans votre article (vitrine transactionnelle en ligne, logistique bien huilée, etc.).
  • On conforte le modèle de consommation actuel (le monde avant COVID-19) plutôt que de stimuler une consommation et donc une production d’après COVID-19 locale, oui, mais aussi responsable.
  • Le consommateur n’a aucun moyen d’évaluer son profil de consommateur responsable et ne s’y retrouve pas au milieu des nombreuses marques et certifications. On ne peut pas améliorer ce que l’on ne connaît pas.
  • L’achat local n’est pas accessible à tous en raison de coûts parfois plus élevés et soyons honnêtes, le prix est un critère qui passe bien souvent avant le caractère local du produit.

 

Face aux attentes des clients responsables, une «Alliance bleue» pourrait être un début de réponse. Cette alliance pourrait prendre la forme d’une plateforme coopérative d’affaires utilisant les principes de fidélisation marketing en les mettant au service d’une consommation locale et responsable. Elle serait basée sur quelques grands principes :

  • Des consommateurs désireux de s’impliquer et d’obtenir de l’information sur leur consommation locale et son impact par le moyen d’une application mobile afin d’être incités à consommer de façon informée et responsable dans l’environnement de l’Alliance créant ainsi un levier fort en matière de CA additionnel pour les producteurs locaux engagés.
  • Une gouvernance indépendante et impliquant des représentants publics et privés clés de la société.
  • Des producteurs québécois souhaitant s’impliquer concrètement dans un cycle, au cœur de l’Alliance, destiné à toujours rehausser la qualité des produits locaux selon des critères et marques à déterminer. D’ailleurs, rien n’empêcherait d’inclure la RSE au sens large dans de tels critères.
  • Des distributeurs québécois voulant enrichir toujours plus leur catalogue de produits locaux et continuant à imaginer des moyens de mettre en relation les consommateurs avec les petits producteurs locaux, en ligne et physiquement.
  • Un cycle permettant de promouvoir l’écoconception et la production locale à travers l’orientation incitative des flux de consommation et des aides et subventions gouvernementales vers les producteurs et distributeurs québécois engagés.
  • Des consommations bonifiées permettant de rétribuer l’engagement responsable des consommateurs impliqués sous la forme d’une ristourne encaissable ou transférable à des organismes sélectionnés par un fond philanthropique.
  • Des institutions financières ayant l’occasion de convertir leurs programmes de récompenses et de fidélisation vers une logique de consommer mieux plutôt que consommer plus.
  • Une collecte minimale des données de consommation permettant de produire le portrait d’un membre consommateur
  • Une protection sans faille des informations collectées pour aider le consommateur à être en contrôle de son mode de consommation et non pour le tracer

 

Une telle initiative serait selon moi une occasion favorable de proposer aux consommateurs québécois un contrat et des moyens en lien avec leurs valeurs de consommation responsable dont l’importance ne cessera de croître dans les prochaines années.

À propos de ce blogue

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