Pouliot: Ne suivez pas Bécancour dans les fertilisants

Publié le 22/10/2012 à 09:19, mis à jour le 22/10/2012 à 09:19

Pouliot: Ne suivez pas Bécancour dans les fertilisants

Publié le 22/10/2012 à 09:19, mis à jour le 22/10/2012 à 09:19

Les perspectives du secteur des engrais semblent peu fertiles en ce moment. Photo: Bloomberg

BLOGUE. Gentilly-2 est morte. Pour tenter de redonner un peu de vigueur à son économie, la région de Bécancour mise maintenant en partie sur le fertilisant. Devrait-on faire de même avec nos portefeuilles ?

Cette usine de production d'urée de la Coop fédérée et de sa partenaire indienne IFFCO est un projet fort intéressant. À compter de 2017, on vise produire annuellement 1,2 million de tonnes d'engrais.

À l'heure actuelle, la Coop achète annuellement d'Orient 350 000 tonnes d'urée, qu'elle revend à ses membres agriculteurs, principalement au Québec et en Ontario, mais aussi dans les Maritimes et dans l'Ouest. Problème toutefois, son approvisionnement est incertain. Il y a eu une assez grande nervosité ce printemps lorsqu'une météo favorable a appelé les agriculteurs à se mettre à l'oeuvre plus tôt, mais que la voie maritime n'était pas encore ouverte.

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L'intérêt de la coopérative indienne est en quelque sorte similaire. Elle compte cinq usines d'urée dans le monde, mais cherchait apparemment à s'établir dans une juridiction aux assises sociales et démocratiques stables.

En plus de sécuriser leurs approvisionnements, les deux partenaires veulent faire de l'argent avec l'usine elle-même.

Le projet est-il porteur ?

Il y a quelques facteurs de risque, mais on serait porté à l'envisager favorablement.

Le gaz naturel est au centre de toute l'histoire. Il s'agit de le transformer en particules solides en ajoutant de l'azote. Il représente en fait de 60 à 75 % des coûts de production de l'urée.

Bécancour se trouve alimentée par un important gazoduc. Avec l'émergence du gaz de schiste, le prix du gaz naturel en Amérique du Nord est tombé à des niveaux inégalés dans le monde. C'est un avantage certain, et il serait étonnant que d'autres usines hors l'Amérique puissent produire à meilleur coût avant un bout de temps.

L'autre avantage réside dans l'état actuel du marché canado-américain, vers lequel sera dirigée la moitié de la production (les Indiens devraient garder l'autre moitié). Financière Banque Nationale évalue que le marché nord-américain de l'urée (azote) est déficitaire de 6,1 millions de tonnes, lesquelles doivent être importées chaque année. Ce sont des frais de transport maritime que les partenaires n'auront pas à assumer et qui améliorent conséquemment la marge bénéficiaire.

Évidemment, tout n'est pas sans risques. Ce qui est trop attrayant peut parfois être dangereux. Il ne serait pas surprenant de voir les producteurs nord-américains d'urée augmenter leurs capacités de production dans les prochaines années. Si l'offre dépasse la demande, les prix pourraient chuter et la rentabilité de Bécancour, être mise à mal. Pour l'heure, les choses ne semblent pas si mauvaises. La Nationale estimait en mai que la capacité de production de l'industrie pourrait grimper de 3 à 3,5 millions de tonnes d'ici 2015. Un chiffre, rappelons-le, à mettre en relation avec le déficit actuel de 6 millions de tonnes.

Pour la moitié de la production qui prendra le chemin de l'Inde, le risque de rentabilité est néanmoins plus important. L'International Fertilizer Industry Association estime que, sur la planète, il y a nettement plus de projets d'expansion que ce que sera la croissance de la demande dans les prochaines années. Si tout va de l'avant, les prix chuteront dans plusieurs marchés (y compris l'Inde).

Pas dans le sac donc, particulièrement en raison du volet indien du projet. Quelque chose nous dit cependant que tous les projets ne se feront pas, car certains redouteront la matérialisation de surplus.

Devrait-on jouer le secteur ?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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