Monnaie royale: une vente d'or discutable

Publié le 03/11/2011 à 09:24, mis à jour le 03/11/2011 à 09:24

Monnaie royale: une vente d'or discutable

Publié le 03/11/2011 à 09:24, mis à jour le 03/11/2011 à 09:24

La Monnaie royale du Canada s'apprête à donner de l'expansion à ses activités avec un premier appel à l'épargne qui vise à acheter et revendre de l'or en fractions. Une décision qui n'est pas sans logique financière, mais qui soulève certaines interrogations quant à la mission de l'institution.

L'appel à l'épargne devrait atteindre 250 M$ CAN. Avec cet argent, l'institution achètera de l'or et la revendra aux investisseurs sous la forme d'unités de 20$ baptisées "Reçus de transaction boursière".

Ces reçus permettront à leurs acheteurs d'être directement propriétaires de l'or (et de l'exiger), plutôt que de détenir une participation où une action dans l'entité qui la détient. Une nuance avantageuse au plan juridique, particulièrement si des difficultés surviennent dans la société qui détient le métal précieux.

D'un point de vue financier, le geste de la Monnaie royale apparaît fort brillant. C'est elle qui aura charge de l'entreposage des lingots d'or et se prendra en conséquence annuellement en contrepartie une cote de 0,35% de la valeur de l'unité. Sur cette seule cote, c'est un peu plus de 4 M$ qui s'ajouteront à ses revenus cette année et qui varieront dans le futur en fonction du prix de l'or.

Mais alimente-t-on une bulle?

La Monnaie Royale est détenue par le gouvernement fédéral et toute amélioration de sa rentabilité est bénéfique au trésor public. Il faut s'en réjouir.

Se pose toutefois une interrogation quant à l'à propos du geste. Si une institution contrôlée par l'État constate qu'un secteur est en bulle, est-il légitime pour elle de développer et de prêter son nom à des produits qui sont susceptibles d'amplifier cette bulle?

À quelques nuances près, la Monnaie royale se trouve à créer une sorte de fonds négocié en bourse (FNB). Loin d'être les uniques responsables de la flambée du prix de l'or, ces fonds n'y sont pas non plus étrangers.

Les premiers de ceux-ci furent lancés au milieu des années 2000, alors que le prix de l'or (autour des 400-430$ US à ce moment) se remettait d'une visite en enfer. On visait alors à créer plus de demande pour le métal en mettant sur pied des véhicules qui faciliteraient son achat.

À la faveur de cet accès facilité, d'un effondrement des taux d'intérêt, et d'une incertitude accrue quant au véritable pouvoir d'achat des devises traditionnelles, le prix de l'or rebondit fortement.

Certains soutiennent qu'il ne s'agit que d'un commencement et que le prix du métal précieux (1 730$ US l'once) touchera les 2500$ US et même les 5000$ US l'once. Nous sommes plutôt d'avis que l'or est aujourd'hui dans une bulle appelée à se dégonfler sur quelques années. Cela ne veut pas dire qu'il ne progressera pas encore davantage, c'est le propre d'une bulle d'enfler. Mais sur une base historique, il est dans une zone dangereuse.

Le risque de la Monnaie royale sur ce produit financier apparaît pratiquement nul. Elle tarifie l'entreposage des lingots, et les lingots demeureront toujours avec un propriétaire qui devra payer le tarif, peu importe la valeur du lingot.

L'interrogation est plutôt de nature morale. La Monnaie Royale a bon nom et celui-ci risque d'indirectement rassurer nombre d'investisseurs moins avertis sur les risques associés au secteur.

Affiner plus de lingots dans ses activités commerciales en répondant à une demande accrue du marché est une chose. Ajouter une buche dans le poêle quand celui-ci présente des signes de surchauffe en est une autre.

Le gouvernement devrait réfléchir à la mission commerciale de l'institution.

À lire aussi: Prix de l'or, ça sent la bulle

 

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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