Blogue. Le lancement du nouveau service Illicoweb par Vidéotron, ce matin, s'avère un excellent exemple de la façon dont Pierre-Karl Péladeau, chef de la direction de Quebecor Média, perçoit les médias canadiens en général, et la concurrence au Québec en particulier.

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Sur une note anecdotique, mais tout de même révélatrice, il fallait être sur place pour constater que M. Péladeau n'avait aucun goût de répondre aux questions de journalistes bossant pour des médias qui ne lui appartiennent pas. Après avoir accordé deux entrevues successives, d'abord au représentant de TVA-LCN-Argent-Canoë, puis à celle de Vox, le coloré chef d'entreprise a filé en douce vers la sortie, évitant les questions des autres journalistes encore présents sur place.

Transparence oblige, ça comprend deux rebuffades pour votre obligé, qui aurait bien aimé savoir s'il existait un lien entre l'absence de la chaîne RDS, sur Illicoweb, et l'octroi d'une licence à Quebecor Média par le CRTC pour la future chaîne TVA Sports. Réponse de Robert Dépatie, le fidèle bras droit de M. Péladeau qui est à la tête de Vidéotron depuis 8 ans déjà : « C'est avec CTV que nous négocions, et nous négocions encore, mais pour le moment il n'y a pas d'entente. »

Vincent, mon collègue de La Presse, a eu droit à regard plus que glacial de la part de M. Péladeau lorsqu'il lui a demandé comment avançait le dossier du retour des Nordiques.

La question n'est pourtant pas sans intérêt : RDS vit grassement des revenus que génère son entente exclusive avec le Canadien de Montréal. On sait que Quebecor aimerait avoir un lien aussi étroit avec une propriété sportive locale, qui pourrait être une source de contenu (et de revenus) pour à peu près tous ses médias. Ce méli-mélo s'apparente à la convergence qu'apprécie tant M. Péladeau, mais elle s'avère douloureuse pour la neutralité de l'information.

Ce qui nous ramène à la question d'Illicoweb, un service accessible exclusivement aux clients qui ont un abonnement à la fois pour la télé Illico et pour l'accès à Internet de Vidéotron. Pour eux, en prime, ce service sera gratuit. Sur Mac et PC, mais par sur iPhone, ni sur iPad.

Pour les autres, Illicoweb est tout simplement inaccessible. M. Dépatie ajoute qu'il n'a aucune intention d'ouvrir ce service au grand public, qu'il s'agit seulement d'une valeur ajoutée pour conserver ses clients actuels, ou d'une attraction de plus pour les éventuels nouveaux clients.

Remarquez qu'il a aussi laissé entendre l'inverse à mon collègue Mathieu, de LesAffaires.com. Allez savoir, alors.

Bref, rien de bien méchant. À l'exception près que les diffuseurs qui offrent leur signal télé en direct sur Illicoweb se voient interdits d'en faire autant sur leur propre site Web, ou ailleurs sur Internet. Ce détail, confirmé par M. Dépatie, est important : Quebecor s'octroie l'exclusivité en ligne de la diffusion en direct que font les chaînes associées à Illicoweb (nuance: je doute que ça s'applique à la webdiffusion que fait Radio-Canada, qui est indépendante de ce qui se passe sur les ondes télé).

Pas surprenant que ça achoppe avec CTV: RDS tire des profits de la webdiffusion en direct des matchs du Canadien, sur son propre site Web. De leur côté, les gens d'Astral, qui exultaient tout au long de la conférence de presse, devraient se demander si c'est une bonne idée de se lier les mains aussi serrées dans les menottes de ce nouveau service.

Car pour Quebecor et M. Péladeau, les seuls médias qui comptent, et la seule concurrence autorisée sont ceux qui existent au sein de son entreprise. Tout le reste ne mérite apparemment aucune considération. Que des sociétés comme Astral et Radio-Canada se prêtent à ce jeu n'est que très surprenant, et explique sans doute pourquoi Pierre-Karl Péladeau ne cessait de faire des clins d'œil à Ian Greenberg, PDG d'Astral Média, présent dans la salle ce matin.

Car cette stratégie de convergence, qui mène le chef de Quebecor à ne répondre qu'à ses propres journalistes, se répète pour la webtélé. Souhaite-t-on réellement que la webdiffusion et la webtélé au Québec devienne l'exclusivité d'une seule et unique entreprise, en l'occurrence, Quebecor Média?

Je demande ça comme ça.