" Trop de marques vendent leur légende plutôt que leur qualité "

Publié le 12/02/2011 à 00:00, mis à jour le 11/02/2011 à 15:36

" Trop de marques vendent leur légende plutôt que leur qualité "

Publié le 12/02/2011 à 00:00, mis à jour le 11/02/2011 à 15:36

Par Diane Bérard

Les parkas noirs Canada Goose font désormais partie du paysage hivernal québécois. Bien qu'ils soient produits en 15 couleurs, les modèles noirs constituent 60 % des ventes de l'entreprise. Et Dani Reiss n'a pas l'intention de lutter contre les goûts de ses clients. Depuis qu'en 2001, il a pris la relève de son père, qui avait lui-même pris le relais de son grand-père, le jeune entrepreneur ontarien vit une histoire d'amour avec le consommateur. Canada Goose appartient au club sélect des marques canadiennes mondiales - les parkas sont vendus dans 40 pays. Dani Reiss, lui, appartient à l'élite des Top 40 under 40 ainsi qu'à la Young President's Association (YPO). Au moment où certains affirment qu'on voit trop de parkas noirs dans les rues, le président de Canada Goose s'inquiète plus de la contrefaçon que de la dilution de sa marque. Je l'ai joint à ses bureaux de Toronto, en Ontario, pour en parler.

Diane Bérard - Vous avez étudié en philosophie et rêviez de devenir écrivain. Que faites-vous à la tête d'un fabricant de parkas ?

Dani Reiss - J'y suis entré pour une période de trois mois à la fin de mes études, le temps d'amasser l'argent nécessaire à plusieurs mois d'errance et d'écriture. Ces trois mois se sont transformés en six, puis neuf et douze. Je cherchais quelque chose qui me passionnerait et qui me permettrait de contribuer à la société. Je croyais que ce serait l'écriture, j'ai découvert l'entrepreneuriat.

D.B. - Comment bâtit-on une marque ?

D.R. - Commencez par fabriquer un bon produit. Trop d'entreprises mettent l'accent sur la légende autour du produit au détriment de la qualité. Cela me fait sourire : combien d'argent investi en publicité et en marketing pour raconter l'histoire " unique " de produits fabriqués en série en Asie ! Toutes ces marques qui se veulent si différentes les unes des autres sont produites côte à côte dans les mêmes usines par les mêmes travailleurs.

D.B. - Pourquoi n'y a-t-il pas plus de marques canadiennes ?

D.R. - Je crois que nous n'avons pas la fierté nationale requise pour en créer et les soutenir. Les Canadiens sont trop humbles, discrets.

D.B. - Quelle est votre marque canadienne préférée?

D.R. - Le Cirque du Soleil. Mais je suis fier aussi de Bombardier, de Research In Motion, de Lululemon ainsi que de Roots.

D.B. - Vous avez pris la relève à la tête de l'entreprise familiale, alors que ni vous ni vos parents ne l'avaient prévu. Avez-vous été accompagné après avoir pris les commandes ?

D.R. - Nous n'avons pas recruté de coach pour effectuer la transition de mon père à moi. Par contre, je crois beaucoup au coaching et j'ai bâti un réseau informel que je consulte souvent.

D.B. - Quelle a été la contribution de chacune des générations à la croissance de l'entreprise ?

D.R. - Mon grand-père Sam l'a fondée. Les revenus servaient à faire vivre sa famille ainsi qu'une poignée d'employés. Mon père David l'a transformée en sous-traitant d'envergure mondiale en plus d'inventer la machine qui sert à injecter le duvet dans nos parkas. Nous avons gagné un avantage concurrentiel et une spécificité. Puis est venue la délocalisation vers l'Asie. J'ai hérité d'une entreprise aux fondations solides, mais passablement rétrécie. J'ai laissé tomber les marques maison pour ne conserver que la nôtre : Canada Goose. Et j'ai parié sur la fabrication au Canada plutôt qu'en Asie.

D.B. - Vous avez choisi de fabriquer vos produits au Canada au plus fort du mouvement de délocalisation. Aujourd'hui, la tendance semble aller du côté de la mondialisation inversée.

D.R. - En effet. De plus en plus de marques sont fabriquées dans leur lieu d'origine plutôt que dans une usine lointaine et anonyme. Nos parkas sont conçus pour les hivers canadiens et fabriqués dans 10 usines canadiennes, dont deux nous appartiennent. Nous avons d'ailleurs l'intention d'augmenter notre capacité de production cette année.

D.B. - Vos parkas sont devenus la " saveur du mois ". Ne craignez-vous pas que votre marque perde de la valeur en devenant trop populaire ?

D.R. - On trouve probablement trois manteaux The North Face pour un parka Canada Goose. Pourtant, personne ne dit que The North Face est trop populaire. Pourquoi ? Parce qu'on ne remarque plus les produits The North Face, ils sont présents depuis longtemps et font partie du paysage.

D.B. - Avez-vous envisagé contrôler l'offre pour ne pas diluer votre marque ?

D.R. - Non. Nous ne dirons jamais : " Nous ne vendrons pas plus de tant de parkas noirs ". Notre stratégie consiste plutôt à créer, en marge de nos modèles habituels, des modèles à distribution limitée. En octobre dernier, nous avons lancé, dans quelques points de vente, un parka dessiné par le rappeur canadien Drake, au coût de 900 $. Et nous travaillons présentement avec un designer japonais sur un autre modèle exclusif.

D.B. - Le Québec compte des marques fortes, comme Kanuk et Chlorophylle. Comment avez-vous réussi à vous imposer ?

D.R. - Nous avons compté sur une vieille stratégie éprouvée : connaître le succès ailleurs ! Nous avons percé en Europe, surtout dans les pays scandinaves, à la fin des années 1990. Ce succès m'a aidé à convaincre les détaillants québécois de nous adopter. Comme le dit le dicton anglais : " Nous sommes arrivés les derniers à notre party ".

D.B. - Comment arrivez-vous à vendre le même produit aux fashionistas de 20 ans et aux mordus de plein air ?

D.R. - Nous ne nous considérons pas comme une marque " mode " : nous sommes d'abord une marque de plein air. S'il y a convergence entre le marché de la mode et celui du plein air, c'est en raison d'une nouvelle catégorie que je nommerais " style de vie ". Nos parkas vous tiennent au chaud, ils sont fonctionnels. Bref, ils répondent aux besoins d'un consommateur vivant au Canada, tout simplement.

D.B. - Votre site Web s'ouvre sur une mise en garde relative à la contrefaçon. Pouvez-vous vraiment lutter contre ce fléau ?

D.R. - Nous ne pouvons l'éliminer, mais nous arrivons à le contrôler. Nous misons sur l'éducation, afin que le consommateur qui veut acheter un authentique Canada Goose ne se fasse pas refiler une copie. Et nous misons aussi sur l'action : nous avons notamment recruté un cabinet d'avocats en Chine et nous faisons régulièrement fermer des sites qui vendent des copies de nos parkas.

D.B. - Cette lutte coûte-t-elle cher ?

D.R. - Il est surtout frustrant de constater qu'en Scandinavie, vous pouvez réclamer des dommages à ceux qui ont importé votre produit contrefait, mais pas au Canada.

D.B. - Quels sont vos projets pour 2011 ?

D.R. - Nous voulons créer des emplois au Canada. Par exemple, nous prévoyons augmenter notre capacité de production et investir dans la technologie.

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