Il faut se soucier de la crise des médias

Publié le 05/02/2011 à 00:00

Il faut se soucier de la crise des médias

Publié le 05/02/2011 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Le Groupe de travail sur le journalisme et l'avenir de l'information au Québec, dont le rapport a été publié le 26 janvier, en dresse un portrait inquiétant. En effet, cette profession subit durement les contrecoups de la crise des médias, généralisée en Occident.

Établissons d'abord trois grands constats :

1. La presse québécoise est fortement centralisée. Deux groupes, Gesca et Quebecor, possèdent tous les quotidiens, sauf un, Le Devoir. Pour sa part, Quebecor détient à la fois le plus important quotidien, le principal réseau de télévision, de nombreux hebdomadaires et magazines ainsi que sa propre agence de presse. Pour ce qui est de la radio, deux groupes se partagent la plupart des stations des principales villes. Cette concentration, qui profite aux entreprises, n'a pas amélioré ni diversifié l'information originale.

2. L'explosion d'Internet a affaibli plusieurs publications. Surtout les quotidiens qui sont, avec les grands réseaux de télévision, les plus grands producteurs d'information originale (Radio-Canada, avec 1,1 milliard de dollars de subventions fédérales, est un cas à part).

Le déplacement de la publicité vers les sites Internet a miné la rentabilité des quotidiens, lesquels ont réduit les pages consacrées à l'information politique et sociale. Plusieurs ont réduit leur effectif journalistique et resserré les conditions de travail des journalistes. Et même si les sites Internet se sont multipliés, nombre d'entre eux se contentent de repiquer les nouvelles des grands producteurs de contenu, comme le font les stations de radio. Résultat, le grand public a accès à moins d'information originale, de reportages, d'enquêtes et d'analyses pour se faire une opinion éclairée sur les grands enjeux.

3. Certains médias sont également devenus plus sensibles aux exigences des annonceurs, ce qui se fait parfois aux dépens de la diffusion d'informations d'intérêt public sur des organismes, des entreprises et des municipalités. Certaines entreprises de presse ont aussi plus de difficulté à concilier leur objectif de rentabilité et leur rôle social. En effet, même si l'information diffusée sert à rassembler un auditoire intéressant pour les annonceurs, elle est essentielle à la santé de la démocratie. Dans une société où la propriété des médias est concentrée, un tel enjeu est important.

C'est dans ce contexte que la ministre Christine St-Pierre a demandé à Dominique Payette, professeur à l'Université Laval, d'évaluer la situation du journalisme et l'avenir de l'information au Québec. Sa recommandation clé est la reconnaissance d'un titre de " journaliste professionnel " par l'État, une fois que la profession aura elle-même défini ce statut. Selon un sondage fait dans le milieu, la très grande majorité des journalistes sont favorables à une telle reconnaissance, qui devra toutefois être accompagnée d'un code de déontologie.

Ce titre n'empêcherait personne de faire du travail journalistique, mais cette reconnaissance permettrait d'encourager un journalisme de meilleure qualité. Comme c'est le cas pour les artistes, des conditions minimales de travail seraient négociées par l'industrie et une association les représentant.

Un crédit d'impôt à l'embauche de journalistes

Pour améliorer l'information en régions et dans la presse indépendante, l'embauche de journalistes professionnels donnerait droit à un crédit d'impôt. On suggère aussi différentes mesures d'aide étatique aux médias ayant à leur emploi des journalistes professionnels : traitement prioritaire des demandes d'accès à l'information, protection du secret des sources journalistiques, meilleur accès à l'information municipale, renforcement du Conseil de presse, qui déterminerait les entreprises pouvant recevoir de l'aide du gouvernement, et création d'un fonds qui accorderait des bourses pour financer des projets d'enquête. D'autres recommandations concernent Télé-Québec, l'accès à Internet, la loi anti-briseurs de grève, etc.

Les mesures touchant le renforcement du journalisme forment un tout cohérent. Elles engagent l'État, mais il faut y voir un contrepoids au pouvoir des entreprises de presse. Ces recommandations ont été bien perçues par le milieu journalistique, et la ministre dit avoir " beaucoup aimé la lecture " du rapport.

Des entreprises de presse y verront des irritants, mais c'est l'ensemble qu'il faut regarder, dans un contexte de renforcement de la démocratie.

N.B. L'auteur de ces lignes a été consulté par le Groupe de travail.

J'AIME

Excellente nomination que celle de Diane Lemieux à titre de pdg de la Commission de la construction du Québec. Déterminée, énergique et courageuse, cette ex-ministre du Travail devrait améliorer les pratiques de gestion de cet organisme aux prises avec des conflits d'intérêt et incapable de renouveler sa gouvernance de lui-même. Elle pourra aussi établir pour Québec un diagnostic éclairant des maux de cette industrie.

JE N'AIME PAS

Les médias ont fait grand état d'une étude récente de l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques sur le prétendu abus des bonis dans six sociétés d'État québécoises. Or, ceux-ci ne représentent que 2,7 % de la rémunération des employés de ces sociétés. De plus, à l'instar d'autres articles diffusés dans des médias populistes, cette étude discrédite une pratique de gestion destinée à améliorer le rendement des organisations.

jean-paul.gagne@transcontinental.ca

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