Pendant des années, il y avait les gentils patrons, comme moi, et les dictateurs. Depuis que je me suis réconcilié avec cette partie en moi qui est capable de dicter, j'arrête de jeter un regard négatif sur les leaders qui donnent des ordres. Cela m'offre de nouvelles possibilités. En situation d'urgence, le dictateur en moi a été très utile. Même le violent a été pertinent, une fois. Je trouve une grande tranquillité intérieure dans cet espace de non-dualité. Je peux être une chose, et à un autre moment son contraire, tout en restant en harmonie avec moi-même.
Je crois encore qu'il est pertinent de savoir qui nous sommes, afin de rester en conformité avec nos valeurs et de résister à l'envie de nous conformer à des modèles. Mais ma réflexion m'amène à constater que je suis un être plus complexe et bien plus vaste que je ne le croyais. L'essentiel est de discerner le comportement adéquat à adopter dans chaque situation et, surtout, de m'assurer que mon intention est toujours bonne. Il faut donc sortir de l'analyse de ce qui est bien ou mal, de ce qui est beau ou ne l'est pas. Cessons de rédiger des codes d'éthique qui dictent les gestes à bannir et de lister les politiques applicables à tous en tout temps. Ce sont nos motivations profondes que nous devons observer. Il faut nous demander pourquoi nous choisissons une stratégie plutôt qu'une autre pour défendre notre territoire ? Bien paraître ou servir le projet commun ?
Sortir de ma dualité intérieure m'invite à sortir du duel avec l'autre. Combien de fois entendons-nous : " Je ne suis pas d'accord avec toi ! " Mais cela nous est égal d'être d'accord ou pas ! L'important, c'est de partager nos points de vue jusqu'à ce que la solution optimale s'impose. J'ai récemment animé un échange que j'ai laissé tourner au débat. C'est devenu un argumentaire sans fin pour savoir si favoriser l'initiative est la responsabilité des patrons ou des employés. Après avoir demandé à mes interlocuteurs de nous dire ce que chacun trouvait intéressant dans le point de vue de l'autre, ils en sont venus rapidement à la conclusion que c'est l'un et l'autre. Une nouvelle voie a émergé : une solution associant les points forts des idées des uns et des autres.
Combien de fois ai-je moi-même tout fait pour faire valoir mon opinion ? Pour qui ? Pourquoi ? Pour avoir raison, gagner ou me sentir plus intelligent ? Je me suis privé des regards des autres en pensant à ce que je répliquerai au lieu d'écouter vraiment. Je n'ai pas saisi l'occasion d'aller sonder l'opinion de ceux qui prennent rarement la parole, mais qui observent et voient alors ce que je ne vois pas.
J'ai passé trop de temps à juger ce qui est bien ou mal. La vie est plus complexe que cela. Il y a l'humain et l'économique. Les employés et les patrons. La liberté et le contrôle. Les X et les Y. Les républicains et les démocrates. Et, en moi, le gentil patron et le dictateur. Le moment est venu de passer du ou au et. D'inclure plutôt que d'exclure. De regarder ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous différencie. De passer du débat au dialogue. Et enfin, de sortir de ma dualité intérieure pour aller vers l'autre.
Un bleu ou un vert ? Tintin ou un capitaine Haddock ? Un X ou un Y ? Et si nous étions un peu tout cela ? Si nous nous réconciliions avec tous ces personnages en nous ? Imaginez tout ce qui serait possible pour nous. Comme chaque cellule contient l'ensemble de notre code génétique, nous possédons aussi l'ensemble du grand code génétique de l'univers. " Je suis Hitler ET Marilyn Monroe ", dit Albert Jacquard.
Alors, osez explorer tout ce que vous pouvez être.... sans vous perdre !
Rémi Tremblay a été président d'Adecco Québec et d'Adecco Canada. Il est l'auteur de deux ouvrages : Découvrez le bonheur au boulot et Les fous du roi. Depuis 2004, il accompagne les dirigeants qui veulent repousser les frontières de leur leadership.
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