J’ai connu des gestionnaires qui avaient décidé de fermer un ancien hôpital pour en construire un tout neuf, certains de faire le bonheur de tous. Mais ils avaient sous-estimé l’importance des souvenirs et des émotions qui y étaient associés. Les soignants y avaient mis au monde leurs enfants et vu mourir leurs parents.
Devant cette réticence, les gestionnaires ont compris que la gestion du changement serait plus périlleuse que prévu. Ils ont donc proposé un plan d’accompagnement long et coûteux. Cependant, le directeur général a eu l’idée de donner une grande fête pour célébrer toutes les années passées à l’hôpital. Pour l’occasion, tous se sont déguisés en costumes d’époque, ils ont raconté leurs anecdotes, leur vécu, se sont amusés et… ont rêvé de leur nouvelle vie dans l’hôpital neuf. Le lendemain, toutes les réticences avaient disparu.###
Ailleurs, une directrice de service adorée par son équipe est morte d’un cancer. La morosité s’est subtilement installée dans l’environnement de travail. Les retards et l’absentéisme ont augmenté. La présidente avait elle aussi le sentiment qu’une boucle n’avait pas été bouclée. Elle organisa alors une célébration en l’honneur de cette leader disparue, y invitant son conjoint et ses enfants. Les employés ont pu rendre hommage à cette femme et faire leur deuil. Le lendemain, et non pas des semaines plus tard, la joie et la présence étaient de retour.
Mes équipes et moi avons également fait l’expérience d’un rituel de passage semblable. Nous venions alors de conclure notre plan stratégique, qui s’était étalé sur dix ans. Nous nous sommes donné un nouveau projet passionnant. Cependant, plusieurs mois plus tard nous avions toujours du mal à nous imprégner de ce nouvel objectif... Pourquoi ? Parce que nous n’avions pas pris le temps de savourer notre premier succès. Nous avons donc organisé une grande fête pour le célébrer. Cela nous a permis de découvrir que pour changer de cap, nous devions d’abord changer d’état d’esprit. La semaine suivante, le bateau virait!
Je souhaite que nous ramenions la célébration dans nos organisations, car elle agit comme un rite de passage, elle soude les relations et consolide l’esprit d’équipe, elle engendre la joie et donne de l’énergie, bâtit la culture et construit « l’album de bons souvenirs ».
Je suis impressionné par la puissance de cet outil qu’est la célébration pour mobiliser les équipes et leur permettre de passer d’un projet à un autre ou d’un système à un autre. Je crois que la fête interpelle d’autres facettes de notre raisonnement (d’autres intelligences), et c’est pourquoi le changement s’opère immédiatement et inconsciemment.
Toutefois, pour qu’une fête, un party de Noël ou une réunion annuelle se transforme en célébration, nous devons lui donner un sens. Elle doit se faire en trois temps : un temps pour se raconter et se reconnaître, un temps pour goûter dans le présent le bonheur d’être ensemble et un temps pour réfléchir à l’avenir. Pensons simplement au 31 décembre de chaque année ; nous saluons l’année qui se termine, nous levons notre flûte de champagne et nous dansons jusqu’à minuit, puis nous nous souhaitons le meilleur pour l’année qui commence. Nous nous choisissons aussi des résolutions ! Comme si nous prenions le temps de coudre le passé, le présent et le futur duquel émerge le sens d’être là où nous sommes.
Et chez vous, à quand remonte la dernière célébration ? Regardez l’année prochaine en tentant de saisir les occasions de célébrer, et gardez cet outil en réserve pour vous aider à implanter des changements. L’argent investi dans la fête sera 100 fois récupéré en économies de gestion de changement.
