Un employeur peut-il refuser de payer une indemnité à un employé démissionnaire ?


Édition du 11 Juillet 2015

Un employeur peut-il refuser de payer une indemnité à un employé démissionnaire ?


Édition du 11 Juillet 2015

Un employeur peut-il rejeter le préavis d'un employé démissionnaire, sans lui payer une indemnité ? Absolument pas, répond la Cour suprême du Canada.

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En février 2008, le directeur de projet Daniel Guay remet une lettre de démission à son employeur, Asphalte Desjardins, pour lequel il travaille depuis 1994. Il l'avise qu'il quittera son poste trois semaines plus tard. Les deux parties ne se doutent pas alors qu'elles amorcent un litige qui ne se réglera que six ans et demi plus tard, par une décision de la Cour suprême du Canada.

Le noeud de l'affaire provient d'une mésentente quant à l'indemnité de départ, à la suite de la décision d'Asphalte Desjardins de refuser le préavis et de mettre fin unilatéralement, et sans indemnité, au contrat de travail quelques jours après avoir reçu la lettre. Saisie de l'affaire, la Commission des normes du travail (CNT) réclame, devant la Cour du Québec, une indemnité pour le salarié équivalant à trois semaines de préavis, ainsi que la valeur du congé monétaire annuel que représentent ces trois semaines.

Décision surprise

L'article 2091 du Code civil du Québec prévoit que l'employé comme l'employeur peuvent, sans motif, mettre fin unilatéralement à un contrat de travail à durée indéterminée, à condition de donner un préavis raisonnable. Quant à la Loi sur les normes du travail, les articles 82 et 83 obligent l'employeur à donner un préavis écrit au salarié lorsqu'il met fin au contrat de travail, à défaut de quoi il doit lui verser une indemnité compensatrice.

Personne n'est donc surpris, en 2010, lorsque la Cour du Québec donne gain de cause à la CNT. Il en va tout autrement quand la Cour d'appel du Québec casse cette décision, en 2013. «La position de la Cour d'appel du Québec est que le contrat de travail se termine dès que l'employé annonce qu'il va partir», explique Nancy Ménard-Cheng, avocate chez Norton Rose Fulbright.

De plus, la Cour d'appel soutient que l'interdiction faite au salarié de renoncer à son préavis dans l'article 2092 du Code civil (qui ne porte pourtant pas sur le préavis, mais sur l'indemnité) n'est pas absolue. La jurisprudence démontrerait qu'une telle renonciation est possible lorsqu'elle survient après la fin du contrat, et selon certaines exigences. La Cour va plus loin en affirmant que rien ne dit que l'employeur ne peut, à son tour, renoncer de son côté au préavis que lui donne le salarié.

Dans le cas d'Asphalte Desjardins, la Cour d'appel considère donc que le contrat s'est terminé le jour où M. Guay a remis sa lettre de démission, que l'employeur a refusé le préavis, et qu'il ne doit donc plus rien à son ex-employé. «Cette interprétation est apparue comme une brise de fraîcheur pour les employeurs», note l'avocate.

Mauvaise interprétation

Mais la brise ne soufflera pas longtemps. En juillet 2014, la Cour suprême annule cette décision, jugeant qu'elle repose sur une interprétation erronée du Code civil. «La Cour suprême considère que le contrat de travail ne se termine pas au moment de la remise de la lettre de démission, mais se poursuit jusqu'à la fin du préavis, indique Me Ménard-Cheng. Si l'employeur décide de ne pas retenir les services de l'employé pour la durée du préavis, c'est lui qui met fin au contrat.»

Dans le cas qui nous occupe, la Cour suprême juge donc qu'Asphalte Desjardins a mis fin au contrat de façon unilatérale, sans délai de congé suffisant, manquant à l'obligation que lui imposait l'article 2091 du Code civil et déclenchant ainsi l'application des articles 82 et 83 de la Loi sur les normes du travail. M. Guay a donc droit à son indemnité équivalant aux trois semaines de délai, ainsi que la somme due au titre du congé annuel.

Une saga judiciaire qui, au final, ramène tout le monde au point de départ !

Enjeux juridiques

Série 2 de 6. Cette série mensuelle présente des jugements qui font jurisprudence dans le monde des affaires.

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