Une erreur écologique et économique se commettrait, s’étalerait, corrigeons le cap

Publié le 15/01/2024 à 20:19

Une erreur écologique et économique se commettrait, s’étalerait, corrigeons le cap

Publié le 15/01/2024 à 20:19

Par Courrier des lecteurs

«Rappelons qu’en Suède l’usine Northvolt aura été construite à l’écart, vraisemblablement sur un site sans valeur agricole, rocheux et accidenté. L’usine Northvolt de Skellefteå dans le nord de la Suède est située à 10 km de la côte de la mer Baltique.» (Photo: Northvolt)

Un texte de Michel Pagé, Montérégie 

— Le passé n’est jamais le passé, il traine aussi longtemps qu’il dévaste le présent et hypothèque l’avenir. Une erreur répétée mille fois ne corrige jamais une situation de problèmes ni ne prévient des conséquences à venir. — M.P.

 

COURRIER DES LECTEURS. Le projet d’une méga-usine de Northvolt sollicité par le présent gouvernement sur le bord du Richelieu et ce qui en adviendrait collerait à la peau d’entrepreneurs et de décideurs politiques sous l’éponyme de « l’affaire… » aussi surement qu’elle hypothéquerait l’avenir de la société civile. Et on aura déploré un mépris envers les citoyens, déplorons-le tous, car il inscrit un défi tant démocratique qu’économique !

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) n’étudierait pas ledit projet, contrairement à la procédure habituelle et normale, car le gouvernement du Québec aura changé les règles environnementales qui font que les usines comme celles de la fabrication à grande échelle des composantes de batteries de Northvolt ne seraient plus systématiquement assujetties à une évaluation environnementale.

Dans l’affaire Northvolt, les citoyens doivent composer avec les informations qui viennent de l’entreprise ou du gouvernement et qui sont relayés aux administrations locales des deux villages de la municipalité régionale montérégienne. Il n’y a pas eu d’évaluations et il semble que la valse des milliards aurait été décidée d’une manière désinvolte. On aurait refusé de transmettre des documents pertinents. Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a accordé le 9 janvier « un permis d’intervention en milieux humides et hydriques. » Cette formulation est un euphémisme à la barbe des citoyens. Il ne s’agit pas d’une intervention, mais d’une destruction de tout un mégasite, d’un abattage massif d’arbres et d’un nivellement des sols préliminaire aux travaux de construction qui suivraient, — à moins que la population n’obtienne gain de cause —, sur une bonne terre agricole ou au moins à valeur vitale pour des écosystèmes, la biodiversité et la naturalité des villages… L’on manipule l’opinion publique d’annonce en annonce ; conséquemment, il n’y a pas d’acceptabilité sociale pour un tel mégaprojet et ce qui en découlerait… Tout alors se posera en termes de reddition des comptes et de responsabilité civile.

Le mauvais engagement de l’affaire commence par le choix arbitraire du site, sans évaluation préalable ou égard à l’environnement et à l’aménagement régional, ce qui contrevient dans un premier temps à un principe fondamental de l’économie écologique: qu’entre plusieurs options on choisisse celle qui serait le moins nuisible à l’environnement et à la santé des biosystèmes, ainsi le même projet aurait pu être établi sur un site sans valeur environnementale ou agricole. Dans un deuxième temps, on n’aura pas respecté l’exigence intrinsèque de respecter la cohérence de l’aménagement territorial.

Située en plein milieu de deux villages, la méga-usine mettrait la population à risque d’accidents et l’exposerait à la dispersion de poussières minérales diverses. La dévastation des paysages et de la naturalité viendrait aussi par les bretelles autoroutières, les aménagements routiers, les infrastructures autoroutières, et les débordements éventuels sur des zones agricoles, sans passer sous silence l’accès à des installations portuaires pour l’importation de matières intrants et l’exportation d’une production massive et lourde, et la multiplication des lignes et des relais de distribution ou de raccordement de l’énergie électrique à l’usine, etc. Les citoyens ne réalisent pas encore les effets d’entrainement et le bouleversement sur leurs villages, leur région et la société élargie. Par analogie, on répéterait pour l’avenir les tares que l’on reproche aujourd’hui à la fonderie Horne ou, au mieux, à Québec aux épisodes de poussières rouges liés aux transbordements minéralisés (Co, Ni), ou à Sorel par des usines métallurgiques ou la poussière organique liée aux opérations de transbordements. Rappelons qu’en Suède l’usine Northvolt aura été construite à l’écart, vraisemblablement sur un site sans valeur agricole, rocheux et accidenté. L’usine Northvolt de Skellefteå dans le nord de la Suède est située à 10 km de la côte de la mer Baltique. Un port permet d’acheminer les matériaux et d’expédier les batteries. Bref, le projet sur le site choisi au cœur d’un milieu villageois créerait une situation de problèmes potentiels de santé publique. Ce mégaprojet n’est pas que d’intérêt régional, ce n’est pas à deux maires de villages de décider, mais concerne toute la municipalité régionale, voire l’ensemble des Québécois, car la dynamique est mauvaise et s’étend au détriment même de l’économie écologique et de l’aménagement territorial cohérent. Errer là maintenant, c’est errer ailleurs et partout !

Sous des appels à la croissance économique par des mégaprojets sans qu’aucune évaluation environnementale préalable ne soit rigoureusement menée, on dévasterait les battures et les berges du fleuve Saint-Laurent et des rivières telles le Richelieu, des zones agricoles de la Montérégie et fragmenterait la continuité des milieux naturels essentiels à la biodiversité et à la santé des écosystèmes. Je ne peux que rappeler pourtant, l’importance de nommer la nature pour mieux la protéger. Actuellement, on préparerait une dévastation massive des paysages et des meilleures terres agricoles du Québec, là sur SBL et MacMasterville, du Richelieu vers Contrecœur, en passant par Varennes, puis jusqu’à Bécancour. 

Pourtant, l’environnement est un bien fondamental, le dévaster entraîne un coût et hypothèque la prospérité future. En méprisant les paysages, la naturalité des villages, par des étalements immobiliers et industriels brutaux, sans cohérence de l’aménagement du territoire, on étouffe la beauté de notre pays, littéralement. On détruit une richesse sous prétexte d’en créer d’autres d’essence purement mercantiliste, et en biens de consommation éphémères, ce que sont les lourdes automobiles et les batteries de la technologie électrique — . C’était beau, ce sera l’horreur, au mieux que des balafres sur de beaux paysages et des écosystèmes jadis viables.

 

Critique globale d’une stratégie de croissance économique et d’une manière de mener les affaires publiques 

La référence au livre Recette pour un échec tombe à point nommé pour décrire ce vers quoi s’orienterait l’affaire Northvolt. Le projet est notamment le fruit d’une improvisation, d’une manière de conduire des deals, d’engager nonchalamment des milliards de dollars des avoirs publics sans évaluations et analyses rigoureuses préalables, et dès le départ emmêlé à un choix nébuleux et peu judicieux du site sur MacMasterville/SBL/Beloeil. Un principe de l’économie écologique veut — pour qui a quelconque sensibilité pour la nature et l’environnement — que les projets de développement industriel devraient être établis sur des sites dont la valeur écologique est moindre, ainsi sur de moins bonnes terres, dans des zones sans potentiel agraire, rocheuses, arides, isolées de villages… etc. Ainsi le même projet implanté ailleurs, à titre d’exemple sur l’ancien site de GM de l’époque où les sols arables auront déjà été enlevés et dispersés ou à Port-Cartier, en lien direct à l’approvisionnement anticipé des minéraux stratégiques et à l’exportation vers des marchés extérieurs. Les conditions au succès d’une économie écologique ne seraient point réunies, et la cohérence d’un aménagement territorial serait bafouée. On reproduit ici des conditions qui s’apparentent aux analyses critiques de la Banque Mondiale des projets de développement. Il n’y avait pas urgence d’une décision précipitée, mais urgence d’évaluations préalables ; nous ne sommes pas en situation de guerre requérant prestement une réaction, mais en situation requérant une réflexion et un jugement critique éprouvés.

L’échec viendra aussi de la réaction des citoyens qui jugeront que l’affaire n’est pas acceptable, et n’auront pas d’autres choix que de s’opposer, de faire valoir et éventuellement défaire le gouvernement. Ainsi, à toutes choses égales par ailleurs, le projet Northvolt serait un échec à cause d’un choix peu judicieux, arbitraire, infondé du site, et de n’avoir pas compris que ledit mégaprojet ne rassemblerait pas des conditions préalables gagnantes, à savoir l’intégration entre la R-D au Québec, de la fabrication à la construction automobile au sein d’une même entreprise, nonobstant les prétentions ou des promesses d’achat de la production de batteries à technologies Li, et que des joints ventures auraient été conclues. Le public n’en sait rien, et rien n’est révélé à l’analyse du bienfondé de ces prétentions. Tout cela pourrait s’avérer que spéculatif, un rideau de scène sans garantie d’une juste prestation. Ainsi, pour être clair, un projet VW ou Honda sur l’Ontario pourrait réussir, car il y a intégration verticale, mais un Northvolt sur le Québec serait un échec potentiel sous la poussée de la concurrence de la production à bas coût par la Chine — car les prix de vente des véhicules électriques sont trop élevés, baisser les coûts de fabrication des batteries deviendrait un enjeu majeur — ou du resserrement de la demande des constructeurs automobiles.

Et les développements technologiques ultérieurs peuvent très bien faire que l’usine de fabrication mise en œuvre en fonction d’une technologie soit un éléphant blanc, coûteux, sans même permettre un retour sur l’investissement dans un temps utile puisque ladite usine n’aura pas intégré une unité de R-D au Québec. Cet investissement devient qu’un rouet dispensable de la stratégie d’une grande multinationale, l’État pourrait toujours faire l’objet d’un chantage pour l’obtention d’autres subventions ! Spéculatif le projet semble l’être, car reposerait sur la base de joint-ventures ou de commandes potentielles pour une technologie au LI des batteries — dont les conditions et l’évolution des marchés feront varier la pérennité — ; et, les synergies de l’innovation technologique feraient émerger d’autres technologies plus innovantes qui feraient baisser les coûts de production et les prix de revient et de vente, lesquels constituent le nœud gordien du succès commercial [1]. Sous cette conjoncture, la destruction d’un site à valeur environnementale évidente, documentée par le ministère de l’Environnement même, de milieux humides essentiels à la biodiversité locale, de la naturalité du milieu et des paysages naturels patrimoniaux s’avéreraient une erreur globale et magistrale. On nous dit que la connaissance scientifique et l’innovation sont des sources de la prospérité d’une société moderne, et voilà qu’on nous plonge dans un choix de projet qui ramène à une production à la chaîne, à une fabrication de masse contrôlée par un savoir extérieur.

 

Note 1 : À vrai dire, il semblerait que des batteries fabriquées selon des technologies différentes pourraient se diviser le marché en fonction de la gamme de produits, des caractéristiques énergétiques requises et des segments de marchés et de la clientèle ciblée.

 

 

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