Construire davantage en bois réduit significativement les GES

Publié le 15/12/2023 à 09:00

Construire davantage en bois réduit significativement les GES

Publié le 15/12/2023 à 09:00

Par François Normand

L’immeuble ­Synergia, à Saint-Hyacinthe, est doté d’une structure apparente qui met en valeur différentes essences de bois d’épinette, de pin et de sapin. (Photo: Groupe Robin)

L’adoption généralisée du bois, notamment du bois massif (ou gros bois d’œuvre, pour des éléments structurels et porteurs), pour se substituer ou cohabiter avec du béton et de l’acier, pourrait réduire jusqu’à 25% les émissions de gaz à effet de serre (GES) des bâtiments, affirme la banque RBC.

Dans une note publiée le 1er novembre (Structure en bois d’œuvre: quel est l’apport du bois pour les constructions écologiques au Canada?), Myha Truong-Regan, cheffe de la recherche de l’Institut d’action climatique de la RBC, souligne que produire du bois massif émet beaucoup moins de GES que produire du béton et de l’acier.

La production du béton et de l’acier nécessite de la chaleur très élevée – entre 1400 et 1600 degrés Celsius – pour transformer la matière première dans de hauts fourneaux ou des fours. En revanche, une telle chaleur n’est pas nécessaire pour fabriquer du bois massif.

Par exemple, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’énergie pour alimenter les hauts fourneaux – d’origine fossile, comme le coke/charbon – afin de fabriquer de l’acier représente 87% des émissions générées dans le processus de production de cet intrant.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, un organisme chapeauté par l’Organisation des Nations Unies) préconise d’ailleurs l’utilisation du bois dans la construction.

Selon le GIEC, les produits du bois peuvent remplacer des matériaux de construction à plus forte intensité de combustibles fossiles, tels que le béton, l'acier, l'aluminium (fait à partir de combustibles fossiles) et le plastique, ce qui peut entraîner des réductions significatives des émissions de GES.

En 2022, le secteur du bâtiment était le troisième plus grand émetteur de carbone au Canada. Ses émissions ont atteint 92 millions de tonnes (Mt) d’équivalent CO2, soit 13% des émissions totales, tous les secteurs confondus.

Le bâtiment est devancé par la production de pétrole et de gaz naturel ainsi que le secteur du transport.

La note de RBC souligne que c’est en 2007 qu’on a utilisé pour la première fois du bois massif en guise de complément ou de solution de rechange au béton et à l’acier au Canada – si l’on exclut les bâtiments construits à la fin du 19e siècle avec du gros bois d’œuvre.

 

Le bois massif peu utilisé en Amérique du Nord

En 2022, on comptait 661 projets réalisés en bois massifs au Canada, dont 30% au Québec, qui arrive au deuxième rang après la Colombie-Britannique (42%). L’Ontario – de loin la province la plus populeuse – abrite 15% des projets réalisés au pays.

Dans un bâtiment, on peut par exemple utiliser du bois pour construire les planchers, les murs et les fenêtres, ainsi que l’isolation et la toiture.

Cela dit, le bois massif est très peu utilisé encore en Amérique du Nord actuellement, comme on peut le constater sur ce tableau.

 

Le bois massif représente à peine 1% des matériaux de construction utilisés, alors que le béton et l’acier totalisent 81%. (Source: RBC)

L’utilisation accrue du bois aurait aussi des retombées économiques au Canada, fait remarquer Myha Truong-Regan.

«Outre les réductions d’émissions, l’utilisation accrue du bois massif dans la construction de bâtiments pourrait permettre, selon une estimation prudente, de faire croître le marché du bois massif de un milliard de dollars d’ici 2030», écrit-elle dans la note de 12 pages.

À ses yeux, il y a aussi des occasions d’affaires ailleurs dans le monde.

En 2022, le marché mondial du bois massif a généré des ventes de 1,6 milliard de dollars (CA). Cette année, il devrait atteindre 1,9 G$, pour plus que doubler à 4,9 G$ d’ici 2030.

À la fin de la décennie, la part du Canada dans le marché mondial serait donc de 20% – comme c’est du reste le cas en 2023.

 

Les contraintes à la croissance du secteur

Si le potentiel de croissance de l’industrie du bois massif est important, il reste en revanche deux obstacles majeurs au développement de cette filière au Canada, selon la RBC.

D’une part, les primes d’assurance liées à la construction de bâtiment avec du bois massif «peuvent être jusqu’à 10 fois plus élevées que celles qui sont associées à un bâtiment similaire conçu en acier et en béton», fait remarquer Myha Truong-Regan.

Il va sans dire que cela fait bondir les coûts des projets, les rendant ainsi moins compétitifs par rapport aux édifices fait uniquement de béton et d’acier.

D’autre part, les barrières à l’entrée dans l’industrie sont très élevées en raison des coûts initiaux en capital. «Le coût élevé des équipements de fabrication empêche également de nouveaux acteurs de se lancer dans le secteur du bois massif», souligne Myha Truong-Regan.

Par exemple, pour se lancer en affaire, le coût des équipements de fabrication s’élève à 200 millions de dollars, et ce, pour une usine de 50 000 mètres carrés (ou 538 195 pieds carrés).

Dans ce contexte, la RBC estime que les autorités réglementaires et les gouvernements doivent faire deux choses: normaliser la souscription d’assurance afin d’abaisser les coûts et continuer à financer des subventions en immobilisations pour aider les entrepreneurs émergents.

 

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