Cocréer des environnements de travail
Dans le cadre de ses recherches, Mélanie Dufour-Poirier tente d’amener patrons, syndicats et employés à travailler ensemble afin d’assainir les relations de travail.
«C’est un mariage forcé: soit vous utilisez ce canal de façon stratégique et intelligente, soit vous travaillez constamment en porte-à-faux, et votre milieu de travail va devenir toxique», prévient-elle.
En s’inspirant de ce qui se fait ailleurs, elle estime que les entreprises tireraient profit de la représentation syndicale, si elles savaient s’en servir.
«C’est un canal de communication unique si on veut implanter de nouvelles façons de faire. Comment ça se fait qu’on ne passe pas davantage par les syndicats pour sonder, demander quelle serait la réception potentielle des membres?» demande-t-elle.
La CSN encourage d’ailleurs les syndicats à s’intéresser davantage à comment se porte l’entreprise, alors que de grands bouleversements les guettent. «Ils doivent demander à l’employeur de devenir des interlocuteurs privilégiés afin de discuter de la formation de la main-d’œuvre, de santé et sécurité au travail», estime Caroline Senneville.
Dans les années 1990, rappelle Paul-André Lapointe, plusieurs syndicats ont tenté de prendre plus de place dans l’organisation du travail. Or, les employeurs ont mis un terme à la plupart de ces expériences.
De nos jours, Magali Picard entend des « vœux pieux » d’entreprises qui aspirent à échanger davantage avec les syndicats, mais qui «ne trouvent jamais le temps de le faire». La pandémie et la rapidité avec laquelle les milieux de travail se sont adaptés démontrent qu’il est possible de part et d’autre d’être réactif en période de crise.
Ce climat de collaboration permettrait d’adapter en cours de route le milieu de travail, ce qui faciliterait les renouvellements de conventions collectives, croit Luc Vachon. «Quand tu n’as qu’un tour aux cinq ans, ne manque pas ton coup. Le rapport de force devient important, car si on te dit non, tu devras attendre [encore avant de corriger le tir]».
Luc Vachon est sidéré que les employés n’aient pas leur mot à dire sur l’organisation du travail. «J’ai le goût de dire aux employeurs : si vous saviez de quoi vous vous privez en ne profitant pas de l’intelligence collective de vos salariés, combien d’argent vous perdez à vouloir diriger seuls, sans les impliquer!»
«Notre modèle de relation de travail ultra-antagoniste ne pourra pas se poursuivre encore éternellement. Du moins, je ne le souhaite pas, dit Mélanie Dufour-Poirier. Ça ne veut pas dire d’être d’accord tout le temps, mais de collaborer pour que le milieu de travail soit sain et sécuritaire et que les gens s’y sentent heureux.»