Défense des travailleurs: les syndicats veulent se renouveler


Édition du 11 Octobre 2023

Défense des travailleurs: les syndicats veulent se renouveler


Édition du 11 Octobre 2023

Par Catherine Charron

De nouvelles luttes à mener

Au moment où les milieux de travail évoluent rapidement, les centrales syndicales tentent toutes d’être sur le terrain afin de prendre le pouls et de déterminer les nouveaux facteurs qui nuisent au bien-être de la main-d’œuvre. Voici les défis auxquels elles font face:

1) Transformation numérique

L’adoption de nouveaux outils technologiques en fait partie. Contrairement à il y a 20 ans, les travailleurs ne s’en méfient plus autant, constate le président de la CSQ. Ces outils sont même les bienvenus pour se débarrasser des tâches répétitives et ennuyeuses.

Cependant, les syndicats doivent prévenir les dérives. Le télétravail, par exemple, permet de mieux conjuguer son emploi et ses responsabilités domestiques, mais donne aussi l’impression à certains d’être constamment connectés.

«L’employeur souhaite mettre un cadre pour s’assurer que les employés exercent bel et bien le travail. Or, en même temps, il faut s’assurer que l’employé est bien. C’est vrai pour l’intelligence artificielle (IA) aussi», estime Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Peu connue il y a un an à peine, l’IA générative est sur le radar de la CSQ. «Je fais partie du conseil de l’innovateur en chef du Québec, qui se penche là-dessus, souligne Éric Gingras. Qui aurait cru que le président d’une centrale syndicale travaillerait sur l’IA en 2023? Pourtant, c’est ce qu’on fait, car ça a un impact sur les gens qu’on représente.»

Cette transition rapide force les syndicats à revoir leurs demandes à intégrer aux conventions collectives pour protéger les travailleurs. Et pour mieux s’y préparer, la FTQ s’associe avec des instituts de recherches, indique Magali Picard.

Luc Vachon, dont les membres sont notamment dans le secteur des mines, de la métallurgie et des produits chimiques, de même que dans le secteur manufacturier, anticipe que les hausses des coûts de la masse salariale pourraient rendre plus séduisante l’automatisation. Toutefois, il n’observe pas encore de mouvement important de ce côté.

2) La santé mentale et l’organisation du travail

Entre la pénurie de main-d’œuvre, le télétravail et la flexibilité, les employés s’essoufflent, constatent les centrales syndicales.

«Le nombre de membres qui ont recours aux assurances parce qu’ils tombent au combat est en hausse. Il y a 20 ans, on ne parlait pas de santé mentale. Jusqu’à tout récemment, les troubles psychologiques ne figuraient même pas comme une lésion professionnelle d’après la CNESST», rappelle Éric Gingras.

Encore faut-il prouver que c’est votre emploi qui vous a mis dans une telle situation pour être protégé, souligne Mélanie Dufour-Poirier.

Depuis trois ans, Caroline Senneville constate que davantage de conflits de travail concernent le nombre de journées de congé et la manière de les prendre. «La conciliation travail-famille, ç’a été un problème important dans la dernière négociation dans le secteur de la construction», rapporte celle qui en appelle au droit au repos des travailleurs.

Les heures supplémentaires, forcées par le manque de bras, minent d’ailleurs le bien-être des travailleurs. C’est vrai aussi pour la flexibilité.

«Ça ne doit pas être synonyme d’arbitraire, met en garde la présidente de la CSN. Si je veux avoir du temps pour du télétravail et des horaires flexibles, ça ne doit pas être au détriment d’autres personnes et de soi-même. Peut-être que ce que le patron t’offre te semble bon, mais tu ne sais peut-être pas que ce qui a été proposé à ton collègue est plus généreux.»

3) La mise à jour des compétences des travailleurs

Que ce soit à cause de la crise climatique ou du rattrapage technologique que doit faire le Québec pour gagner en productivité, les travailleurs devront développer de nouvelles compétences. Et cela fait déjà un moment que les centrales syndicales s’assurent que cette transition est juste, rappelle Magali Picard.

Leur rôle, d’après Luc Vachon, est de sensibiliser leurs membres aux répercussions que ces changements du monde du travail pourraient avoir sur leur emploi, et de les intéresser aux cordes qu’ils devront ajouter à leur arc.

«On encourage les syndicats à entamer des discussions avec l’employeur afin de mieux les anticiper, et comprendre comment ça va transformer l’organisation du travail. Ensuite, on doit se demander si la main-d’œuvre va être prête, et s’intéresser à comment va se passer la transition», ajoute-t-il.

La FTQ, par l’entremise du Fonds de solidarité, peut même aider les employeurs dans cette transition, car ils n’ont pas toujours l’équipement requis ou les installations nécessaires pour y arriver, ajoute Magalie Picard.

Éric Gingras s’inquiète toutefois pour les travailleurs analphabètes ou ceux qui éprouvent tout autre problème de littératie. «Dans un monde du travail qui change, les emplois seront modifiés et les employés devront être formés. Ils auront de la difficulté à accéder à l’information.»

 

À SUIVRE: Cocréer des environnements de travail

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