Abolir les subventions agricoles ferait grimper le prix des aliments

Publié le 05/05/2008 à 14:33

Abolir les subventions agricoles ferait grimper le prix des aliments

Publié le 05/05/2008 à 14:33

Par lesaffaires.com
Des citoyens affamés brûlent des commerces au Sénégal. Des Égyptiens s'entretuent dans des files d'attente pour acheter du pain. Un sac de riz suffit à provoquer une émeute en Haïti, où le premier ministre vient de se faire montrer la porte... Depuis trois ans, les prix mondiaux des aliments ont explosé, grimpant de 83 %. Les prix du blé et du maïs, en particulier, ont triplé. Si la situation perdure, la Banque mondiale prévoit que la flambée des prix agricoles tuera 100 millions de pauvres. On évoque un "tsunami silencieux". Plusieurs facteurs ont contribué à alourdir la facture ali-mentaire : Chinois et Indiens mangent plus de viande; le prix du pétrole augmente; on utilise des terres agricoles pour produire de l'éthanol; la sécherresse sévit en Australie. Et la spéculation n'arrange rien... Mais un autre suspect est toujours pointé du doigt : les subventions des pays riches. Elles rendent déloyale la concurrence que livrent les agriculteurs du Nord aux fermiers du tiers monde. En ces temps de famine, plusieurs réclament leur abolition. Mais attention : éliminez les subventions, et les prix mondiaux vont... grimper ! C'est ce que démontre une étude de la Banque mondiale qui vient de paraître. Le blé et le riz, par exemple, coûteraient de 4 à 7 % plus cher."C'est une évidence, dit le professeur d'économie internationale Dani Rodrik, de l'école John F. Kennedy de l'Université Harvard. En subventionnant leurs producteurs agricoles, ce qui permet à ces derniers de vendre moins cher, les contribuables des pays riches subventionnent ceux qui achètent ces produits, soit la plupart des pays pauvres. Éliminez les subventions, et leur facture va monter." Tout un dilemme pour l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui, dans le cadre des interminables négociations de Doha, plaide pour l'élimination des subventions agricoles. L'OMC argue en effet que si la libéralisation joue contre les pays importateurs de denrées parce qu'elle entraîne une hausse des prix, elle représente le salut des pays en voie de développement et de leurs fermiers. Pour un dollar de denrées qu'il produit, un agriculteur d'un des 30 pays membres de l'OCDE reçoit en moyenne près de 30 cents de subvention. Il peut ainsi vendre moins cher ses aliments tout en réalisant un profit. Privé de subventions, le producteur du tiers monde ne peut concurrencer ces prix artificiellement bas, et se voit exclu du marché. Une occasion de renverser la vapeur"Les pays pauvres réagissent en se spécialisant dans les produits tropicaux, leur avantage naturel. Mais cette spécialisation accroît leur vulnérabilité", dit Philippe Faucher, spécialiste de la mondialisation et des politiques industrielles à l'Université de Montréal. Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, estime lui aussi que la situation doit changer. Et la flambée du prix des aliments offre une occasion unique de renverser la vapeur :"S'il y a un moment idéal pour faire cesser ces subventions agricoles, c'est maintenant. Sinon, quand pourrons-nous le faire ?" a-t-il lancé le 2 avril dernier, lors d'une conférence au Center for Global Development, à Washington. Puisque les prix élevés enrichissent les fermiers du Nord, ceux-ci pourront difficilement justifier le maintien des programmes de subventions. Si l'étude de la Banque mondiale souligne la possibilité d'une flambée des prix, elle confirme que, sans les tarifs douaniers et les énormes subventions des pays riches, les agriculteurs du Sud pourraient concurrencer ceux des pays riches et leur gruger des parts de marché."Plusieurs pays du Sud possèdent une industrie agricole qui peut croître advenant une libéralisation, dit Mathieu Arès, chercheur au Centre d'études sur l'intégration et la mondialisation de l'Université du Québec à Montréal. Ce sera toujours moins cher de produire des bananes en Équateur qu'au Canada. Si on élimine les subventions et les tarifs, les consommateurs locaux vont acheter aux paysans locaux, et d'autres agriculteurs vont se mettre à produire." Plus important encore, l'agriculture de ces pays pourrait devenir autosuffisante."Si un pays riche subventionne pendant 10 ans ses produits et les vend pour presque rien dans un pays pauvre, l'industrie agricole de ce pays disparaît, dit Mathieu Arès. Ça fait 20 ans que le Sénégal doit concurrencer du blé gratuit provenant d'Europe. Résultat, les Sénégalais sont devenus dépendants. Maintenant les prix montent, et le piège se referme. Les pays qui n'ont pas d'autosuffisance alimentaire étouffent." Mais si la fin des subventions peut améliorer le sort de certains pays, elle ne ferait qu'empirer celui d'autres, dit Christian Deblock, économiste et professeur à l'UQAM. Notamment l'Égypte, l'Indonésie et même le Japon, qui sont des importateurs nets de denrées alimentaires."Les pays importateurs vont souffrir des prix plus élevés. Leur facture est actuellement allégée par les subventions des produits qu'ils importent. La libéralisation aggraverait leur situation. Et il y a plusieurs pays pauvres dans le lot." Rien pour aider les quelque 150 pays membres de l'OMC à s'entendre. La perspective d'une hausse des prix alimentaires risque de compliquer encore plus les pourparlers, qui achoppent sur la question des subventions agricoles. À long terme, le choix est clair, selon Mathieu Arès, pour qui"les subventions sont le meilleur moyen d'affamer les pays pauvres". Texte de David Descôteaux tiré du Journal Les Affaires, édition du 3 au 9 mai 2008."

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