Crédit: Bloomberg
Scott Thompson a passé la première moitié de sa carrière dans le secteur financier traditionnel : Coopers & Lybrand, Barclays, Visa. Depuis 2005, il a basculé dans l'autre monde : celui des paiements alternatifs. Pdg au parcours peu commun, issu de la filière technologique, Scott Thompson pilote l'expansion - l'explosion - de PayPal, présente dans 190 pays.
Je l'ai joint sur son cellulaire, quelque part dans Silicon Valley.
DIANE BÉRARD - En mars, vous avez surpris tout le monde en annonçant que PayPal sortait de son univers virtuel pour s'implanter aussi chez les détaillants. N'est-ce pas un pas en arrière ?
SCOTT THOMPSON - (Rires) D'abord, ce n'est pas une fantaisie qui nous est venue avec l'arrivée du printemps. Au moment de l'annonce, nous travaillions en secret sur ce projet depuis déjà six mois. Et puis, PayPal ne recule pas, ce sont les détaillants qui avancent vers nous. Nous ne travaillerons pas " hors ligne ", nous collaborerons plutôt avec les détaillants qui sont " en ligne ". La mission de PayPal consiste à permettre des transactions électroniques sécuritaires. Rien ne dit que celles-ci ne peuvent aussi se dérouler dans le monde " réel ", en magasin.
D.B. - Quelle importance accordez-vous à votre implantation dans les points de vente ?
S.T. - Cette diversification est aussi importante à mes yeux que celle hors de la plateforme d'eBay [maison-mère de PayPal] que nous avons accomplie depuis 2005. Nous comptons en tirer la même croissance.
D.B. - Parlons de votre relation avec les sociétés de carte de crédit. Êtes-vous leur ennemi ou leur partenaire ?
S.T. - Je considère que nous sommes complémentaires. Quant à elles, ça dépend de leur ouverture d'esprit... Certains cadres de ces sociétés estiment que nous sommes leurs concurrents. Ils jugent essentiel que toutes leurs transactions ne passent que par leur marque. D'autres se rendent compte que, sans PayPal, de nombreuses transactions n'auraient jamais lieu, car les consommateurs ne se sentent pas assez en confiance pour les réaliser.
D.B. - Avant votre arrivée dans le monde Internet, vous étiez responsable des opérations mondiales de Visa. Le secteur financier était-il prêt pour l'arrivée des systèmes de paiement alternatifs ?
S.T. - Le même scénario se répète, peu importe le secteur. Les grandes sociétés finissent toutes par jouer " défensif ". C'est ainsi qu'elles perdent leur avance. Les sociétés financières traditionnelles ne diffèrent pas des autres.
D.B. - Comment qualifiez-vous le jeu de PayPal ?
S.T. - Nous attaquons ! Nous estimons que les consommateurs étaient - et sont encore - mal servis en matière de paiement. Nous venons corriger les règles d'un marché dysfonctionnel.
D.B. - Vous avez réalisé coup sur coup deux acquisitions dans le secteur du paiement mobile : Fig Card et Where. Quelles sont vos intentions ?
S.T. - Le paiement mobile s'inscrit dans nos deux priorités de 2011, avec l'implantation dans les points de vente. L'an dernier, les transactions mobiles nous ont rapporté 700 millions de dollars. Cette année, nous prévoyons 2 milliards de dollars.
D.B. - Supposons que j'aie quelque chose à vendre et que je veuille utiliser la plateforme eBay pour me faire payer. Combien de temps dois-je prévoir pour me brancher ?
S.T. - Cinq minutes ! Vous visitez le site paypal.com [N.D.L.R. paypal.ca pour le Canada] et vous créez un compte marchand. Il faut remplir six champs, et le tour est joué. PayPal encaisse une commission pour chaque transaction effectuée.
D.B. - PayPal vous a d'abord recruté comme chef de la technologie (CTO). Puis, on vous a promu pdg. Il est plutôt rare que le " gars de techno " devienne pdg, non ?
S.T. - Vrai, mais ce n'est qu'une question de préjugés ! Qu'attend-on des diplômés en technologie ? Qu'ils résolvent des problèmes. Et qu'attend-on d'un pdg ? Qu'il résolve des problèmes ! Ma formation et mon passage en techno m'ont appris à décortiquer les difficultés pour les analyser plus facilement et les résoudre.
D.B. - Comme leader, vous estimez que l'humilité est essentielle en affaires. Pourquoi ?
S.T. - Je suis un mordu de navigation. Or, naviguer, c'est apprendre à composer avec le mouvement des vagues. Parfois, vous glissez au- dessus, parfois, vous vous débattez en dessous. Il en est de même en affaires. La plupart des gens respectent PayPal et admirent notre momentum. Il serait facile de se sentir invincible. Et surtout, dangereux.
D.B. - Comment une entreprise en croissance peut-elle rendre ses employés humbles ?
S.T. - J'ai mes trucs... Chaque fois que nous annonçons de bons résultats, j'envoie une note à tous. Celle-ci comporte deux sections. La première sert à les féliciter. La seconde, à leur rappeler que, malgré nos succès, il reste des projets et des objectifs non réalisés, dont je dresse la liste. Je veux rappeler à mes employés que nous sommes sans doute un peu en avance sur la concurrence la plupart du temps, mais qu'il ne faut jamais oublier ce que nous n'avons pas accompli. Porter toute l'attention vers nos réussites peut nous faire couler.
" Les grandes sociétés finissent toutes par jouer défensif plutôt qu'offensif. C'est ainsi qu'elles perdent leur avance. "
LE CONTEXTE
Au premier trimestre de 2011, les revenus d'eBay ont augmenté de 15 %. Ceux de sa division PayPal, eux, ont crû de 23 % et ceux des activités de ventes aux enchères, de 12 %. Les ambitions de PayPal dépassent les murs de sa maison-mère.
SAVIEZ-VOUS QUE
Les deux tiers des revenus de PayPal proviennent de transactions effectuées à l'extérieur d'eBay.
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