Faut-il encore investir à l'étranger?

Publié le 01/03/2009 à 00:00

Faut-il encore investir à l'étranger?

Publié le 01/03/2009 à 00:00

Tous les marchés boursiers du monde se sont écroulés en même temps. La diversification géographique est-elle encore efficace pour réduire le risque de son portefeuille ?

Comme bon nombre d'entre vous, j'ai suivi les recommandations des conseillers financiers : diversifier mon portefeuille de façon géographique en y ajoutant des titres étrangers. De cette façon, je réduisais les risques liés à un portefeuille au contenu exclusivement canadien, toutes les économies du monde ne pouvant pas s'effondrer simultanément.

C'était avant que les marchés boursiers ne tombent comme des dominos en 2008. Dans le meilleur des cas - c'est-à-dire le marché canadien ! -, la chute a été de " seulement " 35 %. Aux États-Unis, le Dow Jones a perdu 37 %, le S&P 500 41 %, et le Nasdaq 43 %. Ailleurs dans le monde, Shanghaï a perdu 72 %, Moscou 65 %, tandis que Paris et Francfort coulaient respectivement de 42 et 40 %. Pour la plupart de ces Bourses, il s'agissait de la perte la plus importante de leur histoire. Pour moi aussi. " On ne peut se cacher nulle part ", lance Frédéric Gamache, conseiller institutionnel chez Industrielle Alliance, Gestion de placement.

Alors, à quoi bon investir de par le monde si tous les marchés suivent la même direction ? " Depuis 2005, constate Carlos Leitao, stratège et économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, plusieurs observateurs pensaient que les économies émergentes maintiendraient leur croissance même s'il y avait un ralentissement en Europe et aux États-Unis. Cette théorie est maintenant totalement discréditée. "

La théorie réfutée selon laquelle certains pays étaient immunisés contre les soubresauts de l'économie américaine fait-elle voler en éclats l'importance de la diversification géographique d'un portefeuille ? " La diversification géographique est encore utile et nécessaire, mais elle n'est peut-être pas aussi importante qu'avant ", reconnaît Carlos Leitao.

Toutefois, l'économiste nous met en garde contre le danger de tomber dans l'autre extrême, qui consisterait à ignorer complètement les marchés étrangers. " De la même façon que les pays émergents ont été touchés par la récession américaine, ils seront aussi les premiers à profiter de la reprise et à obtenir des taux de croissance supérieurs ", soutient-il.

En fait, il semble que les liens entre les marchés boursiers seraient plus serrés lorsque l'économie va mal. Quand l'économie mondiale roule bien, certains marchés se démarquent. C'est ce que pense aussi Hugo Barrette, gestionnaire de portefeuille chez BMO Banque privée Harris. " Au cours des derniers mois de 2008, explique-t-il, nous avons connu une situation atypique. Dans ces moments, la corrélation entre les marchés a tendance à augmenter, ce qui nous laisse croire que la diversification géographique n'est pas un moyen de réduire les risques. Quand la situation reviendra à la normale, la corrélation diminuera et les marchés ne suivront pas nécessairement la même tendance. " Hugo Barrette croit toujours que les titres étrangers ajoutent de la valeur à un portefeuille, bien que celle-ci soit moins forte qu'il y a 20 ou 30 ans.

Petit et concentré

Alors, on investit ailleurs ou pas ? Ne vaudrait-il pas mieux viser une bonne diversification sectorielle ? Pour les Canadiens, la vraie question est plutôt : avons-nous le choix ? Petit et concentré, voilà ce qui caractérise parfaitement le marché boursier canadien.

Petit : la Bourse canadienne ne représente que 3 % de la capitalisation boursière mondiale. Le portefeuille idéalement diversifié devrait donc contenir 97 % de titres étrangers, dont près de la moitié, soit entre 40 et 45 %, en actions de sociétés américaines. " Ce n'est pas une règle absolue, mais plutôt une façon de dire que la planète est grande ", remarque François Rochon, président-fondateur de Giverny Capital.

Concentré : les secteurs des ressources naturelles, de l'énergie et de la finance constituent environ 75 % de la valeur boursière canadienne. " Dans les autres secteurs, le bassin canadien est plutôt limité, constate Luc Girard, directeur Groupe conseil en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins. Pour l'investisseur qui veut détenir de bonnes positions dans les dix principaux secteurs économiques, la diversification géographique reste essentielle. " Dans plusieurs secteurs, le Canada manque d'acteurs dominants sur le marché mondial. Il n'a pas de Nestlé, de Procter & Gamble, de Microsoft, d'Apple, de Google ou encore de Merck, pour ne citer que quelques exemples.

" L'importance des ressources naturelles et du pétrole rend le marché canadien très dépendant de la croissance économique mondiale ", ajoute Frédéric Gamache. Paradoxe canadien : tout comme les économies émergentes, nous profitons d'une économie mondiale florissante.

Il reste que le terrain de jeu canadien est restreint. " Pour la sélection de titres, plus le bassin est grand, plus vous courez la chance d'y trouver des perles ", rappelle François Rochon. Encore faut-il accepter de prendre le temps de dénicher la perle étrangère ou le marché national négligé. D'autant plus que l'achat d'actions sur les Bourses étrangères (c'est-à-dire à l'extérieur du Canada et des États-Unis) coûte cher, souvent de 400 à 500 dollars par transaction. " Une personne qui ne passe pas plus de deux heures par semaine à s'occuper de son portefeuille aura intérêt à choisir des fonds indiciels ou des fonds communs de placement ", estime François Rochon.

Heureusement, les investisseurs peuvent facilement ajouter une touche exotique à leur portefeuille. " C'est à tout le moins plus facile qu'il y a 10 ou 15 ans, précise Luc Girard. Les fonds indiciels négociés en Bourse sont particulièrement intéressants pour former le coeur d'un portefeuille de titres étrangers. " Dans un pays dont les ressources sont en majeure partie naturelles, nous n'avons donc pas d'autre choix que de nous ouvrir aux marchés boursiers étrangers.

Répartition et diversification

La répartition est la fragmentation de votre portefeuille de placement en trois éléments d'actif : les liquidités (encaisse), les titres à revenus fixes (obligations, bons du Trésor, CPG, etc.) et les actions d'entreprise (actions ou fonds). La diversification entre en jeu au moment de choisir les titres boursiers. Elle peut être sectorielle (banques, matières premières, consommation, énergie, pharmaceutiques, télécoms, etc.), géographique et, plus souvent, les deux à la fois.

Corrélation

Deux marchés boursiers sont parfaitement corrélés (corrélation positive) lorsqu'ils suivent toujours la même tendance (ils croissent ou baissent en même temps). La corrélation sera dite négative si un marché monte toujours alors que l'autre marché descend. La corrélation sera faible ou inexistante lorsqu'il est impossible d'établir un lien entre deux marchés. La corrélation ne signifie pas qu'il y a nécessairement une relation de cause à effet entre les deux.

Le plus de l'investissement international

" Miser sur l'étranger n'a pas été une stratégie gagnante pour l'investisseur canadien au cours des 10 dernières années, estime Hugo Barette. Toutefois, sur une période de 25 ans, le contenu étranger peut ajouter entre 1 et 3 % au rendement annuel d'un portefeuille. "

Rendement annuel au cours des 25 dernières années

Marché canadien : 8 %

Marché américain : 9,7 %

Marché européen : 11,2 %

Le risque de devise

Faut-il se prémunir des effets des fluctuations du dollar canadien ? " À long terme, l'effet des fluctuations du taux de change tend à être neutre ", explique Frédéric Gamache. Toutefois, il peut y avoir beaucoup de volatilité à court terme. " Si vous investissez à court terme, il est donc préférable d'opter pour des outils de placement qui couvrent le risque de devise ", conclut le conseiller.

CINQ PASSEPORTS POUR L'ÉTRANGER

1 Les fonds négociés en Bourse (FNB)

Les FNB constituent la voie la plus simple. Les grands noms de l'industrie offrent des produits qui calquent les indices boursiers internationaux. Certains fonds mis en marché couvrent des groupes de pays comme le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Aux États-Unis, on peut acheter des FNB liés à des économies nationales comme l'Allemagne. Attention : les Bourses de certains pays sont plus concentrées encore que le marché canadien. " Le géant de l'électronique Samsung représente 80 % de l'indice boursier de la Corée du Sud ", précise Frédéric Gamache, conseiller institutionnel chez Industrielle Alliance, Gestion de placement. Il est préférable de jouer les grands indices internationaux (MSCI, par exemple).

2 Les fonds communs de placement

Deux grands types de fonds communs de placement (FCP) sont offerts. Les fonds Actions internationales regroupent des titres de tous les pays, à l'exclusion des États-Unis. Les fonds Actions mondiales prennent des positions partout, y compris aux États-Unis et au Canada. Certains FCP sectoriels (les technologies de l'information, par exemple) ont un contenu étranger élevé. Une bonne sélection est de mise. Un bon historique, la volatilité du fonds, l'approche du gestionnaire et le contenu du FCP devraient retenir votre attention.

3 Actions d'entreprises américaines

Acheter des actions américaines est déjà un premier pas vers une diversification internationale. La proximité est un avantage : nous connaissons un peu mieux les entreprises. " Par contre, prévient Hugo Barrette, en termes de diversification et de diminution du risque, ce n'est pas aussi profitable que d'investir à l'étranger. "

4 Les ADR

Les actions de plusieurs centaines d'entreprises européennes, sud-américaines et asiatiques (par exemple : Nokia, Toyota, Sony, Nestlé, Barclay's, Veolia, etc.) se négocient à la Bourse de New York sous forme d'ADR (pour American Deposit Receipt). Un ADR peut représenter soit une fraction d'action, soit plus d'une action de l'entreprise. L'ADR donne souvent droit au versement d'un dividende, s'il y a lieu.

5 Les multinationales canadiennes

Un petit nombre de sociétés canadiennes font des affaires partout dans le monde. Il s'agit d'une façon indirecte d'ajouter un volet étranger à son portefeuille.

aplus@transcontinental.ca

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