Choisir l’emballage le moins polluant: une quête pas si facile

Publié le 10/12/2021 à 00:25

Par Carrousel

Crédit : veeterzy, Unsplash

En 2021, mettre en place de bonnes pratiques environnementales dans une entreprise n’est plus une question, c’est une obligation. Que ce soit pour répondre aux demandes grandissantes des consommateurs, se conformer à la réglementation ou simplement faire de votre entreprise une bonne citoyenne, l’écoresponsabilité est une préoccupation importante, notamment en ce qui concerne l’emballage des produits. Comme il ne s’agit pas simplement d’éviter le plastique pour faire mieux, décortiquons ensemble la quête de l’emballage le moins polluant.

S’il y avait une solution simple et globale au problème d’écoresponsabilité de l’emballage, tout le monde l’adopterait! Malheureusement, ce n’est pas si simple. Pour évaluer l’écoresponsabilité d’un produit d’emballage, il faut considérer une multitude d’éléments qui vont bien au-delà du choix « plastique vs carton ». Mario Patenaude, Conseiller principal, écoconception et économie circulaire chez Éco Entreprises Québec, rappelle que l’emballage est un sujet complexe : « couches barrière, laminages, mélanges de matériaux, étiquettes, colles, systèmes de fermeture … chaque emballage devient unique et peut freiner la possibilité de les trier et de les traiter. Les centres de tri se retrouvent à gérer beaucoup d’inconnu. »

Penser plus loin que la durée de vie

Utiliser des emballages recyclables, c’est un pas dans la bonne direction. Mais pour qu’un emballage soit durable, il faut penser à tout son cycle de vie, et pas seulement la fin de sa vie utile. Voici quelques façons d’améliorer l’écoresponsabilité d’un emballage :

• Utiliser des matières premières recyclées vs des matériaux vierges

• Privilégier les matières et les fournisseurs locaux

• Adopter des politiques de développement durable et d’approvisionnement responsable

• Diminuer le poids ou le volume de l’emballage afin de diminuer la consommation de combustibles fossiles reliée au transport des marchandises

• Valider la compatibilité avec les infrastructures de récupération et de recyclage en place

Pour Éco Entreprise Québec, « les objectifs environnementaux ultimes de l'utilisation d'emballages durables sont la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction des déchets, la réduction de la consommation d'eau, la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles et l'élimination de l'utilisation de produits chimiques qui peuvent présenter un danger pour les humains, la terre ou les cours d'eau. » Et c’est pourquoi il faut aller beaucoup plus loin que la recyclabilité pour évaluer l’écoresponsabilité d’un emballage. Sophie Langlois-Blouin, Vice-présidente, Performance des opérations chez RECYC-QUÉBEC, abonde dans le même sens : « Avant le recyclage, il y a aussi la réduction et la réutilisation. »

Selon Geneviève Dionne, Directrice, écoconception et économie circulaire chez Éco Entreprises Québec, les entreprises ont souvent le réflexe de modifier leur emballage ou ses matières premières lorsqu’ils entreprennent une démarche d’écoresponsabilité. Elle encourage les entreprises à favoriser l’écoconception, une démarche plus englobante qui permet de réfléchir à tous les impacts de l’emballage d’un produit. « L’entreprise a une empreinte environnementale qui ne dépend pas seulement de son emballage, précise Mme Dionne. Les efforts sur l’emballage doivent être faits en parallèle d’une réflexion sur le produit, la gestion des résidus, les usines et la distribution. » Éco Entreprise Québec présente d’ailleurs sur son site web un guide complet sur la conception optimisée pour les emballages qui explore le sujet en profondeur.

Le mythe de l’emballage compostable

Les emballages compostables sont partout depuis quelques années, notamment en remplacement aux emballages de plastique traditionnels. Mais s’agit-il vraiment d’un meilleur choix? Un rapport de recherche commandé par le Conseil national zéro déchet à l’été 2020 invite à la prudence lorsqu’il est question de plastiques biodégradables, compostables et biosourcés. En effet, Sophie Langlois-Blouin rappelle que la gestion de leur fin de vie est complexe : « Je ne peux pas le mettre dans le bac de récupération. Dans la collecte de matières organiques, si j’y ai accès, ce n’est pas toujours accepté. Et dans les déchets, c’est pire si ça va à l’enfouissement qu’un plastique traditionnel parce que c’est de la matière qui se dégrade plus vite et qui contribue aux émissions de gaz à effet de serre (GES). » Les emballages compostables peuvent également amener les consommateurs à être moins vigilants quant à leur gestion des matières résiduelles. Mme Langlois-Blouin envisage des applications intéressantes en circuit fermé ou pour certaines utilisations spécifiques où l’on s’assure que la matière est récupérée ou compostée.

De plus, Éco Entreprise Québec, dans son rapport sur les emballages biodégradables et compostables publié en avril dernier, rappelle que l’affirmation « biodégradable » ou « compostable » qui apparaît sur un emballage est une autodéclaration environnementale, c’est-à-dire qu’elle n’est pas vérifiée par une tierce partie indépendante, sauf si l’emballage est certifié. « Si des entreprises veulent innover au niveau des bioplastiques biodégradables ou compostables, assurez-vous que la filière peut prendre en charge votre innovation », rappelle Geneviève Dionne qui veut éviter que l’on mette le poids de la gestion de la fin de vie sur les épaules des citoyens. Les emballages compostables pourraient même être considérés comme des emballages à usage unique. « L’un des objectifs du recyclage est de garder la matière en circulation dans le système pour s’en servir pour faire d’autres produits, rappelle Mario Patenaude. Avec le compostable, qui n’est pas une mauvaise idée en soi, on perd la matière. »

Le polystyrène est-il vraiment si polluant?

Le polystyrène (aussi connu sous le nom de plastique numéro six) est couramment utilisé dans divers emballages, particulièrement en raison de son faible coût. Malheureusement, il est difficile de le recycler de manière profitable ou de le nettoyer s’il est utilisé pour emballer des aliments. C’est pourquoi au Québec le polystyrène est généralement jeté aux poubelles. Mais des entreprises comme Polystyvert se retroussent les manches pour trouver des solutions à ce problème environnemental. En effet, le polystyrène recyclé obtenu chez Polystyvert est de très haute qualité et peut facilement être réextrudé ou réinjecté. Plusieurs applications peuvent ainsi utiliser 100% de matériau recyclé. Le solvant de Polystyvert est fabriqué à partir d’huile essentielle de cymène, un sous-produit du bois qui n’est pas toxique. La méthode ne produit presque pas de déchets, le solvant pouvant être réutilisé plusieurs fois. D’après une étude commandée par Polystyvert, recycler le plastique de cette manière émet 75% moins de GES que simplement l’incinérer, ce qui est fait la plupart du temps. De plus, l’utilisation de polystyrène recyclé évite de stimuler l’industrie pétrolière puisque tout le polystyrène recyclé représente autant de matière vierge qu’il n’est pas nécessaire de fabriquer et autant d’énergie fossile qu’il n’est pas nécessaire d’extraire.

« Avant de le bannir, il faut vraiment réfléchir aux alternatives et comment elles seraient gérées par les infrastructures », ajoute Geneviève Dionne. Améliorer une solution existante est tout à fait louable dans un contexte où créer de nouveaux matériaux peut complexifier la gestion dans les centres de tri. « C’est un matériau qui alimente beaucoup l’industrie de la rénovation et de la construction domiciliaire, précise Mme Dionne. Même si on ne réussissait pas à faire du grade alimentaire pour un deuxième emballage, ce qui est déjà possible en partie, on peut l’envoyer dans d’autres secteurs qui en ont besoin. »

La guerre au plastique et l’exemple de l’industrie alimentaire

Le rapport de recherche commandé par le Conseil national zéro déchet à l’été 2020 a évalué l’efficacité de quatre matériaux pour prévenir le gaspillage alimentaire : plastique, verre, métal et papier/carton. En général, les répondants ont estimé que le plastique était le matériau le plus approprié pour prévenir les pertes pour les douze types d’aliments présentés. Or, chaque tonne de résidus alimentaires évitée représente quatre tonnes d’émissions d’équivalents de CO2 en moins. C’est un pensez-y-bien! « Les emballages mis au rebut symbolisent désormais l’économie linéaire. Comme nous devons tous composer avec cette réalité chaque jour, nous pouvons facilement surestimer leur impact environnemental par rapport au gaspillage alimentaire, a indiqué Jim Downham, vice-président du Conseil national zéro déchet et directeur général du PAC Packaging Consortium. » Sophie Langlois-Blouin abonde dans le même sens : « Quand on jette un aliment, on perd aussi toutes les ressources qui ont servi à le produire et à le transporter. »

RECYC-QUÉBEC a réalisé une analyse de cycle de vie sur les sacs d’emplettes à usage unique et réutilisables en 2017 révélant que les sacs réutilisables qu’on accumule à la maison ne sont pas aussi écoresponsables qu’on le pense. En effet, les sacs en coton doivent être utilisés entre 100 et 2 954 fois pour que leur impact sur les indicateurs environnementaux du cycle de vie soient équivalents ou meilleurs à ceux d’un sac en plastique conventionnel. De plus, disposer de ces sacs à leur fin de vie utile est un tout autre enjeu. On ne peut pas les mettre au compost et seulement 15% des 30 millions de tonnes de coton produites chaque année sont acheminés vers des dépôts de textiles. Même lorsqu'un fourre-tout parvient à une usine de traitement, la plupart des colorants utilisés pour y imprimer des logos sont à base de PVC et ne sont donc pas recyclables. Si on y parvient, il faut alors transformer le vieux tissu en tissu neuf, ce qui consomme presque autant d'énergie que sa fabrication initiale. Bref, toute solution potentielle à un problème écoresponsable doit être étudiée dans son ensemble pour évaluer les impacts environnementaux, surtout que l’industrie du textile possède également son lot de défis en ce qui a trait au recyclage.

Adopter l’écoconception comme moteur d’innovation

L’écoconception est un standard chez Cascades depuis les débuts de l’entreprise. « Au fil du temps, ce qu’on faisait par conviction et par réflexe est devenu de plus en plus sophistiqué », raconte Hugo D’Amours, VP Communications, Affaires publiques et Développement durable chez Cascades. L’entreprise ne développe tout simplement pas de produit qui pourrait accroître la quantité d’emballage utilisée ou réduire la recyclabilité. « On tente toujours d’améliorer les emballages, de les rendre plus performants et de réduire leur empreinte environnementale. »

Cascades détient le plus important centre de recherche et développement en pâte et papier au Canada, situé à Kingsey Falls, dans le Centre-du-Québec. L’équipe d’experts de Cascades a travaillé en collaboration avec des leaders de l’industrie alimentaire, des détaillants et des producteurs de légumes afin de créer barquette en carton thermoformé qui corresponde à leurs besoins. Premièrement, elle est fabriquée à 100% de fibres recyclées. Deuxièmement, elle utilise un couchage à base d’eau qui contribue à la recyclabilité et même à la compostabilité. Le résultat? Une solution aux emballages non recyclés ou nuisibles à la qualité du compost tout en présentant des propriétés comparables. D’autant plus que parmi les solutions de fibre, la barquette de carton est celle qui émet le moins de GES.

Faire de l’écoconception une habitude

Geneviève Dionne rappelle que l’écoconception, c’est une approche globale à laquelle toute l’entreprise doit participer pour obtenir les résultats escomptés. Si d’un côté l’entreprise choisit des emballages écoresponsables, mais que de l’autre côté elle offre des objets promotionnels en plastique à l’achat de son produit, elle rate sa cible. D’autres contraintes techniques peuvent aussi ajouter un niveau de difficulté, comme c’est le cas avec le marketing dans les commerces de détail. « On a travaillé avec une entreprise qui a vraiment optimisé son emballage pour le réduire, autant en poids, qu’en volume et en matériaux, explique Mario Patenaude. Mais elle se fait refuser dans les magasins parce que son emballage est trop petit comparativement aux autres, donc il y a un impact sur le nombre de ventes. »

Et si le meilleur emballage était celui qu’on n’utilise pas?

Sophie Langlois-Blouin tient quant à elle à souligner l’importance du premier « R » : réduire. « L’objectif no. 1, c’est réduire. Par exemple, dans les dernières années, on a vu apparaître des pailles de bambou ou de carton. Mais dans la plupart des cas, on n’a pas besoin de paille pour boire! » Au-delà du choix d’un emballage, la réduction à la source demeure un élément des plus importants. Lorsqu’il est possible d’éliminer un emballage en tout ou en partie, tout en conservant la protection des biens, c’est un énorme pas qui est fait sur le chemin de l’écoresponsabilité. RECYC-QUÉBEC a d’ailleurs lancé deux appels de propositions visant la réduction des produits à usage unique et de leur impact par des stratégies d’écoconception.

Désormais, cessons de considérer le choix d’un emballage de façon linéaire : il ne s’agit pas simplement de l’utiliser puis de le mettre au rebut. Voyons l’emballage comme un écosystème circulaire où chaque décision influence une multitude d’éléments. Enfin, osons garder un esprit ouvert, sans préjugés sur les matières.

 

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