François Pouliot: Le prince et le crapaud

Publié le 18/04/2011 à 11:20

François Pouliot: Le prince et le crapaud

Publié le 18/04/2011 à 11:20

[Photo : Gilles Delisle]

"Par le ton des questions lors de la conférence téléphonique, nous n'étions pas les seuls surpris par la transaction. NSM est perçue comme une perdante de parts de marché et la valeur payée apparaît riche sur plusieurs paramètres…".

C'était il y a quelques jours, un commentaire d'analyste alors que Texas Instruments annonçait une fusion à prime avec National Semiconductor. Une autre qui risque de mal tourner, nous sommes-nous dit.

Avec la poussée des marchés depuis quelques mois, les fusions et acquisitions sont de retour sur Wall Street et Bay Street. Le Québec n'est pas hors tendance, alors que la semaine dernière encore Gildan annonçait l'acquisition de Gold Toe Moretz.

La frénésie est intense, pourtant, les entrepreneurs québécois devraient bien y songer avant d'entrer dans la danse.

Quelques études se sont déjà penchées sur le phénomène des fusions et acquisitions. Les résultats sont étonnants. Quelques chiffres, tirés du site Oboulo.com:

- Une étude de Business Week dans les années 90 portant sur 150 fusions conclut que près de la moitié de ces opérations a entraîné une perte de valeur pour les actionnaires et qu'un tiers n'a apporté que des gains mineurs.

- Une enquête de AT Kearney, en 1998-99, révèle que 58% des 115 fusions étudiées n'atteignent pas les objectifs fixés par les dirigeant d'entreprises et que la destruction de valeur actionnariale est réelle dans la moitié des cas.

Pourquoi?

Comment expliquer que dans près de 50% des cas on aboutisse à de la destruction de valeur?

Bien souvent en raison du conte le Roi crapaud (des frères Grimm), dit Warren Buffett, dans l'une de ses lettres annuelles.

"Il semble que beaucoup de dirigeants ont été marqués dans leur enfance par l'histoire du prince charmant emprisonné dans le corps d'un crapaud et qui se voit délivré par le baiser d'une magnifique princesse. Ils croient que leur expérience et leurs talents de gestionnaires auront les mêmes vertus sur la rentabilité de la société (acquise) que le baiser de la princesse sur la bouche du crapaud."

En fait, explique Buffett, la difficulté est exacerbée par le fait que plusieurs PDG sont parvenus où ils sont en partie parce qu'ils possèdent une bonne dose d'égo et d'esprit belliqueux. Ils aiment relever des défis et se plaisent à développer leur champ d'action. Plus une entreprise devient importante, plus la renommée du dirigeant le devient également. Il en va de même de son salaire, qui va généralement en fonction de la taille de l'entreprise. D'où l'intérêt pour les opérations de fusion-acquisition.

Que veut dire l'Oracle et qu'en tirer?

Beaucoup d'entreprises sont des crapauds. Et tout le monde a droit d'acheter un crapaud. Il se peut même qu'il fasse faire des bonds prodigieux à la valeur de la société acheteuse. Il faut simplement payer un juste prix, proportionnel à l'ampleur des bonds qui seront réalisés. Un bel exemple est l'acquisition de Vidéotron par Quebecor Média. L'entreprise est à l'origine d'une très forte création de valeur. C'est simplement qu'elle fut à l'époque payée trop chère.

Si vous êtes dirigeants d'entreprise et songez à procéder à une fusion-acquisition, voici un crible au travers duquel il pourrait être intéressant de faire passer votre projet avant de conclure. Particulièrement si vous achetez à prime:

- Les axes de création de valeur sont-ils bien définis ou aléatoires? Plus ils sont clairs, plus le potentiel de création de valeur grimpe, plus il y a de brouillard, plus c'est le potentiel d'échec qui grimpe.

- La culture d'entreprise de la cible est-elle compatible avec notre entreprise? Il y a des organisations qui regorgent de talents, mais où les cultures et façons de faire peuvent faire de l'exécution d'un projet un véritable cauchemar. L'entreprise acquise peut même avoir une culture tout à fait différente qui risque de contaminer la vôtre.

-Le prix payé est-il appuyé sur des cibles de gains conservatrices, tant du côté des revenus que des coûts? Plus le prix est aligné sur des cibles conservatrices, plus sont grandes les chances de création de valeur. Plus il s'en éloigne, ou plus celles-ci sont audacieuses, plus le risque d'échec croît.

-Surtout: est-ce les chiffres et une bonne lecture de marché qui me poussent à conclure ou simplement mon égo et mon esprit de combativité?

Si vous répondez positivement à tout, il se pourrait bien que vous vous apprêtiez à célébrer des noces princières…

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