Les mieux payés, les plus efficaces


Édition du 31 Mai 2014

Les mieux payés, les plus efficaces


Édition du 31 Mai 2014

Par Stéphane Rolland

Au centre: Gregory A. Yull (Intertape Polymer), de gauche à droite: François Jean Coutu (Groupe Jean Coutu), Éric R. La Flèche (Metro), Stanley Ma (Groupe MTY), Brian McManus (Stella-Jones), Richard Lord (Quincaillerie-Richelieu)

Mauvais rapport qualité-prix

Certains dirigeants coûtent cher sans que les actionnaires en retirent des bénéfices. L'un des cas les plus décriés en 2013 est la rémunération de l'ancien pdg de Yellow Média, Marc Tellier. Le gestionnaire est parti à la suite d'une restructuration douloureuse pour les actionnaires en touchant une indemnité de départ de 4,3 M$. Sa rémunération totale a été de 5,4 M$. «C'est indécent», dénonce Carl Simard.

Pierre Laurin, de ProMetic, est au dernier rang. Chaque point de pourcentage de performance coûte 929 809 $ aux actionnaires. À 1,8 M$, sa rémunération totale représente 8,7 % des revenus de la petite société pharmaceutique de Laval, qui n'est pas encore rentable. La question que devront se poser les actionnaires est de savoir si l'exécution du plan stratégique de la société se traduira par une hausse satisfaisante du titre. En moyenne, les trois analystes interrogés par Bloomberg croient que l'action pourrait s'apprécier de 166 % d'ici un an, mais les petites sociétés représentent un pari plus risqué.

Robert Sawyer, arrivé à la tête de Rona en avril 2013, se trouve également en queue de peloton. Recruté chez l'épicier Metro, M. Sawyer est désavantagé parce qu'il est évalué par rapport à la performance du détaillant, avant qu'il n'entre en fonction. Son contrat d'embauche stipule que sa prime de rendement pour 2013 est assurée à 100 %. De plus, la société a aussi attribué des actions de 4,4 M$ à son nouveau dirigeant pour qu'il se conforme à la politique d'actionnariat.

À 6,6 M$, sa rémunération totale équivaut à près du double de la médiane.

Embaucher à l'externe est coûteux, comme l'illustre le cas de M. Sawyer. Le recruteur doit se montrer plus attrayant que l'ancien employeur. «Cela peut faire réfléchir sur l'importance de préparer des plans de succession à l'interne», suggère Claude Boulanger, chef de secteur, rémunération des cadres supérieurs chez Towers Watson.

Trop cher ?

Dans l'ensemble, Carl Simard pense que les dirigeants reçoivent des salaires excessifs, sans que cela ne soit nécessairement attribuable à leur travail. Il dénonce les comités de rémunération des conseils d'administration qui recourent généralement aux consultants en rémunération. «Peu importe la création de richesse que tu fais dans ta compagnie, il n'y a pas vraiment de différence d'une entreprise à l'autre, déplore-t-il. On assiste à une escalade des salaires entre les sociétés. Dans la plupart des entreprises, les programmes de rémunération sont dessinés de la même façon par les consultants.»

Michel Magnan, professeur de l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia, est d'avis, lui aussi, que le «jeu des comparaisons» fait en sorte que la rémunération des dirigeants n'est pas alignée sur les objectifs stratégiques des entreprises. «Si une société adopte un nouvel avantage, celui-ci se répandra puisqu'il fera maintenant partie du groupe de comparaison, constate-t-il. Ce nouveau régime n'est pas nécessairement efficace pour autant. C'est rassurant pour les administrateurs de pouvoir dire aux actionnaires qu'ils font comme les autres, même si ce n'est pas nécessairement plus efficace.»

La croissance rapide des salaires des dirigeants peut être interprétée comme une bonne nouvelle pour la santé des sociétés du Québec inc. D'ailleurs, l'indice boursier Québec de Morningstar et la Banque Nationale a gagné 31 % en 2013. «Une importante part de la rémunération est liée à la performance des entreprises, et celles-ci ont bien performé», explique Claude Boulanger, de Towers Watson.

Michel Magnan invite cependant à la prudence lorsqu'on critique un seul dirigeant pour la mauvaise performance de toute une entreprise. «Les problèmes de Yellow Média sont-ils vraiment tous imputables à Marc Tellier ? questionne M. Magnan. En ayant ce raisonnement, on amplifie la gloire des dirigeants. En faisant reposer sur leur seule personne le mérite de toute une organisation, on alimente ainsi la logique qui sous-tend la forte croissance des salaires des pdg.»

Tous les articles de notre dossier sur la rémunération :

De gros bonbons pour les patrons

Comment évaluons-nous la performance?

«Surpayer un dirigeant ne sert à rien» - Thomas Piketty, économiste et auteur du Capital au XXIe siècle

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