La régulation va-t-elle «tuer» les géants de la technologie?

Publié le 06/03/2024 à 16:31

La régulation va-t-elle «tuer» les géants de la technologie?

Publié le 06/03/2024 à 16:31

Par John Plassard

(Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. À partir de demain, Alphabet, Amazon, Apple, Meta et Microsoft, ainsi que le chinois ByteDance (propriétaire de TikTok) devront être en conformité avec le nouveau règlement sur les marchés numériques (DMA), sous peine de lourdes sanctions.

Avant cela, Apple vient d’être condamné à une amende record qui a nettement fait baisser la valeur de son action en bourse. Bref, de plus en plus de vents contraires se lèvent sur les géants de la technologie mondiale. Que faut-il en penser et est-ce un risque pour ce secteur clé ? Synthèse et analyse.

 

Les faits

Pendant des décennies, Apple, Amazon, Google, Microsoft et Meta ont poursuivi leur chemin sans trop de règles ni de limites. Au fur et à mesure de leur puissance, une vague de fond d'activités réglementaires, d'élaboration de lois et d'affaires juridiques s'est levée contre eux en Europe, aux États-Unis, en Chine, en Inde, au Canada, en Corée du Sud et en Australie.

D'ici demain, Google aura modifié l'affichage de certains résultats de recherche, Microsoft n'obligera plus les utilisateurs de Windows à utiliser par défaut son outil de recherche internet Bing et enfin, Apple donnera pour la première fois aux utilisateurs d'iPhone et d'iPad l'accès à des boutiques d'applications et à des systèmes de paiement concurrents.

Les géants de la technologie se sont préparés à cette échéance pour se conformer à une nouvelle loi de l'Union européenne destinée à renforcer la concurrence dans l'économie numérique.

Cette loi, appelée « loi sur les marchés numériques » (voir plus bas), impose aux plus grandes entreprises technologiques de revoir le fonctionnement de certains de leurs produits afin de permettre à leurs concurrents plus modestes d'accéder plus facilement à leurs utilisateurs.

Ces changements sont parmi les plus visibles que Microsoft, Apple, Google, Meta et d'autres ont entrepris en réponse à une vague de nouvelles réglementations et lois dans le monde entier.

Aux États-Unis, certains géants de la technologie ont déclaré qu'ils abandonneraient les pratiques qui font l'objet d'enquêtes antitrust fédérales. Apple, par exemple, facilite l'interaction entre les utilisateurs d'Android et son produit iMessage, un sujet sur lequel le ministère de la Justice a enquêté. L’entreprise à la pomme vient cependant d’être amendée d’un niveau record...

 

Amende record pour Apple

Apple a été condamné lundi à une amende de 1,8 milliard d'euros par les autorités de régulation de l'Union européenne pour avoir entravé la concurrence entre ses rivaux dans le domaine de la diffusion de musique en continu, une sanction sévère infligée au géant de la technologie dans une bataille de longue haleine sur le rôle puissant qu'il joue en tant que gardien de l'App Store.

La sanction, annoncée par l'autorité antitrust de l'Union européenne, est l'aboutissement d'une enquête de cinq ans lancée par l'un de ses plus grands rivaux, Spotify. Les régulateurs ont déclaré qu'Apple avait illégalement utilisé sa position dominante sur l'App Store pour évincer ses rivaux.

« Pendant une décennie, Apple a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d'applications de streaming musical par l'intermédiaire de l'App Store », a déclaré Margrethe Vestager, vice-présidente directrice de la Commission européenne chargée de la politique de concurrence.

« Désormais, a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse, Apple devra permettre aux développeurs d'applications de diffusion de musique en continu de communiquer librement avec leurs propres utilisateurs. Le montant de l'amende, a-t-elle ajouté, « reflète à la fois la puissance financière d'Apple et le préjudice que son comportement a causé à des millions d'utilisateurs européens ».

L'action de la Commission européenne, l'organe exécutif de l'Union européenne, est la dernière d'une série de réglementations et de sanctions visant l'App Store. La plupart des litiges sont dus au fait qu'Apple exige que les applications utilisent son service de paiement in-app pour les ventes.

Ce service prélève une commission de 30% sur chaque transaction, ce que de nombreux développeurs jugent excessif...

 

Qu’est-ce que le DMA et le DSA?

Le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA) prévoient de limiter la domination économique des grandes plateformes et la diffusion en ligne de contenus et produits illicites.

S’ils ne sont pas directement cités, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et autres géants du secteur sont les principales cibles des deux textes proposés le 15 décembre 2020 par l’exécutif européen: le règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, ou DMA) et le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA).

Le DMA vise à mieux encadrer les activités économiques des plus grandes plateformes. Ces grandes entreprises sont qualifiées par la Commission de « contrôleurs d’accès » pour indiquer qu’elles sont devenues des passages obligés afin de bénéficier des avantages d’internet. Elles sont accusées de rendre les plus petites entreprises et les consommateurs particulièrement dépendants de leurs services et d’empêcher la concurrence des autres sociétés.

Le DSA, qui modernise une partie de la directive de 2000 sur le commerce électronique jusque-là inchangée, s’attaque quant à lui aux contenus illicites (haineux, pédopornographiques, terroristes...) et aux produits illicites (contrefaits ou dangereux) proposés en ligne. Il cherche notamment à harmoniser les législations nationales déjà en place dans les États membres en la matière et a pour mot d’ordre: « Ce qui est illégal hors ligne doit également être illégal en ligne ».

Le DMA et le DSA ne ciblent pas exactement les mêmes acteurs. Pour le DMA, il s’agit exclusivement des grandes plateformes : celles qui ont un « poids important sur le marché intérieur », fournissent « un service de plateforme essentiel qui constitue un point d’accès majeur permettant aux entreprises utilisatrices d’atteindre leurs utilisateurs finaux » et “[jouissent] d’une position solide et durable, dans ses activités, ou [jouiront], selon toute probabilité, d’une telle position dans un avenir proche”, énumère le règlement.

Dans le cadre du DSA en revanche, la plupart des entreprises proposant des « services intermédiaires » aux utilisateurs européens sont concernées : fournisseurs d’accès à internet, services en nuage, places de marché, réseaux sociaux... les courriels et messageries privées ne le sont pas.

 

À SUIVRE -> Quelles sont les sanctions prévues?

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