Commerce Québec-France: allez, on peut en faire plus!

Publié le 13/04/2024 à 09:00

Commerce Québec-France: allez, on peut en faire plus!

Publié le 13/04/2024 à 09:00

Le premier ministre de la France, Gabriel Attal, et le premier ministre du Québec, François Legault, lors d'un point de presse commun le 12 avril. (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. La France et le Québec ont une relation culturelle «singulière» parce qu’ils partagent la même langue et souvent les mêmes valeurs, comme laïcité et le libéralisme. Les deux États ont aussi une relation économique importante. Or, elle est loin d’avoir atteint son plein potentiel, car les occasions d’affaires sont encore très nombreuses, alors qu’on assiste à une montée du protectionnisme aux États-Unis.

Voilà l’essentiel du message qu’ont livré ce vendredi en fin de journée François Legault et Gabriel Attal, au terme de la 21e Rencontre alternée des premiers ministres québécois et français, qui s’est close par un débat à saveur économique à Montréal.

Organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le Conseil des relations internationales de Montréal et la Chambre de commerce et d’industrie française au Canada, ce débat rassemblait des gens d’affaires et des ministres québécois et français, ainsi que trois ex-premiers ministres du Québec, soit Pauline Marois, Lucien Bouchard et Pierre-Marc Johnson.

L’éléphant dans la pièce était le rejet de la ratification de l’Accord économique et commercial global (AECG) par le Sénat français, en mars, qui a provoqué de l’incertitude pour nos entreprises qui exportent dans l’hexagone et dans l’ensemble du marché européen – le traité reste néanmoins en vigueur malgré le vote du Sénat français.

À relire Rejet de l’AECG : mais quelle mouche a piqué les Français?

Si François Legault et Gabriel Attal ont tous les deux évoqué – le premier directement, le second indirectement – le risque de protectionnisme au sud de la frontière avec la possible réélection de Donald Trump, ils se sont bien gardés d’évoquer une montée du protectionnisme également en France, avec le rejet surprenant de l’AECG.

Les deux hommes ont préféré mettre l’accent sur les occasions d’affaires à saisir de part et d’autre de l’Atlantique.

 

 «Un important potentiel de croissance»

«Nos échanges ont un important potentiel de croissance», a déclaré le premier ministre Attal.

Avant de regarder les occasions pour nos entreprises en France, jetons un coup d’œil sur quelques statistiques pour comprendre l’importante que revêt la deuxième économie de la zone euro pour le Québec.

En 2023, la France était le cinquième plus important partenaire international du Québec, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Nos échanges de marchandises se sont élevés à près de 5,9 milliards de dollars (G$), dont 2,1G$ en exportations et 3,8G$ en importations. Nous avons donc un déficit commercial de 1,7G$ avec la France.

L’hexagone est le troisième pays client du Québec après les États-Unis et la Chine, et le sixième pays fournisseur après les États-Unis, la Chine, le Mexique, l’Allemagne et l’Italie.

En 2023, les exportations québécoises vers la France représentaient 1,7% des exportations totales du Québec. Nos principales expéditions étaient des avions, du minerai de fer et des turbopropulseurs.

Plus de 1000 entreprises d’ici vendent leurs produits en France, et 170 sociétés ont y une présence comme CGI, WSP, Boralex et Premier Tech.

Signe que les deux États veulent accroître leurs échanges, Investissement Québec et Business France ont annoncé ce vendredi après-midi la concrétisation de projets d’investissements.

Ces annonces concernent notamment les québécoises Innergex (production d’énergie renouvelable), Medicom (fournisseur d’équipements médicaux) et Lallemand (production et commercialisation de levures, de bactéries, de champignons microscopiques et d'autres ingrédients liés à ces micro-organismes).

Pour convaincre les entreprises québécoises d’exporter, d’investir ou de s’implanter dans l’hexagone, Gabriel Attal a souligné que la France a baissé les impôts des sociétés et allégé la réglementation, notamment pour faciliter la mise à pied des travailleurs.

 

La France, le pays le plus attractif d’Europe

Le premier ministre français a aussi affirmé que nos entreprises ont aussi tout intérêt à se servir de la France comme un tremplin pour exporter en Europe.

Il a d’ailleurs rappelé que la France a été en 2023 – et ce, pour la 4e année consécutive – le pays le plus attractif sur le vieux continent, selon le Baromètre EY de l’attractivité en Europe.

Pour sa part, François Legault a fait valoir que les entreprises françaises auraient tout intérêt se servir davantage du Québec comme d’un tremplin pour le marché nord-américain.

Le premier ministre a souligné que le Québec demeure un marché très intéressant pour les entreprises françaises, notamment en raison de notre électricité renouvelable et des minéraux critiques et stratégiques (MCS) dont regorge le sous-sol québécois.

Du reste, les entreprises françaises sont déjà très présentes au Québec: près de 400 d’entre elles y ont des filiales, de sorte qu’une filière sur cinq sur notre territoire est française.

C’est donc sans grande surprise que la France est le deuxième investisseur étranger au Québec après les États-Unis.

Même si on assiste à une montée du protectionnisme sur le marché américain depuis la présidence du démocrate Barack Obama, les États-Unis resteront LE marché stratégique et pour nos entreprises en raison de la géographie, de la taille de ce pays et d’une certaine proximité culturelle.

Après tout, nous sommes des Nord-Américains même si nous parlons français.

Cela dit, le Québec a tout intérêt à diversifier ses marchés et à le faire avec des marchés dynamiques, avec lequels nous partageons des valeurs fondamentales, à commencer par la démocratie et l'État de droit.

Dans un monde où l’on assiste à une montée de l’autoritarisme, la «patrie des droits de l’homme» représente donc sans nul doute un marché clé et incontournable pour nos entreprises.

Même si l’esprit libre-échangiste y est un peu en déclin.

 

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À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand