Économie mondiale: et s'il n'y avait pas d'atterrissage?

Publié le 18/03/2024 à 19:00

Économie mondiale: et s'il n'y avait pas d'atterrissage?

Publié le 18/03/2024 à 19:00

Par John Plassard

Comment évoluent les actifs dans un scénario de «no landing»?

Dans un scénario de « no-landing », plusieurs actifs évoluent de plusieurs manières

 

Les obligations:

Le scénario de « no landing » serait le plus dangereux pour les obligations d’État et les obligations de qualité, avec une inflation qui se maintiendrait bien au-dessus de l’objectif et une nouvelle série de hausses de la Réserve fédérale américaine.

Les obligations d’État Américaines à long terme (telles que les bons du Trésor) pourraient être particulièrement touchées.

Ensuite, la possibilité d’une forte liquidation de ces obligations se pose. Les rendements des obligations d’État à long terme pourraient devoir s’ajuster à la hausse pour tenir compte de la robustesse des données économiques, de la facilité des conditions financières et du risque de nouvelles mesures de lutte contre l’inflation de la part de la Réserve fédérale.

Enfin, les investisseurs qui s’attendaient à ce que les rendements des bons du Trésor baissent durablement par rapport à leurs précédents sommets pourraient être confrontés à des difficultés.

Les obligations indexées sur l’inflation à moins de dix ans pourraient surperformer, stimulées par des surprises à la hausse en matière d’inflation et protégées par leur durée relativement courte et leur bêta inférieur à celui des obligations d’État nominales.

D’un point de vue géographique, les États-Unis bénéficieraient d’une meilleure croissance et d’une inflation plus élevée, et les rendements américains augmenteraient donc davantage que les alternatives européennes.

En bref, des taux d’intérêt élevés plus longtemps se traduisent par une baisse de la durée. Dans ce scénario, nous préférerions donc les crédits de haute qualité et les liquidités aux obligations d’État, ainsi que les dettes indexées sur l’inflation plutôt que les dettes nominales, car les marchés devraient revoir leurs prix en fonction d’une inflation structurellement plus élevée.

 

Les actions:

En cas de scénario de « no landing », on pourrait assister à un scénario bien plus volatil que d’habitude.

L’incertitude des marchés boursiers pourrait conduire à un comportement prudent de la part des investisseurs.

Dans un environnement où il n’y a pas d’atterrissage, il est historiquement préférable de privilégier les actions américaines de moyenne capitalisation plutôt que les actions de croissance de méga-capitalisation.

Les valorisations des valeurs moyennes (Russell 2000) semblent plus raisonnables et pourraient bénéficier d’une croissance économique soutenue.

Maintenant, comme le rappelait Fidelity en 2023, en supposant que l’un des moteurs du scénario de non-atterrissage soit une forte performance économique de la Chine ces prochains mois, certains exportateurs européens, en particulier l’Allemagne, devraient être en position de tête pour en bénéficier.

Le Japon, également sensible à la croissance chinoise, devrait également réagir positivement et nous nous attendons à voir la croissance s’accélérer sur les marchés émergents, ce qui profitera également aux exportateurs.

 

En termes de style, durant un «no-landing», voici ce que l’on constate:

• Une surperformance de la «Value» par rapport à la croissance (historiquement les valeurs cycliques sensibles aux taux d’intérêt)

• Une meilleure « tenue » des sociétés ayant un important pouvoir de fixation des prix (pricing power), c’est-à-dire des entreprises qui contrôlent leurs coûts d’entrée et de sortie.

• Les sociétés qui ont un bilan bien structuré, avec un effet de levier limité, et les entreprises capables de créer des flux de trésorerie disponibles sur une base annuelle seraient aussi les grands gagnants.

• Il faut surperformer les moyennes capitalisations américaines aux méga-capitalisations de croissance (ce qui est aussi vrai pour un scénario de « soft-landing »). Les valorisations des moyennes capitalisations semblent beaucoup plus raisonnables et seraient bien placées pour bénéficier de l’environnement de croissance économique résilient qu’implique un scénario sans atterrissage.

• Les marchés émergents plus cycliques, comme la Corée et Taïwan, profiteraient théoriquement du « no landing », étant donné leur exposition au cycle des semi-conducteurs, sensible à la croissance.

• Les matières premières

Les matières premières, en particulier le pétrole, se portent historiquement bien dans un scénario de non-atterrissage, ce qui profiterait à certains indices comme le marché britannique, dont la pondération dans ces secteurs est importante.

En revanche, une inflation persistante serait une mauvaise nouvelle pour les entreprises sensibles aux coûts des intrants et mettrait les marges sous pression (le secteur de la consommation de base par exemple).

Si la raison du « no-landing » est à mettre sur le compte de la vigueur économique chinoise, de nombreuses autres matières premières pourraient surperformer. On songe notamment au cuivre, à l’acier ou encore à l’aluminium.

• Les devises

Dans un scénario "sans atterrissage", l’économie américaine continue de croître malgré les efforts de la Réserve fédérale pour contrôler l’inflation par des hausses de taux d’intérêt. Historiquement, le dollar a tendance à se renforcer dans ce scénario en raison de plusieurs facteurs :

• Attentes en matière de taux d’intérêt : Lorsque la Fed maintient ses taux à un niveau élevé pour contrôler l’inflation, elle attire les capitaux étrangers à la recherche de rendements plus élevés.

• Confiance des investisseurs : Une économie en croissance et une inflation stable renforcent la confiance des investisseurs dans le dollar.

• Statut de valeur «star»: Le dollar est considéré comme une monnaie « star » en période de « no-landing ».

Si ceci est vrai pour le dollar, il le serait aussi pour l’Euro si on parlait de « no-landing » pour la zone euro par exemple.

 

Synthèse

Nous avons été surpris par la vigueur économique américaine en 2023, le serons-nous en 2024? Si tel devait être une nouvelle fois le cas, on ne peut exclure qu’un scénario de «no landing» se matérialise ces sept prochains mois. Ce n’est actuellement pas notre scénario central, il convient cependant d’être préparé afin de pouvoir adapter son portefeuille en conséquence…

 

 

Ce texte est tiré de l’infolettre quotidienne de John Plassard, gracieuseté de Mirabaud

 

** Veuillez prendre note que les visuels de notre expert sont présentés en anglais à titre informatif et ne peuvent être traduits par notre équipe. Merci de votre compréhension.

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