CELIAPP: il faudra être patient

Publié le 27/04/2022 à 10:40

CELIAPP: il faudra être patient

Publié le 27/04/2022 à 10:40

Malheureusement, pour un acheteur pressé, l'arrivée du CELIAPP ne lui est pas très favorable. Il devra s'armer de patience avant de célébrer l'acquisition d'une première propriété. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. La création du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), un nouveau véhicule de placements pour aider les jeunes familles à accéder à la propriété, a fait beaucoup de flammèches sur la place publique. La nouvelle mesure présentée le 7 avril par le gouvernement fédéral est dénoncée par plusieurs experts, car elle augmenterait la demande pour les maisons.

Certains pensent que nous devons plutôt créer des mesures qui stimuleraient l’offre. Je suis du même avis. Le fait d’instaurer un autre abri fiscal combinant les avantages du CELI et du REER et effaçant du même coup leurs désavantages peut certainement accentuer la surchauffe immobilière.

Il faut cependant regarder plus loin que le bout de son nez. Le CELIAPP n’aura pas un effet immédiat sur le marché immobilier. Pour comprendre, je crois qu’il est nécessaire de faire un bref survol de la mesure.

Comment le CELIAPP fonctionne

Conditions d’admissibilité:

  • Être un résident du Canada et être âgé d’au moins 18 ans;
  • Ne pas avoir vécu dans une propriété qui vous appartenait dans l’année de l’ouverture du compte ni lors des quatre années civiles précédentes.

Informations supplémentaires: 

  • La mesure sera en vigueur à partir de 2023;
  • Les cotisations maximales sont de l’ordre de 8000 $ par année;
  • Le plafond à vie est fixé à 40 000 $;
  • Les droits annuels de cotisation inutilisés ne peuvent pas être reportés à une année ultérieure;
  • Les cotisations sont déductibles d’impôt et les retraits pour l’achat d’une première maison, y compris le revenu de placement, sont non imposables;
  • Les particuliers n’auront pas le droit d’effectuer à la fois un retrait du CELIAPP et un retrait au titre du RAP pour l’achat d’une même propriété;
  • Un transfert de fonds du CELIAPP vers le REER ne réduira pas les droits de cotisation futurs et ne sera pas limité par les droits déjà acquis;
  • Les particuliers seront limités à faire des retraits non imposables relativement à une seule maison au cours de leur vie.

Acquisition à court terme

Maintenant que tous les détails de la mesure sont connus, analysons un peu l’impact que cela pourrait avoir sur un investisseur qui vise une propriété à court terme.

Si je désire acheter ma maison rapidement (un ou deux ans), je ne crie pas de joie quand je vois cette mesure. Cette dernière sera instaurée en 2023, donc d’ici 2 ans je peux mettre 8 000 $ dans le CELIAPP (2022: aucun montant possible, 2023: 8 000$ maximum). Avec 8 000$ de mise de fonds, je peux regarder sur les sites de ventes de maison, mais je ne peux pas acheter.

Pour pouvoir acheter, je devrai compenser l’insuffisance de mise de fonds avec d’autres liquidités, soit dans mon CELI ou dans mon compte épargne non enregistré. Force est d’admettre qu’à court terme, le marché immobilier ne sera pas en surchauffe en raison de cette mesure.

Si le marché est en surchauffe en ce moment, c’est principalement en raison du maintien d’un faible taux directeur pendant près de deux ans, des bonnes habitudes d’épargnes des Québécois pendant la pandémie et d’un inventaire extrêmement bas.

Malheureusement, pour un acheteur pressé, cette nouvelle mesure ne lui est pas très favorable. Le gouvernement vous dit plutôt: soyez patient pour acheter votre première propriété et je vous récompenserai.

 

RAP et CELIAPP: seulement un des deux

Une autre information importante noyée dans le budget de 304 pages préparé par le gouvernement en place est que le CELIAPP ne peut être utilisé si le Régime d’accès à la propriété (RAP) est utilisé, et vice-versa.

Le diable se retrouve toujours dans les détails. On doit choisir entre l’une ou l’autre des mesures. Ceux qui ont commencé à investir dans le REER dans l’unique but de s’en servir pour acheter une propriété vont-ils se donner la peine de recommencer à zéro pour accumuler des sommes dans le CELIAPP sachant qu’il pourrait y accéder plus rapidement via le RAP? Laissez-moi en douter.

Ceux qui vont prioriser le CELIAPP au RAP sont ceux qui n’avaient pas cotisé encore au REER ou encore ceux qui avaient priorisé le CELI au lieu du REER comme véhicule d’accumulation. Si j’ai réussi à accumuler 35 000 $ en REER, je ne vais pas attendre 5 ans pour acheter une maison à l’aide du CELI immobilier surtout si, par exemple, un bébé cogne à la porte.

Si vous aviez commencé à accumuler de l’argent dans votre REER pour vous en servir afin d’acheter une première propriété, le message qu’envoie le gouvernement est de continuer à accumuler vos sous dans ce même véhicule enregistré.

 

La patience reste une vertu

Même les épargnants les plus rigoureux, soit ceux ayant cotisé au maximum de leurs droits, ne pourront pas profiter du montant maximum de 40 000 $ du CELIAPP dès la première année. Ils devront cotiser à petit feu dans ce véhicule à raison de 8 000 $ par année. Pour profiter pleinement du nouveau véhicule de placements, l’acquisition de la maison ne se fera pas avant 2027 (cotisations de 2023 à 2027).

La devise du nouvel incitatif aux premiers acheteurs devrait être « Cotiser au CELIAPP vous assure de ne rien acheter avant 2027! » Bien entendu, les épargnants les plus disciplinés pourraient acheter une maison avec une mise de fonds conjointe provenant à la fois du CELIAPP et du CELI.

Mais mon point est que ce n’est pas l’instauration de la nouvelle mesure du CELIAPP qui va influencer la demande à court terme. Même si vous êtes l’épargnant le plus discipliné du Québec, la nouvelle mesure du gouvernement ne fera pas de l’acquisition d’une propriété une partie de plaisir. Il faudra encore languir cinq ans avant de toucher à la carotte au bout du bâton.

En finances personnelles, les gens patients et ceux qui planifient gagnent toujours. Être patient vous permet de profiter de l’effet composé du rendement sur vos placements, d’éviter de vendre quand le marché est bas et d’acheter quand il est haut. D’acheter un véhicule à rabais vieux de cinq ans qui vous est financé en partie par l’ancien propriétaire ou de profiter au maximum du nouveau véhicule immobilier blindé qui vient de voir le jour.

L’acheteur pressé paie toujours et subventionne l’acheteur patient. Choisissez votre camp, mais je vous suggère d’être patient et d’analyser le tout avant de prendre votre décision. 

À propos de ce blogue

Thomas Gaudet est CPA de formation, mais sa véritable passion est de démocratiser les finances personnelles. L’homme «aux bas bruns» adore tout ce qui touche la planification financière. Il travaille actuellement pour le cabinet de gestion de patrimoine Altitude conseils financiers. Il rencontre chaque jour des entrepreneurs, des professionnels des affaires et de la santé pour discuter de leurs enjeux et leurs besoins financiers. Il s’implique également beaucoup dans sa communauté. Il siège sur les conseils d’administration du Cégep de Drummondville et de la Jeune Chambre de Drummond.

Thomas Gaudet

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