Pas facile de stabiliser l'inflation et le coût des aliments

Publié le 09/11/2023 à 14:50

Pas facile de stabiliser l'inflation et le coût des aliments

Publié le 09/11/2023 à 14:50

(Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. L’inflation et l’augmentation du coût des aliments sont des préoccupations majeures pour les Québécois et les Canadiens. Le ministre fédéral de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a récemment formulé des demandes aux détaillants et aux manufacturiers alimentaires dans le but de contenir ces problèmes économiques. Et il voulait des solutions pour l’Action de grâces. Cependant, ses demandes ne sont pas aussi simples à mettre de l’avant qu’on le croit.

Le ministre Champagne a d’abord rencontré des grands distributeurs et détaillants alimentaires au Canada pour leur demander de participer à la stabilisation des prix des aliments en épicerie.

 

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Il a aussi spécifié que leurs mesures ne doivent pas avoir de répercussions négatives sur les petits fournisseurs, sur le prix que les agriculteurs obtiennent pour leurs produits ou sur les mécanismes de fixation des prix déterminés par les industries gouvernées par la gestion de l’offre.

Il est également important que les détaillants négocient de manière transparente et équitable avec leurs fournisseurs pour obtenir des prix compétitifs.

Rappelons que, selon Statistiques Canada, les magasins d’alimentation ont enregistré d’importantes croissances en période pandémique. Si on compare la période qui s’étend de 2017 à 2019 avec les trois premiers trimestres de 2022, leurs profits ont augmenté en moyenne de 90% au Canada, et leur marge bénéficiaire est passée de 2,2% à 3,5%.

Il faut que l’industrie de la transformation des aliments et des boissons ait les solutions gagnantes pour se remettre de la pandémie et pour participer à la création d’un environnement économique plus stable et abordable pour les consommateurs.

Voici quelques éléments de réflexion:

 

Gérer les perturbations de la chaîne d’approvisionnement

Les importantes perturbations de la chaîne d’approvisionnement des aliments et des boissons, causées par la récente pandémie de COVID-19, ont entraîné des hausses rapides et importantes — mais temporaires — des prix.

La flambée des coûts des intrants, des transports, de l’énergie et de la main-d’œuvre est un des facteurs qui ont impacté les prix, notamment des aliments.

Afin de minimiser l’impact de ces perturbations sur les prix des aliments, les entreprises alimentaires doivent mettre en place des plans de gestion des risques pour mieux prévoir ces nouvelles situations.

Cela pourrait inclure la diversification des sources d’approvisionnement et le stockage stratégique de produits de base pour faire face à d’éventuelles pénuries. Ces plans nécessiteront des ressources importantes et des années pour être mis en place.

 

Réduire les coûts de production

Le ministre Champagne encourage les manufacturiers alimentaires à rechercher des moyens de réduire leurs coûts de production. Cela pourrait effectivement être réalisé grâce à l’innovation, à l’automatisation, à la numérisation et à l’efficacité opérationnelle.

En réduisant les coûts, les entreprises pourraient éventuellement maintenir des prix plus stables et demeurer concurrentielles tout en préservant leur rentabilité.

Ces solutions peuvent paraître simples à mettre en œuvre, mais encore une fois, elles demandent d’importantes ressources financières et de l’expertise.

Il faut rappeler que l’industrie des aliments et des boissons est constituée d’une très grande majorité de PME (85%) dont les marges moyennes au Québec sont de l’ordre de 5 à 6%. Ces marges ont fondu ces dernières années.

Or, pour investir massivement en productivité, ça prend des fonds considérables.

L’enjeu ici est que les gouvernements ne considèrent pas l’industrie manufacturière des aliments et des boissons comme un contributeur stratégique à notre économie. L’industrie alimentaire reçoit des grenailles par rapport aux impressionnantes annonces faites récemment, et on lui demande de couper et d’investir en plus.

 

Promouvoir la production locale

Une autre solution à moyen et long terme pour mieux contrôler les coûts des aliments est la promotion de la production locale. Encourager l’achat de produits locaux permet de réduire les coûts liés à la chaîne d’approvisionnement, tels que les coûts de transport et d’importation.

Cela peut également renforcer l’économie locale en créant de meilleurs emplois spécialisés et en stimulant la croissance des entreprises en région. Sans compter la réduction des gaz à effet de serre (GES) imputables aux longues routes de transport.

 

Solutions à court terme

À court terme, le gouvernement peut jouer un rôle dans la stabilisation des prix des aliments et des biens de consommation.

La fiscalité alimentaire est complexe, mais plusieurs produits alimentaires que vous achetez en portions individuelles, ou en plus petits formats (de moins de 500 millilitres ou 500 grammes), ou les prêts-à-manger, sont taxables.

En lien avec les besoins et les nouvelles habitudes alimentaires (les gens mangent moins, les familles sont moins nombreuses), il faudrait revoir le système de taxation des aliments et boissons pour ne pas pénaliser les plus petites portions et certaines catégories de produits.

Le gouvernement fédéral vient d’annoncer l’exemption de la TPS sur toute construction de nouveaux immeubles locatifs. Pourquoi ne pas explorer d’autres ajustements de taxes temporaires — et à court terme — qui auront un impact sur les chaînes de valeurs et le porte-monnaie des consommateurs?

En fin de compte, l’objectif est de garantir que les Québécois et les Canadiens puissent avoir accès à des aliments de qualité à des prix raisonnables, tout en stimulant l’économie nationale.

Donnons-nous de la prévisibilité et les moyens d’y parvenir.

 

 

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À propos de ce blogue

La face cachée de votre assiette est le blogue de Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) depuis 2010. Nommée Leader d’influence par le Réseau des Femmes d’affaires du Québec, Sylvie a récemment obtenu la certification GCB.D (ESG Global Competent Boards Designation). Sylvie Cloutier est une incontournable du secteur bioalimentaire au Québec. Elle participe activement à l’élaboration de plusieurs décisions gouvernementales et réglementaires qui touchent le secteur alimentaire québécois. Reconnue pour son dynamisme et son leadership, Sylvie assure la représentation, la promotion et la défense des intérêts de l’industrie de la transformation alimentaire du Québec. Sylvie est co-présidente du Conseil consultatif de la politique alimentaire du Canada, co-fondatrice de Aliments et boissons Canada, et siège sur plusieurs conseils d’administration dont ceux Moisson Montréal, de Banques alimentaires Canada, de Financement agricole Canada et de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires. Elle s’implique également auprès du comité de financement de La Tablée des Chefs.

Sylvie Cloutier

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