1. Tolérance. L’intimidation ne peut apparaître et se développer que dans les organisations qui la tolère, ou du moins qui l’ignore superbement. Les victimes d’intimidation craignent dès lors de dénoncer le harcèlement qu’elles subissent, ce qui laisse les coudées franches aux êtres malfaisants.
2. Stress. L’intimidation se complait dans les milieux de travail stressants. Le stress est parfois tel que les managers estiment qu’ils ont autre chose à faire que de se soucier des «jérémiades» de certains employés, autre chose de toujours «plus urgent et plus important». Ce qui, là aussi, est une situation favorable aux êtres démoniaques.
3. Flou. L’intimidation adore les zones de flou. C’est-à-dire là où l’on ne sait pas trop qui dirige, qui fait quoi, ou encore qui décide de quoi. De fait, ce genre de situation est désarmant pour une victime d’intimidation, qui ne voit autour d’elle aucune planche de salut potentielle.
4. Lourdeur. L’intimidation raffole de la bureaucratie. Plus précisément, de tout système managérial très hiérarchisé où la lourdeur administrative fait en sorte qu’il est rarissime d’obtenir le licenciement d’un employé pour faute professionnelle. Car cela offre une sorte d’immunité aux manipulateurs.
5. Compétition. L’intimidation aime l’esprit de compétition. Parce que celui-ci développe au sein de l’organisation un individualisme forcené, qui se traduit par la recherche de la performance personnelle au détriment de celle des autres. Une telle ambiance de travail pousse à l’agressivité, et avec elle, souvent, à commettre des actes intimidants à l’égard de collègues ou de subordonnés.
On note ainsi que l’intimidation est comme la mauvaise herbe : elle pousse vite fait sur les plus beaux terrains, si jamais on n’y prête pas garde. Au milieu du gazon, à côté du parterre de fleurs, au pied du pommier. À la moindre faute d’attention, elle apparaît, grandit et fait ombrage aux plus petits. Sans pitié et sans remord.
Certains seront peut-être tentés de minimiser le phénomène, en disant que l’étude en question porte sur l’Estonie, un lointain pays balte qui n’a rien à voir avec le Québec. À ceux-là je me permettrais de rétorquer par une question : «Croyez-vous vraiment que ce qui se passe là-bas ne correspond pas à ce qui se passe ici, peut-être même au sein de votre propre organisation?» Et si ceux-là sont le moindrement honnêtes, ils conviendront que l’épidémie de burn-out dont souffre notre province – faut-il le rappeler, 1 salarié sur 10 souffre de «fatigue professionnelle»? – ne vient pas de n’importe où…
Quant à moi, je suis convaincu que des lumières sont en train de s'allumer dans votre cerveau, qui que vous soyez. Et ce, avec une interrogation en tête : «Et si j'étais, sans le réaliser, un grand méchant loup?» Pas vrai? Une louable réflexion, me semble-t-il…
En passant, l’écrivain américain Ambrose Bierce a dit – non sans humour – dans son Dictionnaire du diable : «Insensible (n). Doué d’une grande force d’âme pour supporter les maux qui affligent les autres»…