Message aux européens

Publié le 21/08/2010 à 10:29, mis à jour le 21/08/2010 à 14:36

Message aux européens

Publié le 21/08/2010 à 10:29, mis à jour le 21/08/2010 à 14:36

BLOGUE.

Un européen francophone nous a écrit pour nous dire que le Canada s'était bien sorti de la crise. Et il laissait sous-entendre que notre système financier était supérieur au reste du monde.

Cette idée est bien répandue maintenant. Le Canada étant l'un des pays ayant le moins souffert, il est logique que les yeux du monde entier se tournent vers nous alors que notre ministre de la finance vante les mérites de notre système.

Tout d'abord, établissons quelques faits. Au Canada, nous avons tendance à imiter les américains. Cependant, nous le faisons souvent en prenant notre temps. Aux États-Unis, deux organismes importants encouragaient l'achat de maisons à outrance. Il s'agit de Fannie Mae et Freddie Mac. Comme on le sait, ces deux entités si admirées par le passé sont devenues des échecs complets (message aux anti-capitalistes : pour nous, ces deux entités constituent du socialisme à l'état pur ; tout le contraire du capitalisme).

Ici au Canada, nous avons la SCHL (société canadienne d'hypothèques et de logement). De 2004 à 2009, le nombre de prêts garantis par cette entité ont quintuplé. En 1999, elle a étendu l'accès à la mise de fonds de 5% à tous. C'est tout une évolution depuis 1954, où les premiers prêts garantis exigaient 25% de mise de fonds. Donc, grâce à la SCHL, un acheteur pouvait débourser seulement 5% de la valeur de la maison, et obtenir un prêt avec sa banque. C'est la SCHL qui assumait le risque de défaut. Quelle coìncidence! Notre immobilier s'est apprécié de façon importante ces 10 dernières années!

Or, il y a eu la crise aux États-Unis en 2007. Ces derniers étaient allés définitivement trop loin. Heureusement pour nous, nous n'étions pas rendus à ce stade, et nous avons un bel exemple de ce qui aurait pu nous arriver dans 10 ou 20 ans si nous avions poursuivi cette voie. Nous avons donc eu le temps de réagir. La baisse des taux d'intérêts marquée a été suffisante pour soutenir le prix de nos maisons. Aux États-Unis, il était déjà trop tard.

Nos banques ont probablement eu la frousse. En pleine crise, certaines d'entre elles ont émises des actions à très bas prix, alors que ce n'était pas ce qu'elles voulaient. Il fallait prévoir le pire : un effondrement de notre immobilier, même léger, aurait pu avoir des conséquences désastreuses.

Aujourd'hui, la situation est moins critique, puisque les bilans de nos banques sont plus solides. Elles ont eu le temps de s'ajuster. Il est fort probable que nous connaissions notre propre petite crise immobilière et financière dans les années à venir, puisque nos ménages ont continué d'emprunter, alors que les ménages américains épargnent plus que jamais.

Cependant et heureusement, nous n'aurons pas à connaître une crise de liquidité en même temps qu'une crise immobilière. C'est là toute la différence. Et pour ce qui est de nos banques, c'est la SCHL qui va digérer la majeure partie des pertes si le prix des maisons s'effondre. C'est un peu comme si nos banques étaient déjà rescapées d'avance par le gouvernement. Pourquoi prendre des risques alors que le gouvernement insiste tant pour les prendre à leur place?

Nous ne connaissons pas l'avenir, mais rien ne nous indique que nous devrions privilégier le Canada actuellement pour nos investissements. Et nous croyons encore moins que le reste du monde devrait calquer notre système! Nous ne sommes pas plus beaux, plus gentils ou plus intelligents que les autres.

Notez bien ceci : avant juillet 2008, notre gouvernement garantissait des prêts avec 0% de mise de fonds, avec un amortissement de 40 ans! C'est précisément en juillet 2008 qu'il mit fin à cette pratique. Or, c'est en pleine crise américaine! Si nous avions effectué ce changement en 2006, nous aurions fait preuve de sagesse. Mais en réalité, nous avons simplement bénéficié de l'exemple du cauchemar américain!

Alors si jamais les choses tournaient mal dans notre pays, rappelez-vous qu'il existait au moins deux personnes au Québec qui ne se vantaient pas d'avoir un système financier supérieur!

 

À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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