Salon de coiffure: à quand des prix inclusifs et non genrés?

Publié le 08/03/2021 à 09:20

Salon de coiffure: à quand des prix inclusifs et non genrés?

Publié le 08/03/2021 à 09:20

Roxane Dazé, Alexys Guay et Mykaell Blais (Photo: Laurence Caron C.)

Un texte du collectif Plurielles en collaboration avec Divergenres, le GRIS-Québec, l’Alliance Arc-en-ciel de Québec et Féministes en mouvement de l’Université Laval


COURRIER DES LECTEURS. Le 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes*, est l’occasion de célébrer le chemin parcouru, de souligner les victoires à travers le monde et de préparer les luttes à venir. Malgré les efforts des groupes féministes et des groupes LGBTQ2i+ des dernières années au Québec, les inégalités et les violences envers les femmes* persistent: accessibilité en emploi, précarité économique, racisme, sexisme, transphobie, lesbophobie, hypersexualisation, violence conjugale, violences sexuelles, etc.

Certains enjeux apparaissent plus laborieux à résoudre tandis que d’autres semblent simples à résorber. Qu’en est-il des différences de prix selon le sexe et le genre? Dans cette lettre ouverte, on vous parle de la «taxe rose» dans les salons de coiffure.

 

Prix genrés, mentalité dépassée?

La majorité des salons de coiffure ont des prix différenciés (homme/femme). Par exemple, une «coupe homme» peut être à 25$, tandis que la «coupe femme» est à 35$. La différence de prix peut parfois s’élever à 20$. Cet écart est très symbolique en termes d’égalité. Certain-e-s diront que les femmes* paient plus cher parce qu’elles ont, selon les normes de genres, les cheveux longs et que le travail nécessite plus de temps et plus de produits. Or, ce qu’on ignore parfois, c’est que pour la même longueur de cheveux et la même coupe, une femme* payera plus cher qu’un homme.

Où est donc la logique quand le prix varie selon le genre de la personne et non selon la longueur ou l’épaisseur de ses cheveux? Ce phénomène a un nom, c’est la «taxe rose».

 

La «taxe rose», c’est quoi?

La «taxe rose» est décrite comme le prix plus élevé facturé aux femmes* pour les mêmes produits et services offerts aux hommes. Prenons l’exemple d’une des études les plus citées sur la taxe rose, soit celle de de Blasio et Menin (2015) sur la ville de New York. Pour des produits semblables ou identiques, les femmes* paient environ 7% de plus que les produits destinés aux hommes*, et ce, en plus d’avoir un salaire inférieur de 13,3% (Statistique Canada, 2018). Or, cette utilisation stéréotypée des différences contribue à reproduire des inégalités. Au Québec et au Canada, aucune loi n’encadre précisément la différenciation des prix en fonction du genre. Un projet de loi avait été déposé devant l’Assemblée de l’Ontario en 2005, pour ensuite être rejeté (Office de la protection du consommateur, 2017).

Quand le Canada et le Québec adopteront une telle loi, comme l’ont fait New York et la Californie?

 

Une question d’inclusion

Nous vivons dans une société binaire qui sépare les hommes et les femmes* selon des stéréotypes. De plus en plus, la société tend à briser ces boîtes hermétiques et à reconnaître la diversité dans les identités de genre, mais également dans l'expression de genre. Les cheveux courts ne sont plus propres aux hommes tout comme les cheveux longs ne sont plus propres aux femmes*. Or, les tarifs genrés dans les salons de coiffure ne prennent pas en compte cette dimension. Cette pratique tend à exclure les personnes trans, les personnes non binaires ou non conformes dans le genre qui peuvent être victimes de mégenrage par les employé.e.s. Ces expériences peuvent facilement devenir blessantes et humiliantes.

Quelques salons, bien que trop peu, adoptent déjà de bonnes pratiques en favorisant des prix qui varient plutôt selon la longueur des cheveux (courts, mi-longs, longs). Cette initiative permet de favoriser l’égalité, d’éliminer la discrimination de genre et de créer des environnements sécuritaires. Nous vous invitons à ce sujet à consulter Undergendered, réalisée par la coiffeuse queer MJ Déziel.

Pour un réel changement social, il faut qu’une communauté entière, incluant le milieu social, économique, politique et commercial, travaille conjointement pour atteindre un réel changement. Comme société, sommes-nous prêt.e.s, ensemble, à se défaire de vieilles habitudes et adapter nos pratiques afin qu’elles soient plus égalitaires et inclusives?

Le collectif Plurielles en collaboration avec Divergenres, le GRIS-Québec, l’Alliance Arc-en-ciel de Québec et Féministes en mouvement de l’Université Laval (FEMUL) demandent aux salons de coiffure du Québec d’adopter une Charte de prix neutres afin de créer des environnements inclusifs et sécuritaires pour tout le monde. Dans une vision d’équité et d’inclusion, les groupes demandent également au gouvernement du Québec d’adopter une loi interdisant la discrimination en matière de prix basé selon le sexe et le genre des personnes dans les salons de coiffure du Québec.

 

*Le terme femme est utilisé dans la présente lettre afin de désigner toutes les personnes, cis ou trans, qui s'identifie partiellement ou complétement comme femme, ainsi que les personnes trans, non-binaires et/ou queer.

 

Un texte du collectif Plurielles en collaboration avec Divergenres, le GRIS-Québec, l’Alliance Arc-en-ciel de Québec et Féministes en mouvement de l’Université Laval

 

Rappel des sources :

Conseil du statut de la femme, 2017. La taxe rose : marketing, consommation et inégalités entre les sexes. Québec. 42 pages.

Blasio, B. & Menin, J., 2015. From Cradle to Cane: The Cost of Being a Female Consumer A Study of Gender Pricing in New York City

Office de la protection du consommateur, 2017. État des lieux et analyse critique des lois en vigueur sur le phénomène de la «taxe rose». Québec. 36 pages. 

Statistiques Canada, 2018. L’écart salarial entre les sexes au Canada: 1998 à 2018.

 

 

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