Valeant: que feront Yves Michaud et nos gouvernements?

Publié le 20/05/2014 à 16:25

Valeant: que feront Yves Michaud et nos gouvernements?

Publié le 20/05/2014 à 16:25


Questions et réponses de Michael Pearson

La conférence de presse avec le grand patron, Michael Pearson, a permis de revenir sur ces deux agacements.

Sur les investissements en R&D, monsieur Pearson ne cache pas que la société investisse des sommes moins importantes que les autres pharmaceutiques. Mais il prétend que, dans les six dernières années, les investissements en R&D de l'entreprise ont permis d'amener plus de nouveaux produits sur le marché que ses concurrents. Preuve en sera d'ailleurs faîte le 28 mai, dit-il, lors d'une rencontre avec les analystes où l'offre pour Allergan sera majorée. C'est simplement, soutient le grand patron, que Valeant se concentre sur des produits plus sûrs et évite les investissements dans des produits en phase initiale de développement où le risque d'échec est plus élevé.

Sur le régime fiscal, il estime qu'il n'y a dans le monde que les États-Unis et le Japon qui imposent le revenu provenant d'outre-mer lorsqu'il est rapatrié. Il estime que le Canada est plutôt une juridiction progressiste, qui a compris que son approche fiscale crée de l'emploi. La démonstration en est donnée par les emplois aux installations du Manitoba et de Laval (environ 500 ici) de Valeant. En outre, a-t-il précisé, si l'opération sur Allergan réussit, un certain nombre d'emplois seront ramenés des États-Unis au Canada (au Manitoba ou au Québec).

Monsieur Person n'a pu dire combien de salariés étaient au siège social de Laval (la majorité sont dans les installations manufacturières de produits dermatologiques (crèmes, lotions, etc.). Un porte-parole de l'entreprise a toutefois estimé qu'autour de 130 n'étaient pas reliés aux activités manufacturières et étaient attachés aux activités internationales de Valeant.

Que penser de tout cela?

Sur les investissements en R&D. La stratégie se défend. Le fait est cependant que si l'industrie pharmaceutique dans son ensemble migre vers une pareille stratégie, il n'est pas clair que la société en sortira gagnante, et même que la majorité des entreprises en sortiront gagnantes. Il y a un risque de bousculade sur des produits nettement moins révolutionnaires. On a bien hâte de voir, le 28 mai, quels sont les produits auxquels Allergan fait référence dans ses prétentions d'innovation.

Sur la question fiscale, on ne peut qu'être en désaccord avec l'approche. Ce sont plutôt les États-Unis et le Japon qui jouent correctement. Il est difficilement concevable que tout ce qui est revenu de propriété intellectuelle puisse ultimement échapper au fisc canadien et québécois. C'est ce qui nous guette si toutes nos sociétés se mettent à emprunter la stratégie Valeant. Il y a certes un risque de pertes d'emplois au Canada si le fédéral décide de fermer l'échappatoire (Valeant déplacerait sans doute son siège social, et d'autres sociétés pourraient l'imiter), mais il convient maintenant d'analyser plus en profondeur la situation.

Sur la présence du siège social au Québec, on s'est peut-être initialement avancé un peu loin en soutenant que Valeant était une fausse québécoise. Il semble en effet y avoir certaines fonctionnalités du siège social au Québec. Il n'en reste pas moins que, bien qu'apparemment modeste, le centre nerveux du siège social n'est pas ici. Le bureau officiel de monsieur Pearson est par exemple aux États-Unis, tout comme la direction financière.

Surtout, la sensibilité locale demeure très faible. Deux fois monsieur Pearson a indiqué qu'il allait regarder la possibilité d'avoir des communications en français avec les actionnaires lorsqu'on lui a fait remarquer que les véritables sièges sociaux québécois fonctionnaient dans les deux langues. Mais il a aussi deux fois indiqué que Valeant était une organisation qui surveillait de près ses coûts et n'a voulu rien garantir. Une position qui n'est certainement pas sans mettre l'entreprise à risque d'une visite d'Yves Michaud…

Conclusion?

Valeant n'est peut-être pas une fausse québécoise, mais elle n'en est certainement pas une véritable. Sa stratégie de R&D est justifiable, mais sa stratégie fiscale, quoique tout à fait légale, devrait continuer à être décriée. Il revient maintenant à nos gouvernements de décider s'ils la cautionnent.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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