Ces trois tendances bouleverseront l'économie américaine

Publié le 14/09/2019 à 08:32

Ces trois tendances bouleverseront l'économie américaine

Publié le 14/09/2019 à 08:32

Source: 123 RF

ANALYSE GÉOPOLITIQUE – Trois lames de fond bouleverseront l’économie américaine dans les prochaines décennies, soit la mutation démographique du pays, l’accélération de l’automatisation ainsi que la transformation du lien employeur-employé. Et ces forces auront des impacts majeurs sur le marché du travail.

Voici les principales conclusions d’une étude récente du Migration Policy Institute (MPI), un think tank américain reconnu pour ses positions libérales en matière d’immigration, qui s’intitule Immigration and the U.S. Labor Market : A Look Ahead.

Ces trois tendances majeures affecteront bien entendu les entreprises et les investisseurs américains dans l’avenir, mais aussi les organisations étrangères actives sur le marché américain.

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Tendance #1 – La mutation démographique

Cette tendance a déjà débuté, mais elle s’accélérera dans les prochaines années : les travailleurs américains nés aux États-Unis vieilliront et déclineront en nombre, alors que la main-d’œuvre immigrante continuera d’augmenter.

Une situation qui tient en grande partie à la diminution du taux de fécondité des Américaines et du départ à la retraite de millions de baby-boomers.

Tendance #2 – L’accélération de l’automatisation

Le scénario tant redouté dans certains milieux d’un chômage de masse provoqué par les nouvelles technologies «ne se matérialisera pas», affirment les auteurs de l’étude.

En revanche, un nombre grandissant de travailleurs devront changer de secteurs et procéder à des «ajustements majeurs de leurs compétences», en particulier chez les travailleurs moins scolarisés.

Tendance #3 - La transformation du lien employeur-employé

La relation traditionnelle employeur-employé sera de moins en moins la norme. Les entreprises dépendront davantage de sous-traitants indépendants ainsi que d'autres types de fonctions de ressources humaines externalisées.

Dans ce contexte, on verra des milieux de travail de plus en plus «fissurés», avec un nombre croissant d’employeurs traitant avec des travailleurs autonomes plutôt que des salariés à temps plein ou à temps partiel.

Ensemble, ces trois forces auront des impacts positifs et négatifs sur la société, les entreprises et les travailleurs américains, soulignent les auteurs de l’étude.

Par exemple, la productivité (la quantité d'unités de PIB produites dans une heure de travail) augmentera et, logiquement, sans doute, les salaires.

En revanche, ces trois tendances feront augmenter les inégalités aux États-Unis entre les travailleurs qualifiés et les travailleurs non qualifiés, et ce, dans un pays où elles progressent déjà depuis des décennies.

Le phénomène des sans-abri a atteint un record en janvier 2019 à New York, avec 64 000 personnes vivant sans domiciles fixes dans la métropole américaine. (source photo: Getty)

Selon l’étude, ces forces réduiront aussi le rythme de croissance économique aux États-Unis.

Des entreprises pâtiront davantage d'une pénurie de main-d’oeuvre dans certains secteurs, alors que les travailleurs déplacés en raison des progrès technologiques et ceux confrontés à des salaires plus bas se retireront du marché du travail.

Enfin, la difficulté des travailleurs à acquérir rapidement de nouvelles compétences perturbera l’équilibre entre l’offre et la demande d’emplois dans certains secteurs de l’économie américaine.

L’immigration pour atténuer l’onde de choc

Selon le MPI, une augmentation de l’immigration aux États-Unis peut atténuer l’impact négatif de ces trois tendances et apporter plusieurs bénéfices à l’économie américaine.

Par exemple, une immigration accrue peut aider les Américains à réduire leurs dépenses de consommation, car les travailleurs immigrés non qualifiés gagnent des salaires moins élevés, permettant ainsi aux entreprises de réduire leurs coûts et leurs prix.

Une immigration plus importante peut aussi augmenter la disponibilité de biens et de services importants, en particulier ceux dans la santé et les soins aux aînés, où la demande explosera en raison du vieillissement de la population.

Une immigration plus soutenue peut aussi aider le gouvernement américain à équilibrer son budget, alors que les baby-boomers prennent leur retraite et paient moins d’impôts, tout en faisant davantage appel aux programmes sociaux.

Bien entendu, le fédéral et les États peuvent en théorie augmenter les impôts pour contrebalancer le déclin de leurs revenus fiscaux. Toutefois, en pratique, il est difficile politiquement de hausser les impôts après les avoir baissés.

Enfin, le MPI souligne qu’une hausse des niveaux d’immigration peut augmenter le rythme de croissance économique, en renouvelant le bassin de la population active en déclin aux États-Unis.

Sur papier, les suggestions de ce think tank, qui reposent essentiellement sur une hausse des seuils d’immigration, semblent rationnelles.

Mais sur le plan politique, cela risque d’être une tout autre paire de manches. L’étude elle-même reconnaît du bout des lèvres qu’il y a une différence entre ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable.

Selon un sondage récent du Pew Research Center, une majorité de démocrates (plus de 80%) estime que l’immigration renforce l'économie américaine, alors qu'un peu moins de 40% de républicains le croient, et ce, dans un pays traditionnellement ouvert à l’immigration.

Par conséquent, les prochaines administrations américaines à Washington, qu’elles soient démocrates ou républicaines, devront nécessairement tenir compte d’une manière ou d’une autre de l’humeur des électeurs américains au sujet de l’immigration.

Un facteur politique qui aura une incidence sur la capacité des États-Unis à atténuer ou non l’impact des trois lames de fond qui déferleront sur l’économie américaine dans les prochaines décennies.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand