L'économie québécoise traverse des moments difficiles, mais il s'agit essentiellement d'une crise conjoncturelle. Tôt ou tard viendra la reprise.
Toutefois, il ne faut pas oublier les défis structurels que la province devra affronter dans les années à venir. En particulier, deux chocs démographiques simultanés : d'une part, le vieillissement de la population entraînant, dès 2013, une baisse de la population en âge de travailler; d'autre part, la diminution de la population active, en 2016, même en faisant l'hypothèse d'une plus grande participation au marché du travail.
Le vieillissement de la population touchera d'autant plus le Québec qu'il a connu un baby-boom plus marqué qu'ailleurs. Dans le reste du Canada, la population en âge de travailler continuera ainsi à croître, quoique lentement.
C'est toute la dynamique de la croissance économique qui sera touchée par la baisse du bassin de main-d'oeuvre. Au fil des dernières décennies, la progression du PIB réel a été étroitement liée à celle de la population active. Le potentiel de croissance de l'économie québécoise, déterminé par la progression de la population active et par les gains de productivité, sera réduit à coup sûr. Le Québec, sans être condamné à la décroissance, devra bientôt composer avec une cadence économique beaucoup moins soutenue.
Selon le scénario d'une forte accélération de la productivité, le potentiel de croissance de l'économie du Québec sera légèrement inférieur à 1,5 % d'ici une dizaine d'années, comparativement à environ 2 % actuellement. Si les gains de productivité se maintenaient au même rythme qu'au cours des 10 dernières années, le potentiel de notre économie pourrait même chuter en deçà de 1 %.
Cette baisse de régime ressemble étrangement à celle du Japon. Dans ce pays, le déclin de la population active a réduit la progression de l'économie de plus de la moitié ces quinze dernières années.
Des défis énormes
Les conséquences économiques du vieillissement démographique seront multiples. Les entreprises verront leur expansion menacée par la léthargie du marché intérieur et par la difficulté croissante de trouver assez de travailleurs qualifiés. Elles devront fournir un effort d'adaptation colossal, ce qui transformera la dynamique de l'économie.
Les finances publiques constituent cependant le principal défi. Le gouvernement risque de se retrouver pris à la gorge par la hausse des coûts de santé due au vieillissement et par la possible augmentation des dépenses en éducation consécutive au mini-baby-boom observé depuis quelques années.
Comme la province n'a pas réussi à dégager de marge de manoeuvre budgétaire lors du dernier cycle d'expansion, l'effet du choc démographique sur les finances publiques sera brutal et, surtout, lourd de conséquences pour les acquis sociaux des Québécois. Une vague de réformes encore plus douloureuses que celles de la dernière décennie sera inévitable.
Une réforme de la fiscalité visant à réduire l'impôt sur le revenu tout en augmentant les taxes à la consommation pourrait être envisagée. Un fardeau fiscal moins lourd pour les travailleurs contribuerait à freiner l'exode des cerveaux dont nous aurons encore plus besoin. Il importe aussi de redéfinir le rôle de l'État pour permettre aux Québécois de conserver certains acquis sociaux et de vivre davantage selon leurs moyens. Certaines vaches sacrées devront sans doute être sacrifiées afin de diminuer le fardeau de la dette et, surtout, de le rendre supportable pour les jeunes générations.
