Profession : créateur d'entreprises en série

Publié le 01/08/2009 à 00:00

Profession : créateur d'entreprises en série

Publié le 01/08/2009 à 00:00

Que faut-il pour devenir un entrepreneur en série ? Comment ne pas s'asseoir sur ses lauriers après sa première réussite ou se décourager après un échec ? Il faut de l'énergie à revendre, un goût certain pour le risque et la soif d'accomplir toujours davantage. Ce n'est pas la perspective d'être "né pour un petit pain" qui motive ces créateurs qui ont fait du démarrage d'entreprises un métier. L'argent ? Pas seulement. La volonté de laisser sa trace ? Sans aucun doute. Nous vous présentons quatre Québécois qui ont fondé une, puis deux, et même jusqu'à six entreprises, et dont l'expérience peut vous être utile en plus de vous inspirer.

L'idéateur hyperactif

GARNER BORNSTEIN

Âge : 48 ans

Entreprises fondées : Generation.net, Eyeball Glue, The Funniest.com, Airborne Mobile

Ce qui le motive : Concevoir le prochain outil révolutionnaire

Signe distinctif : Il se rend au travail en Segway

Garner Bornstein est devenu entrepreneur le jour où il a compris que son employeur ne lui offrirait jamais la participation qu'il souhaitait dans l'entreprise, et ce, malgré l'importante percée qu'il venait de faire en créant un logiciel de gestion de la clientèle.

Il a décidé de partir. Sa première expérience, dans laquelle il devait mettre en place le système informatique pour l'entreprise immobilière d'un membre de la famille, l'a déçue aussi, car il n'a jamais reçu les actions attendues. Puis, lorsque M. Bornstein a découvert Yahoo sur Internet, il a créé Generation.net, un des premiers fournisseurs d'accès Internet à Montréal.

C'est un vieil ami de la famille, âgé de 70 ans, qui a financé son entreprise. "J'avais passé quatre jours enfermé dans une chambre d'hôtel pour écrire mon plan d'affaires, mais il m'a dit : '' Je me fous de ton entreprise, c'est en toi que j'ai confiance''", se rappelle M. Bornstein.

Il a ainsi appris sa première leçon, que lui répétera plus tard Charles Sirois : les anges ne financent pas de plans d'affaires, ils financent des entrepreneurs.

Après quelques mois d'exploitation, les problèmes apparaissent. Generation.net s'est retrouvée étranglée financièrement; ses coûts d'équipements grimpaient avec l'arrivée de nouveaux clients. À un certain moment, M. Bornstein avait 20 employés à payer et il lui restait moins de deux semaines d'encaisse... Il a été sauvé par un dirigeant de la Banque de développement du Canada qui croyait en lui. Celui-ci lui a consenti un prêt, lui permettant d'acheter l'équipement nécessaire pour obtenir une masse critique de clients. À partir de ce moment, l'entreprise a pris son envol. En 1999, il l'a vendue à une société de l'Ontario.

Mais au lieu de faire une pause, M. Bornstein avait déjà une autre idée d'entreprise en tête. Puis une autre... "C'est le propre de l'entrepreneur en série. Ses antennes sont toujours sorties. Les idées viennent d'elles-mêmes, on ne peut pas les forcer. On ne peut pas dire : j'ai trois mois pour me trouver une autre idée. Cela ne fonctionne pas comme ça."

Ce qui l'allume, ajoute-t-il, "c'est de voir l'idée sortir de ma tête, être ensuite couchée sur papier, se transposer sur des êtres humains qui y travaillent, se rendre au consommateur et enfin se traduire par des ventes. Là tu sais que tu as bâti quelque chose de significatif." Et ensuite ? On vend ! "Je me lasse vite. Dès que j'ai bâti quelque chose qui marche, je veux passer à une autre étape plus excitante."

Toujours une idée d'entreprise en tête

Après la vente de Generation.net, les démarrages se succèdent à un rythme accéléré : M. Bornstein s'est d'abord dirigé vers la création de contenus pour le Web et a fondé sa deuxième entreprise, Eyeball Glue.

Voyant que dans ce domaine, le filon le plus porteur était l'humour, il a fondé sa troisième entreprise, le portail The Funniest.com, avec son ami Andy Nulman, du festival Juste pour rire. Mais il avait aussi constaté qu'au Japon, les contenus Web migraient vers les téléphones mobiles. Il a donc pris le virage.

"J'ai passé deux ans et demi à tenter de convaincre les financiers qu'il y avait de l'argent à faire dans la mobilité." En vain. Qu'à cela ne tienne : il a offert gratuitement son contenu aux fournisseurs de service sans fil. Il a même payé l'un deux 5 000 $ par mois pour lui fournir du contenu, tellement il y croyait. Ses efforts ont porté fruit : sa nouvelle société, Airborne Mobile, a enregistré un chiffre d'affaires de 30 millions de dollars (M$) avant d'être vendue à une société japonaise contre 90 M$.

Garner Bornstein a dû rester en poste comme pdg durant trois ans. "Ce fut un désastre, raconte-t-il. Les Japonais ne connaissaient pas le marché américain, et on ne s'entendait pas sur la direction à suivre. On devait faire des acquisitions, mais ils refusaient d'être dilués." Le calvaire vient de se transformer en Eldorado : les Japonais, en difficulté financière, ont vendu la société et M. Bornstein et ses partenaires ont pu racheter Airborne pour une bouchée de pain. "Mon avocat d'affaires me l'avait prédit !" avoue-t-il.

Son nouveau dada: la télé interactive

Airborne, prise deux, vient de conclure un financement de 2,5 M$ avec iNovia Capital et un autre entrepreneur en série, et se lance maintenant dans la télévision interactive et les contenus Web pour l'immobilier, les deux utilisant les téléphones mobiles. M. Bornstein, qui a cinq enfants, rêve de prendre un congé de quelques mois pour se bâtir une résidence dans sa ferme du Vermont (il possède aussi une résidence à Montréal) et siéger à des conseils d'administration d'entreprises en démarrage, mais cela ira à plus tard, dit-il. "Je me dis toujours que la prochaine entreprise sera ma dernière."

L'idéaliste avant-gardiste

MARTIN-LUC ARCHAMBAULT

Âge : 29 ans

Entreprises fondées : CDT, Bolidea

Ce qui le motive : Penser à de nouvellesidées et aux façons de les réaliser

Signe distinctif : On trouve des bocaux de sucettes partout dans son bureau

À 11 ans, Martin-Luc Archambault s'amusait à jouer avec un microserveur BBS (bulletin board system), technologie qui a précédé la vague Internet grand public. Ensuite, il conçoit un système de référencement sur moteur de recherche pour des annonceurs.

"Des idées, j'en ai toujours plein la tête", avoue ce maniaque de sport et d'informatique qui spéculait déjà à la Bourse avant d'avoir le nombril sec.

Les projets s'enchaînent : sa première entreprise, CDT, est un site Internet destiné aux day traders ; il en a ensuite changé la mission pour s'intéresser à la publicité sur Internet. Puis, il l'a vendu à une société de Seattle, Zango, qu'il avait lui-même sollicitée, et dont il a dirigé les activités canadiennes, ce qui lui a permis de participer à la réalisation d'une acquisition à Tel-Aviv. Mais plutôt que de rester dans l'entreprise, M. Archambault voulait investir dans de jeunes sociétés innovantes. Le goût du risque et celui de piloter des projets stimulants l'ont motivé.

Maintenant, M. Archambault est membre d'Anges Québec et un des investisseurs dans le fonds Montreal Start-Up, en plus d'avoir fondé l'incubateur privé Bolidea, avec deux copains, Magali Janvier et Olivier Cabanes. Ils soutiennent le démarrage de cinq entreprises. L'une d'entre elles, Artfox, est une plateforme de recherche d'emplois dans le milieu des arts et du divertissement. Une autre, Wajam, est un outil de recherche sociale et de partage d'information sur le Web.

À 29 ans, celui qui est aussi pilote d'avion a déjà tiré une foule de leçons d'affaires de son expérience et développé son propre style d'investissement. "Ça commence toujours par un problème à régler, dit-il. Mes partenaires sont des amis qui peuvent me dire franchement ce qui ne va pas, ou me taper dans le dos quand ça va bien. Je n'ai pas peur de révéler mes idées. Les idées, ça ne vaut rien, c'est l'exécution qui compte."

Le brasseur d'affaires

DANIEL ROBICHAUD

Âge : 32 ans

Entreprises fondées : Radioactif.com, Génération Flash, Streamtheworld.com, Québec Micro, Myvirtualpaper.com, Neotech Capital

Ce qui le motive : Voir la prochaine vague

Signe distinctif : Amateur de vin

"De 20 à 30 ans, j'ai perdu bien des blondes, relate le jeune homme aux yeux perçants. J'étais trop occupé à lancer des entreprises !"

Daniel Robichaud a vu venir la vague Internet et a eu le flair de frapper aux bonnes portes. Avec Stream The World, un logiciel qui réduit de 10 fois le nombre de serveurs requis pour faire de la diffusion en continu (streaming), il s'est rendu à une exposition en Californie. "Je parlais à peine l'anglais", se souvient-il. Il s'est écoulé 61 jours entre sa première rencontre avec un représentant du fonds de capital de risque américain Oaktree et l'arrivée du chèque - un temps record.

"Ça va vite, aux États-Unis, quand tu as une bonne technologie", dit M. Robichaud, qui conseille aux entrepreneurs à la recherche de financement de "passer le moins de temps possible au Québec et d'aller voir les Américains. Une minute chez eux en vaut dix ici !" Il pensait que Stream The World, qui compte 70 employés et des clients dans une quinzaine de pays, dont Disney et CBS, réaliserait un appel public à l'épargne prochainement. Mais c'était avant l'effondrement de Wall Street...

Deux de ses premières entreprises, Génération Flash et Québec Micro, ont été vendues : la première à un groupe de presse québécois, et la seconde à des intérêts privés.

"Je suis juste chanceux. Mon seul talent, c'est de savoir m'entourer, affirme-t-il. J'essaie aussi de voir partir la prochaine vague, deux ans avant qu'elle arrive." Voici comment il procède. Lorsqu'il a une idée d'innovation, il sonde d'abord son réseau de contacts et de clients potentiels. S'il y a intérêt, il effectue une démonstration de faisabilité ou un prototype. Ensuite, il bâtit une solide équipe. Après que l'entreprise a obtenu ses premiers clients, Daniel Robichaud se retire du poste de pdg et y place un gestionnaire. "Ce sont des talents différents, dit-il. Le défi est de recruter un bon pdg, ce qu'on ne peut faire avant d'avoir deux ou trois gros clients." En 2007, M. Robichaud a créé Néotech Capital, un holding d'investissement qui a injecté plus de 2 millions de dollars dans des entreprises québécoises jusqu'à présent. Le jeune homme entend soumissionner la gestion d'un des fonds d'amorçage du gouvernement du Québec.

L'avocat-entrepreneur

JEAN CASTONGUAY

Âge : 53 ans

Entreprises fondées : La Brasserie Massawippi, Les Imprimeries Artech, Prodrive Systems, Cognitive Sensing

Ce qui le motive : Trouver la valeur réelle d'un produit, d'une technologie

Signe distinctif : A été avocat avant de devenir entrepreneur en série

Le jour où son beau-frère lui demande de s'associer avec lui pour lancer la première microbrasserie au Québec, Jean Castonguay, qui exerce le droit depuis 25 ans, accepte. Mais l'entreprise rencontre des difficultés et doit se réorganiser. Elle devient Unibroue. Son expérience lui permettant de comprendre aussi bien la perspective de l'entrepreneur que celle de l'investisseur l'a bien aidé. Pour être entrepreneur en série, il faut "savoir où s'arrêter" et céder sa place quand il le faut. Sa deuxième acquisition fut une imprimerie américaine en difficulté. Lorsqu'elle a perdu son client principal, elle a été revendue. Un autre "succès mitigé", comme il le dit, dont il sort indemne... et avec un profit.

Avec Prodrive, sa troisième entreprise, Jean Castonguay a réussi à amasser plus de 30 millions de dollars sans le soutien des sociétés de capital de risque. L'inventeur du produit est un ami dentiste, mais c'est M. Castonguay qui, à titre de pdg, a géré le développement du produit et positionné la société de sorte que sa technologie puisse devenir la norme dans l'industrie dentaire.

"Ma règle d'or est de ne pas aller frapper à la porte d'investisseurs institutionnels avant d'avoir saisi entièrement le potentiel de marché et d'avoir bâti un plan solide pour se rendre au marché le plus vite possible. Car les investisseurs ne s'en tiennent qu'à leurs objectifs financiers. Il faut donc que l'entrepreneur soit sûr de les atteindre pour ne pas se brouiller avec eux", dit-il. L'idée est de bâtir le produit, de le valider dans l'industrie et de prospecter soi-même le marché ou trouver un partenaire pour le faire. Une fois la société bien en selle, Jean Castonguay lui trouve un gestionnaire.

"Bien des entrepreneurs préfèrent se battre seuls contre un gros concurrent, plutôt que de s'associer avec lui et de profiter de sa présence dans le marché, et ils échouent", déplore-t-il. À la première étape, il faut avoir de solides connaissances juridiques et savoir monter un bon plan d'affaires, tandis qu'à la deuxième, il faut un bon capitaine pour traverser la période difficile du démarrage.

M. Castonguay vient de lancer sa quatrième entreprise, à partir de quatre brevets détenus par le chercheur Jocelyn Faubert, de l'Université de Montréal. Cognitive Sensing offrira un appareil pour dépister la maladie d'Alzheimer et un appareil pour améliorer les processus cognitifs, destiné au marché de la neurobiologie et à celui de la performance athlétique. L'entreprise discute avec l'équipe de soccer de Manchester, en Grande-Bretagne. C'est Univalor, la société de valorisation de l'Université, qui a sollicité M. Castonguay. "Si une société a un pdg compétent, les investisseurs seront au rendez-vous", assure-t-il.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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