Même pour l'environnement, il faut sauver la raffinerie Shell

Publié le 19/06/2010 à 00:00

Même pour l'environnement, il faut sauver la raffinerie Shell

Publié le 19/06/2010 à 00:00

Ceux qui se consolent de la fermeture de la raffinerie Shell, à Montréal, en disant que cela sera bénéfique à l'environnement oublient un fait important : le déclin de l'industrie pétrochimique montréalaise pourrait nous forcer à importer des produits autrefois fabriqués ici. Cela se soldera par une empreinte environnementale totale beaucoup plus importante.

Revenons d'abord sur le déclin de cette industrie. On comptait quatre raffineries dans l'est de Montréal au début des années 1980. Si Shell ne révise pas sa décision, il n'en restera bientôt plus qu'une, celle de Suncor.

Parallèlement, une des deux grandes familles de produits pétrochimiques autrefois présentes à Montréal a disparu : celle des oléfines. Les oléfines, ou alcènes, sont omniprésentes dans nos vies. Ces molécules servent de matière première pour la fabrication du polyéthylène et du propylène, par exemple. Du plastique, en somme. Regardez autour de vous, il y en a partout, des bouteilles d'eau aux chaises de jardin. À l'époque, on en produisait beaucoup dans la région de Montréal. Mais Pétromont (polyéthylène) et Basell (polypropylène) ont tour à tour cessé leurs activités.

Les entreprises qui s'approvisionnaient localement sont maintenant obligées de faire appel à des fournisseurs étrangers. Les coûts sont plus élevés, les délais plus longs, le service plus incertain... Ils ont perdu des avantages concurrentiels importants.

Reste l'autre famille, celle des aromates. Elle est associée à Kemtec, acquise par Lavalin à la fin des années 1980. Mais la première guerre du golfe Persique, déclenchée quelques années plus tard, a compliqué l'approvisionnement à tel point que Lavalin a été forcée de la céder à la société Coastal, qui l'a à son tour vendue à Suncor.

Des aromates, on tire le polyester, dont l'usage est très répandu tant dans l'industrie textile que dans d'autres secteurs manufacturiers. Une entreprise comme Parachem compte sur la pétrolière Suncor pour s'approvisionner en molécules aromatiques. C'est aussi le cas de Cepsa (autrefois Interquisa).

Or, si Shell cesse ses activités dans l'est de Montréal, la raffinerie Suncor devra régler seule des factures autrefois divisées en deux. Il y a les frais liés au pipeline qui relie Portland à Montréal, mais aussi les coûts liés à l'usine Marsulex, toujours dans l'est de Montréal. C'est elle qui traite les gaz issus du raffinage pour en extraire le soufre, autrefois synonyme d'odeurs nauséabondes dans le voisinage, et qui sont maintenant éliminées parce qu'on se soucie davantage de l'environnement.

Shell est tenue par contrat de participer au maintien de Marsulex jusqu'en 2015. Mais après, c'est l'incertitude. Et Suncor sortira elle aussi sa calculette, soyez-en sûr.

Il serait possible de tout importer d'autres raffineries pour alimenter le marché québécois par bateau ou par train. Dans ce cas, ce ne serait plus seulement en carburant que nous deviendrions entièrement dépendants de l'extérieur, mais aussi pour toutes ces matières premières dont je viens de parler et qui soutiennent une grappe à laquelle participent directement quelque 1 500 travailleurs bien payés... pour l'instant.

Et l'empreinte environnementale ? " C'est la même chose que chez le maraîcher. Sauf exception, la consommation de fruits et de légumes locaux limite le recours au transport, donc réduit les émissions de gaz à effet de serre ", explique Pierre Frattelillo, conseiller spécial auprès du président et du conseil de l'Association industrielle de l'Est de Montréal. Autrement dit, s'il faut aller plus loin pour se procurer ces produits dérivés du pétrole, le peu qu'on gagne sur le plan environnemental par l'arrêt des activités industrielles locales est compromis par le recours accru au transport. Sans parler, bien entendu, du vide que ces disparitions successives créeraient au sein de l'économie québécoise.

C'est vrai que nous sommes accros au pétrole, et qu'un jour, nous privilégierons d'autres sources d'énergie. Mais j'ai bien peur que ce moment n'arrive plus tard que certains ne le croient et l'espèrent. Il faudra une énorme profession de foi pour mettre au ban le charbon, le gaz naturel et le pétrole, encore abondants et relativement peu coûteux. Nous pouvons nous draper de grands principes, mais ailleurs, dans le monde, on s'en soucie peu. D'ici l'arrivée du règne de l'énergie solaire, il s'écoulera encore bien des lunes. Et il n'est jamais prudent de dépendre essentiellement de la bonne volonté de ses voisins.

En clair, il faut rescaper l'industrie pétrochimique montréalaise !

De mon blogue

www.lesaffaires.com/rene-vezina

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Sans surprise, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, vient de signaler la fin de la récréation : il a fait passer le taux directeur de 0,25 à 0,50 %. Le Canada devient ainsi le premier pays du G7 à augmenter son taux d'intérêt.

Vos réactions

" Eh oui ! Tous les pays du monde tentent de dévaluer leur monnaie, et nous, pays exportateur, on fait tout pour qu'elle s'envole ! Faire monter notre monnaie au-dessus de celles de nos clients principaux est dangereux. "

- MARLON75

" La gestion des taux d'intérêt est trop sérieuse pour être confiée aux banques centrales. Bien d'autres moyens auraient pu être utilisés pour contrer l'endettement excessif des Canadiens. L'art de se tirer dans les deux pieds et les deux bras. "

- Dencour

" L'économie est pareille à Microsoft Windows : il faut une patche différente chaque jour. "

- Y. Bertrand

rene.vezina@transcontinental.ca

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