La publication des résultats annuels des entreprises s'accompagne cette année d'une recrudescence de radiations d'éléments d'actif.
En janvier, le Groupe Jean Coutu a dévalué de 357,8 millions de dollars (M$) son placement dans la chaîne américaine de pharmacies Rite Aid.
Pour sa part, la papetière Domtar vient d'inscrire une charge de 708 M$ pour dévaluer des immobilisations et des actifs incorporels, et éliminer l'écart entre la juste valeur marchande de ses actifs et leur valeur au bilan lié à sa fusion avec Weyerhauser.
D'autres forestières, Canfor Corp. et Louisiana-Pacific, se plieront sous peu au même exercice annuel, qui consiste à rapprocher la valeur marchande des éléments d'actif et celle de leur valeur au bilan, indique Benoît Laprade, analyste chez Scotia Capitaux.
D'autres entreprises les imiteront, prévoit l'équipe d'analystes quantitatifs de Valeurs mobilières Desjardins, car la récession réduit la valeur et les flux de trésorerie que les éléments d'actif génèrent.
"Selon les normes comptables, l'évaluation des éléments d'actif incorporel, tels que les marques, les licences, les contrats et la plus-value payée pour des acquisitions, est à la discrétion des dirigeants. Si leur valeur tombe sous la valeur inscrite au bilan, une radiation est nécessaire", écrit Peter Gibson, vice-président du conseil de Valeurs mobilières Desjardins.
Moment propice pour nettoyer le bilan
La récession est le moment idéal pour procéder à ce nettoyage comptable, puisque les cours déprimés des actions sous-estiment déjà la valeur marchande des entreprises, dit Jeff Evans, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins.
Les radiations ont ainsi souvent peu d'effet sur les cours déjà affaiblis des entreprises, bien qu'elles diminuent l'avoir des actionnaires.
Toutefois, dans certains cas, la chute de l'avoir des actionnaires fait en sorte que l'entreprise enfreint les conditions de son financement bancaire.
Cela dit, la radiation est une écriture comptable qui n'entraîne aucune sortie de fonds de la part de l'entreprise.
"Il peut être dans l'intérêt des dirigeants de dévaluer des éléments d'actif surévalués au bilan, parce que la radiation diminue les capitaux propres et embellira le rendement sur ceux-ci que procureront les bénéfices croissants de l'entreprise, après la récession. La rémunération des dirigeants en bénéficiera", écrit M. Gibson.
Neuf entreprises susceptibles de radier
À l'aide d'un relevé de toutes les entreprises du S&P/TSX réalisé par Valeurs mobilières Desjardins, nous avons repéré neuf entreprises canadiennes susceptibles de dévaluer des éléments d'actif.
Il s'agit de sociétés dont une grande part de l'actif total est attribuable à l'actif incorporel et à un excédent de valeur par rapport à la valeur au bilan attribuée aux éléments d'actif.
Ainsi, 93 % de l'actif total du Groupe Pages Jaunes se compose d'éléments d'actif incorporel, tels que des marques, des logos, des clauses de non-concurrence et la plus-value payée pour des acquisitions d'entreprise.
Environ 43 % de l'actif total de Telus provient d'actifs incorporels et d'écarts d'acquisition, soit la proportion la plus élevée des fournisseurs de télécommunications.
Parmi les entreprises de technologie, c'est MacDonald Dettwiler & Associates dont la proportion de l'actif provenant d'éléments incorporels est la plus élevée (68 %).
Chez Astral Media, quelque 82 % de l'actif provient d'éléments incorporels. Ce pourcentage est élevé, mais se compose surtout de licences et de droits de film. Tim Casey, analyste chez BMO Marchés des capitaux, croit quand même qu'Astral Media pourrait dévaluer du tiers - soit de 350 M$ - la valeur à son bilan de Standard Broadcasting, qu'elle a acquise en 2007.
Dans le cas de sa rivale Corus Entertainment, les éléments d'actif incorporel représentent 72 % de l'actif.
Même l'exploitant de laboratoires de tests médicaux et de cliniques d'imagerie médicale CML Healthcare n'est pas à l'abri de radiations, car ses actifs incorporels augmentent plus vite que ceux corporels.
L'actif incorporel du producteur d'acier ontarien Gerdau Ameristeel a plus que doublé depuis 30 mois, à la suite d'une série d'acquisitions, note Valeurs mobilières Desjardins.
Presque 70 % de l'actif total du fournisseur de chèques Davis + Henderson provient d'éléments incorporels, dont la valeur de ses logiciels et de ses relations avec ses clients.
Après l'achat de la Bourse de Montréal, la valeur des éléments d'actif incorporels du Groupe TMX, qui exploite la Bourse de Toronto, a plus que triplé, note également Valeurs mobilières Desjardins.
dominique.beauchamp@transcontinental.ca
