Et si un de ces scénarios inattendus se réalisait en 2009?

Publié le 20/12/2008 à 00:00

Et si un de ces scénarios inattendus se réalisait en 2009?

Publié le 20/12/2008 à 00:00

Dans l'ouvrage Le cygne noir, paru en 2007, Nassim Nicholas Taleb avance l'idée que l'évolution du monde est ponctuée d'événements rares, difficiles à prédire et dont l'impact est majeur.

Ce sont ces événements qu'il appelle des "cygnes noirs". Le terme vient de ce que l'existence de cygnes noirs était tenue pour impossible en Europe jusqu'à ce qu'on en découvre en Australie au 17e siècle. L'arrivée d'Internet, les attentats du 11 septembre 2001, la Première Guerre mondiale, le développement de l'ordinateur personnel en sont quelques exemples : personne, ou presque, ne les a vus venir.

Le journal Les Affaires s'est inspiré de ces cygnes noirs en tentant de formuler des scénarios peu probables, mais néanmoins susceptibles de se réaliser en 2009. Nous avons recueilli les prédictions les plus audacieuses d'experts réputés.

La plupart sont pessimistes, mais quelques-unes sont des rayons de soleil. Bien qu'improbables, il est utile d'envisager qu'elles se produisent, juste au cas où...

1 .Grande Dépression 2 : le Dow Jones à 4000 points

Scénario apocalyptique. Contrairement à la plupart des économistes, certains experts croient possible que le monde soit plongé dans une nouvelle Dépression qui nous ferait revivre les années noires qui ont été le prélude à la Seconde Guerre mondiale.

Malgré l'intervention des gouvernements, il serait impossible d'endiguer une crise économique de grande ampleur.

Robert Shiller, réputé professeur d'économie de l'Université Yale, a récemment fait état de cette possibilité dans un article de Fortune, en évoquant le facteur psychologique à l'oeuvre dans la crise actuelle : "Je crains que nous soyons vulnérables [à une nouvelle Dépression]. Ce qui m'inquiète, c'est que notre confiance a été ébranlée, et il est difficile de la rétablir."

Même si les données sur la confiance des consommateurs ne remontent pas aussi loin que les années 1930, on peut croire que celle-ci est à son plus bas niveau depuis cette époque, fait valoir M. Shiller. La Réserve fédérale peut bien abaisser ses taux d'intérêt et racheter les créances irrécouvrables des banques, sans le rétablissement de la confiance, il est impossible de croire à un rebond durable.

"Une des leçons de la Dépression est que les choses peuvent empirer pendant longtemps", rappelle M. Shiller.

Même si le ratio cours-bénéfice des entreprises est peu élevé actuellement - il oscille autour de 13, en fonction des bénéfices moyens des 10 dernières années -, il pourrait descendre davantage, autour de 6, si l'on se fie à ce qui s'est passé après le krach de 1929.

"Certaines personnes sont tentées d'investir parce qu'il y a une réelle possibilité que les marchés remontent, mais cela est très risqué. Ils pourraient encore tomber de moitié", dit M. Shiller. Cela amènerait par exemple l'indice Dow Jones à 4000 points.

2. L'économie en hibernation

À peine plus réjouissant que le précédent, ce scénario laisse voir un changement de paradigme dans l'économie et annonce le début d'une décennie "à la japonaise", où la croissance économique vivote autour de 0 %.

Ce scénario, plus probable que celui d'une nouvelle dépression, est jugé possible par des grands noms du placement, comme Stephen Jarislowsky, président du conseil de Jarislowsky Fraser. "Jusqu'à maintenant, les gouvernements n'ont pas compris la crise dans laquelle nous sommes engagés. S'ils n'agissent pas de manière efficace, nous nous dirigeons vers une décennie perdue."

Les baisses de taux décrétées par la Banque du Canada et la Fed ne servent à rien, affirme M. Jarislowsky, car les banques n'en refilent pas les bénéfices à leurs clients et s'efforcent plutôt de rebâtir leur capital. La seule solution est que les gouvernements injectent des sommes importantes dans l'économie.

Dans l'hypothèse où l'État tarderait trop à intervenir, une spirale déflationniste risquerait de s'ensuivre. Privé de crédit, le secteur privé cesserait d'investir, ce qui ferait augmenter le chômage et déprimerait les prix.

En réaction, les consommateurs épargneraient davantage et reporteraient leurs dépenses. Il deviendrait très difficile de se sortir de ce cercle vicieux. "Le Japon a mis 15 ans à se relever et est maintenant replongé dans la déprime par la crise économique mondiale", souligne M. Jarislowsky.

Nouriel Roubini, économiste américain qui avait prévu la crise actuelle, aperçoit aussi une très longue récession qui durera au-delà de 2009. "Le PIB américain décroîtra jusqu'à la fin de 2009. Et le redressement en 2010 et 2011, s'il y en a un, sera si faible qu'il sera ressenti comme une récession."

3. Le dollar canadien à 0,60 $ US

Après avoir atteint la parité avec le dollar américain, le huard retomberait à ses bas historiques touchés en 2001 et 2002.

Cette baisse irait de pair avec une chute brutale du prix des matières premières auquel il est très lié.

Jagdish Handa, professeur d'économie à l'Université McGill, fait valoir que si une bulle spéculative a propulsé le prix des matières premières à des sommets historiques, une autre bulle pourrait aussi se former dans l'autre sens et entraîner le huard dans une sous-évaluation importante.

Jack Crooks, auteur d'une lettre sur les devises intitulée Black Swan Currency Currents, croit que le dollar canadien pourrait retomber à 0,60 ou 0,62 $ US dans la foulée d'une baisse du commerce mondial. "L'indice Baltic Dry, qui mesure le coût du fret par bateau, est en chute libre depuis quelques mois", mentionne-t-il.

La baisse de la croissance en Chine a réduit la demande de matières premières exportées par les Russes et les Saoudiens, ce qui a eu pour effet de déprimer les économies de ces pays, explique-t-il.

Cerise sur le gâteau, l'instabilité politique liée à un gouvernement minoritaire à Ottawa pourrait augmenter la crainte des investisseurs d'acheter des dollars canadiens, dit M. Crooks.

4. Récession en Chine

La Chine a besoin d'une croissance rapide pour assurer sa stabilité politique. Une récession pourrait provoquer d'importantes émeutes dans le pays le plus peuplé de la planète.

"La Chine , qui passe d'une économie rurale à une économie industrialisée, est en pleine transformation. Une récession y aurait des conséquences sociales bien plus dramatiques qu'elle n'en a sur les pays industrialisés", dit Pascal Duquette, pdg de Natcan.

Il souligne que la Chine doit croître à un rythme élevé pour soutenir son marché du travail. Une récession fragiliserait le pouvoir des dirigeants du pays, selon M. Duquette.

Na Liu, analyste chez Scotia Capitaux, établit à 7 % le seuil de croissance minimal pour que le régime communiste de Beijing conserve son emprise sur la population. En deçà de ce taux, les dirigeants pourraient faire face à des révoltes ouvrières. Une crise politique en Chine aurait des effets imprévisibles, notamment dans les relations du pays avec Taïwan.

Une crise dans l'empire du Milieu viendrait aussi aggraver la récession dans les pays industrialisés, ajoute M. Duquette. Elle invaliderait la théorie que les économies émergentes comme la Chine et l'Inde peuvent croître indépendamment des pays occidentaux.

5. La Chine résiste, l'Occident entre en stagflation

C'est le scénario inverse à celui que nous venons d'énoncer. Pour compenser la baisse de ses exportations vers les pays développés, la Chine a déjà annoncé le lancement d'importants projets d'infrastructures.

"Le pays dispose de ressources financières considérables et pourrait doper sa contribution à l'économie pour pallier la baisse des exportations", affirme M. Liu, de Scotia Capitaux. Il croit que la Chine pourra conserver un taux de croissance autour de 7,5 ou 8 % dans la tempête économique mondiale.

Portée par sa demande intérieure, la Chine parviendrait à traverser la crise sans trop de dommages. Dans une telle perspective, le prix des matières premières pourrait être ramené à des niveaux élevés au cours de la seconde moitié de 2009, prévoit M. Liu.

Mais dans les pays occidentaux, cela viendrait créer de l'inflation dans une période de ralentissement économique, ce qu'on appelle la stagflation. "En ce moment, la croissance économique diminue, mais les prix aussi. Les prix pourraient regrimper alors que l'économie continuerait de baisser", dit M. Liu.

Donald Coxe, stratège chez BMO Groupe financier, croit lui aussi que le prix des matières premières rebondira en 2009 à cause du dynamisme de la Chine, qu'il voit s'imposer comme le leader économique mondial d'ici 20 ans.

Si le prix du pétrole pourrait tarder à regagner de l'altitude, ceux des produits liés à l'agriculture devraient vite reprendre de la vigueur, selon M. Coxe.

6. Crise majeure en Europe

L'Europe pourrait être au centre de l'actualité économique en 2009. Plusieurs économistes pensent que les banques européennes seront les prochaines à subir les effets dévastateurs du tsunami financier. "Les banques européennes sont actuellement les plus fragiles du monde", affirme Vital Proulx, gestionnaire de portefeuilles chez Hexavest.

Elles ont prêté beaucoup d'argent à des pays d'Europe de l'Est qui éprouvent de grandes difficultés à rembourser leurs emprunts. Elles ont déjà aidé les banques américaines à se dépêtrer du marasme des prêts à risque élevé, auxquels certaines d'entre elles ont aussi été exposées. De plus, les banques européennes sont exposées à une baisse du marché de l'immobilier dans des pays comme l'Espagne et l'Irlande, qui ont connu une sorte de bulle immobilière à l'américaine.

La série de quasi-faillites bancaires à laquelle nous avons assisté aux États-Unis pourrait se reproduire en Europe, selon Carlos Leitao, économiste en chef à la Banque Laurentienne.

"La Banque centrale européenne est en retard dans sa baisse de taux, ce qui accroît le risque que les banques s'effondrent", souligne-t-il.

M. Leitao ne croit pas que nous assisterons à des faillites à la Lehman Brothers, mais il pense que les gouvernements auront à intervenir pour sauver certaines institutions.

Les difficultés économiques pourraient aussi engendrer des troubles sociaux et tester la solidité des institutions fédérales européennes. "On pourrait imaginer des tensions entre les pays de l'Union européenne qui mèneraient à une crise constitutionnelle", dit-il.

7. Obama, le guerrier

Barack Obama deviendra officiellement président le 20 janvier prochain. Quel sera son impact ? Autant la présidence de George W. Bush a changé le monde à jamais, autant celle du premier président noir des États-Unis pourrait surprendre.

Dans une chronique parue récemment dans le Globe and Mail, le portefeuilliste Avner Mandelman émettait l'hypothèse qu'Obama pourrait avoir une attitude plus belliqueuse que prévu et augmenter de façon importante les troupes américaines en Afghanistan.

"Un élargissement de la guerre dans la région est une quasi-certitude, écrit M. Mandelman. La guerre stimule l'économie et fait grimper le prix du pétrole. Contrairement à ce que prévoient certains économistes pessimistes, on pourrait imaginer que l'économie se redresse à cause de la guerre et que le prix du pétrole remonte en flèche."

8. La Bourse regagne 50%

Non seulement l'évaluation des actions est à un niveau histori-quement faible, mais les sommes placées dans des titres liquides, tels les bons du Trésor, sont à un sommet historique.

En outre, les perspectives de rendement des titres obligataires semblent peu attrayantes à long terme. Pour François Rochon, président et gestionnaire de portefeuilles de Giverny Capital, tous ces facteurs militent en faveur d'une remontée de 50 % de la Bourse en 2009. "Comme peu de gens s'attendent à ce qu'un tel scénario se produise, il y a de bonnes chances qu'il ait lieu", dit M. Rochon.

À son avis, la remontée des actions pourrait être amplifiée par le fait qu'un grand nombre d'investisseurs attendent que la situation s'éclaircisse avant de réinvestir en Bourse. Le retour massif de ces investisseurs après une reprise de 20 à 30 % pourrait donc porter le rebond à 50 %.

Un scénario semblable s'est produit en 1933 : la Bourse avait rebondi de 67 %, même si l'économie était en pleine crise.

jean-francois.cloutier@transcontinental.ca

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