Des nouvelles du front

Publié le 01/12/2008 à 00:00

Des nouvelles du front

Publié le 01/12/2008 à 00:00

En avril dernier, Commerce a étudié le bilan de quatre entreprises championnes des acquisitions : Pages Jaunes, Couche-Tard, Uni-Sélect et Garda. Depuis, la crise financière a éclaté. Comment tiennent-elles le coup ?

Groupe Pages Jaunes : maximiser ses actifs

"Le financement par le marché monétaire est essentiellement fermé, même pour les grandes entreprises mondiales, résume Christian M. Paupe, vice-président exécutif et chef de la direction financière de Pages Jaunes. Au Canada, c'est vrai aussi bien pour des sociétés comme Pages Jaunes et Molson que pour les grandes banques."

En temps normal, Pages Jaunes peut se financer à court terme grâce à un programme de papiers commerciaux de plusieurs centaines de millions de dollars. Cette année, ce programme, comme tous les autres programmes similaires, a été paralysé. "Heureusement, notre système prévoit un plan de contingence. Nous pouvons retirer auprès de nos banques des montants équivalents à ce que nous obtiendrions normalement en émettant des papiers commerciaux", explique Christian M. Paupe. Ainsi, puisque le financement à court terme demeure disponible, il n'y a pas d'impact direct sur la gestion de l'entreprise. En revanche, les banques canadiennes subissent d'énormes pressions. Toutes les grandes entreprises qui ont un programme de papiers commerciaux recourent à leurs lignes de crédit en même temps.

Dans ce contexte, le danger pour les entreprises canadiennes serait que leurs dirigeants deviennent trop pessimistes. Une attitude qui reviendrait à créer notre propre récession, dit-il. "Il faut garder le cap et continuer d'investir pour couvrir adéquatement les marchés de l'entreprise. Il faut également investir dans l'offre de produits et services afin de se positionner pour une reprise éventuelle", insiste-t-il.

La situation sur les marchés du crédit n'amènera pas Groupe Pages Jaunes à changer sa stratégie d'acquisition. Mais... "Pour être franc, il faut dire que notre expansion géographique s'est faite au cours des années 2005, 2006 et 2007. À présent, nous sommes plutôt en train de maximiser les actifs que nous avons acquis", reconnaît Christian M. Paupe, qui doit se réjouir de cette situation.

La taille de Pages Jaunes et sa cote auprès d'agences comme Standard & Poors jouent en faveur de l'entreprise en cette période de turbulences. L'actif total de Pages Jaunes atteint 9,2 milliards de dollars. Il n'en reste pas moins que toute entreprise doit avoir un plan de contingence, souligne le chef de la direction financière. "Cela signifie que l'on s'assure de bien gérer l'entreprise et de bien gérer les coûts. Dans la conjoncture actuelle, il est important aussi de maintenir ses contacts avec son institution bancaire", conclut-il. La nécessité de tenir les banquiers informés de la situation, même au milieu du trimestre, a été soulignée par tous les gestionnaires consultés par Commerce.

Couche-Tard : les États-Unis dans sa mire

En juin dernier, juste avant le moment le plus fort de la crise du crédit, cette entreprise de Laval a augmenté sa facilité de crédit d'un montant de 310 millions de dollars. Un coup de maître. "À ce moment-là, nous pouvions encore négocier des conditions comparables à celles que nous avions auparavant", souligne Raymond Paré, vice-président et chef de la direction financière d'Alimentation Couche-Tard. "Si nous devions retourner sur le marché du crédit aujourd'hui, les taux seraient plus élevés. Sans compter qu'en ce moment, les banques ont tendance à limiter la position qu'elles prennent avec leurs clients", ajoute-t-il. Le réflexe de celles-ci, dans le marché actuel, est de prêter des montants moins élevés.

Grâce à sa présence marquée sur le marché américain, Couche-Tard a maintenant un chiffre d'affaires supérieur à 12 milliards de dollars américains, si l'on inclut la vente d'essence dans les stations-services. Dans ses opérations de gestion financière, l'entreprise maintient un contact régulier avec des banques du monde entier. "Pour l'instant, nous observons deux réalités : d'un côté, la réalité des banques canadiennes. De l'autre, celle des banques américaines et européennes. Les banques canadiennes ont un peu plus de disponibilités en terme de crédit", ajoute Raymond Paré.

Grâce à des facilités de crédit négociées à des moments opportuns, Couche-Tard se trouve aujourd'hui dans une bonne position, dit-il. Les derniers chiffres publiés montrent que l'entreprise a 450 millions de dollars de crédit disponibles.

Cette marge de manoeuvre financière servira-t-elle à faire de nouvelles acquisitions ? Peut-être, mais ce n'est pas certain. "Sur le plan stratégique, il est important de bien gérer ces ressources. Compte tenu de la situation qui prévaut sur les marchés financiers, nous devons gérer notre portefeuille comme M. et Mme Tout-le-monde gèrent le leur, c'est-à-dire réfléchir avant de nous engager dans une dépense importante", dit le financier. Depuis l'acquisition des 1 600 magasins de la chaîne Circle K en 2003, Couche-Tard s'est montrée patiente. Elle a fait des acquisitions de petite taille. Dans le contexte actuel, elle entend être plus patiente encore.

La croissance de Couche-Tard au cours des dernières années résulte principalement de ses activités aux États-Unis. Or, la situation de l'économie américaine appelle également à la prudence. Le problème va au-delà de la crise du crédit, précise Raymond Paré, car la consommation a diminué et les États-Unis sont entrés en récession.

Uni-Sélect : peut-être des acquisitions...

Le distributeur de pièces automobiles a lui aussi renouvelé ses facilités de crédit à un moment propice, soit quelques mois avant le resserrement. Le plan de financement a été revu en janvier 2008 afin d'axer le développement de l'entreprise sur le marché américain. "Nous avons effectué ce renouvellement juste à temps, en partie par chance, en partie parce que nous avons été prévoyants. Nous avons ainsi pu bénéficier de taux d'intérêt et de conditions d'emprunt qu'il serait impossible d'obtenir aujourd'hui", affirme Denis Mathieu, vice-président et chef de la direction financière. Les facilités de crédit d'Uni-Sélect ont été augmentées de 225 à 325 millions de dollars.

À cela s'ajoute un montant additionnel potentiel (prêt accordéon) de 150 millions de dollars.

À l'époque, les négociations ont permis de lever plusieurs restrictions associées aux prêts. Les banques imposent habituellement des ratios que l'entreprise doit respecter. Ces restrictions peuvent aussi limiter les dividendes que l'entreprise a le droit de verser aux actionnaires. "Si je me fie aux discussions informelles que j'ai eues avec les banques et avec des collègues d'autres entreprises publiques, il est clair qu'aujourd'hui, la marge de manoeuvre pour négocier est très restreinte", reconnaît Denis. Mathieu.

En janvier 2008, Uni-Sélect a aussi choisi de négocier un taux fixe pour une partie de sa dette par une opération financière grâce à laquelle le taux d'intérêt à long terme de 40 % de la dette de l'entreprise est de 3,94 %. Une situation très enviable dans le marché du crédit actuel.

La situation du crédit d'Uni-Sélect pourrait ouvrir la porte à certaines acquisitions. "Dans notre secteur, certaines entreprises ne passeront pas le test. Nous avons commencé à recevoir des appels de sociétés américaines qui cherchent un acquéreur", souligne le financier. Par ailleurs, à toute chose malheur est bon. Ainsi, en période de ralentissement économique, le secteur des pièces de remplacement pour les automobiles se porte bien. Les consommateurs ont tendance à garder leur véhicule plus longtemps et à faire les réparations nécessaires.

Garda : une situation précaire

La croissance rapide de Garda au cours des dernières années a été accompagnée d'une augmentation importante de sa dette. Et le resserrement soudain du crédit a placé l'entreprise dans une situation précaire. Sa dette à long terme s'élève à 589 millions de dollars. En octobre, l'action de l'entreprise glissait à moins de deux dollars, après un sommet annuel de 18 dollars.

"La situation de Garda évolue, dit Me Pierre-Hubert Séguin, associé principal du cabinet Séguin Racine. La conjoncture économique fait en sorte que toutes les sociétés sont confrontées à une réalité qui n'existait pas il y a seulement quelques mois. Dans le cas de Garda, c'est plus apparent." Le cabinet Séguin Racine est conseiller juridique de Garda, et Me Séguin siège au conseil d'administration de l'entreprise.

En septembre dernier, Garda a annoncé qu'elle avait renégocié avec ses banques une entente qui modifiait ses conditions d'emprunt. Elle a ainsi pu faire lever certaines restrictions qu'elle croyait ne plus être en mesure de respecter. Certaines d'entre elles avaient trait par exemple au BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements) minimal à atteindre chaque trimestre. En contrepartie de cette plus grande flexibilité, Garda a dû accepter une augmentation de ses taux d'intérêt.

"Bien que nous n'ayons pas d'entente de confidentialité comme telle, nous préférons ne pas discuter de cet accord, par respect pour nos partenaires financiers, a déclaré Nathalie De Champlain, porte-parole de Garda. L'entreprise se trouve dans une situation inconfortable, et nous ne voulons pas que ça dure. Nous travaillons à remédier rapidement à la situation", a-elle ajouté.

fabrice.tremblay@sympatico.ca

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