Kent Nagano: passion et communication

Publié le 15/01/2009 à 18:32

Kent Nagano: passion et communication

Publié le 15/01/2009 à 18:32

Par lesaffaires.com
"Diriger, c'est tirer le meilleur de chacun des musiciens de l'orchestre. C'est ce que je tente de faire."

Septembre 2008 : le quartier de Montréal-Nord vit encore sous haute tension, à la suite des violentes émeutes qui viennent de secouer le quartier. Devant la mairie, l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) et son chef donnent un concert en plein air, gratuitement.

L'idée venait du maire Gérald Tremblay. Mais Kent Nagano s'est empressé d'y souscrire. Certains souhaitaient voir plus de policiers dans le secteur ? Pour le directeur musical de l'OSM, il n'y a rien comme un peu de Beethoven, de Gershwin et de Rossini pour ramener la paix dans une ville et donner de l'espoir aux citoyens.

Le chef a gagné son pari. Plus de 10 000 citoyens ont assisté à cette soirée en toute quiétude et sont tombés sous le charme de la musique classique. "J'ai été très impressionné par l'accueil chaleureux de ce public", dit le chef. Une fois de plus, la magie Nagano avait opéré.

Tout pour entretenir la flamme

Le charisme prodigieux du chef de l'OSM déborde nettement des salles de concerts. L'homme rayonne en fait dans toute la ville. La "Naganofolie" qui a marqué ses premiers jours à la tête de l'Orchestre symphonique de Montréal, à l'automne 2006, ne semble pas près de s'éteindre.

Il faut dire que Kent Nagano fait tout pour que dure cette lune de miel avec ses musiciens et avec le public. On voit partout, dans la ville et dans les médias, sa tête de rock star et ses longs cheveux, parsemés depuis peu de mèches grises, comme pour rappeler que, malgré ses allures de jeune premier, le maestro a tout de même 57 ans.

Jamais à court d'idées, il a mené son orchestre un peu partout au Canada, y compris au Yukon et au Nunavut, ainsi qu'en Europe et au Japon.

À Montréal, il a organisé des concerts mémorables sur l'esplanade de la Place des Arts, dans un stade de football, à Radio-Canada et dans les parcs de la ville. Il a fait jouer ses musiciens dans les hôpitaux pour enfants ou dans des écoles pour élèves défavorisés. Et pour fêter à la fois les 75 ans de l'OSM et le centenaire du Canadien de Montréal, en avril prochain, Kent Nagano s'offrira le Centre Bell, rien de moins.

Entouré d'un choeur de 1 000 chanteurs, il proposera alors au public la Neuvième Symphonie de Beethoven et son célèbre Hymne à la joie, de même que la pièce symphonique de François Dompierre et Georges-Hébert Germain, Les Glorieux, retraçant l'histoire du Canadien. Le chef troquera pour un instant la queue-de-pie pour un chandail du Canadien.

"Un orchestre aux qualités exceptionnelles"

"J'ai rapidement saisi l'importance du hockey dans la culture montréalaise et canadienne quand je suis arrivé ici", dit-il, précisant tout de même au passage qu'il préfère encore, en bon Californien, s'adonner au surf plutôt qu'au patin sur glace.

Particulièrement honoré de faire partie des leaders les plus estimés des Québécois - il le dit avec une grande sincérité - Kent Nagano croit que "les bons leaders sont avant tout ceux qui ont conscience de leurs responsabilités et qui les assument", peu importe le secteur d'activité.

"L'une de mes premières responsabilités était de m'imprégner de la culture de Montréal, du Québec et du Canada, de m'intégrer, de prendre le pouls, de connaître l'âme de cette ville, de ce pays", explique-t-il. Le chef s'y est appliqué. On l'a vu tantôt à un match du Canadien au Centre Bell, tantôt à un concert de Céline Dion. Et il a beau vivre entre Montréal, Munich, San Francisco et Paris, il dit aimer l'hiver montréalais, particulièrement les tempêtes de neige !

"Être à la tête d'un grand orchestre comme l'OSM, c'est un rôle sérieux. C'est un orchestre aux capacités exceptionnelles, un orchestre riche d'une tradition, un orchestre de calibre international. Il faut le faire grandir. Il faut lui donner les meilleures conditions possibles", poursuit-il, dans un français impeccable malgré un débit lent.

"Savoir diriger, c'est réussir à exploiter au maximum le potentiel d'un orchestre et tirer le meilleur de chacun des musiciens. C'est ce que je tente de faire."

L'une de ses grandes forces ? La communication, finit-il par reconnaître, tant auprès de ses musiciens qu'auprès du public. "Cela fait partie du rôle du chef d'un grand orchestre de faire partager la passion de la musique à sa communauté. Je m'y prête avec plaisir", dit-il.

Kent Nagano comprend aussi les exigences du marketing, et la direction de l'OSM en profite à plein. Jamais un chef d'orchestre n'a bénéficié d'une telle popularité.

La "Naganofolie" devrait durer encore longtemps.


Un patron rigoureux, mais qui sait inspirer l'OSM

Kent Nagano a succédé à un chef reconnu pour son caractère autoritaire, Charles Dutoit, à qui il voue du reste le plus grand respect.

Les deux hommes possèdent des styles de leadership radicalement différents. Tout aussi exigeant que son prédécesseur, Kent Nagano est de nature plus calme, disent ses musiciens. C'est un doux.

Il ne sacrifie pas pour autant à la rigueur. "C'est le grand paradoxe. On ne peut pas avancer, en art, sans effort. On ne peut pas se fier qu'à son talent. Il faut faire comprendre aux musiciens que, pour obtenir le meilleur résultat possible, ils doivent se rallier à une vision commune. Ils doivent comprendre que l'excellence n'est possible que par la force du groupe. Il faut parvenir à se faire respecter pour faire en sorte que les musiciens adhèrent à cette vision commune", dit le chef.

De toute évidence, Kent Nagano réussit fort bien. L'OSM, qui risquait de devenir un orchestre provincial dans les mois qui ont suivi le départ de Charles Dutoit, a repris son élan et figure toujours parmi les grands orchestres du monde. Le moral des musiciens est au beau fixe, et personne ne conteste le leadership du maestro qui, selon le basson solo Stéphane Lévesque, sait imposer son autorité tout en donnant l'impression aux musiciens d'être "un des leurs".

Avoir une vision et y rallier son équipe

Kent Nagano en convient : le leadership, c'est aussi avoir une vision claire et savoir y rallier son équipe. L'une des préoccupations du directeur musical de l'OSM consiste à démocratiser la musique dite classique. L'idée qu'il faudrait avoir une certaine éducation ou appartenir à une certaine frange de la société pour comprendre cette musique le rebute au plus haut point. "C'est faux", insiste-t-il.

Dans le même esprit, il soutient que la musique classique demeure actuelle. "Même une oeuvre composée il y a 200 ans nous parle encore de façon très moderne." P.C.

CV

Nom: Kent Nagano

Âge: 57 ans

Titre: Directeur musical

Organisation: Orchestre symphonique de Montréal

Né à Berkeley, en Californie, ce petit-fils d'un immigrant japonais a grandi à Morro Bay, petit village entre Los Angeles et San Francisco. Kent Nagano a fait ses débuts comme chef associé à l'Opéra de Boston, en 1977. Il n'avait que 27 ans, en 1978, quand il a été nommé directeur musical de l'Orchestre symphonique de Berkeley, poste qu'il occupe toujours. Il a dirigé des orchestres prestigieux à Lyon, à Los Angeles et à Manchester. Il est actuellement chef de l'orchestre de l'Opéra d'État bavarois, à Munich.

Cet article a été publié dans le journal Les Affaires le 17 janvier 2009.

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