Innovation sans limite

Publié le 20/10/2012 à 12:04, mis à jour le 22/10/2012 à 12:05

Innovation sans limite

Publié le 20/10/2012 à 12:04, mis à jour le 22/10/2012 à 12:05

Par Premium

Asseyez-vous confortablement. Demeurez ouvert d’esprit. Réfléchissez aux besoins de vos clients. Donnez forme aux idées. Faites appel à votre cerveau tout entier. Voici la recette de la nouvelle approche en matière d’innovation, le business design.

Par Heather Fraser, Rotman magazine

Le business design est une approche en matière d’innovation fondée sur l’utilisation de méthodes qui permet aux équipes d’accélérer la réalisation de percées révolutionnaires et d’envisager des stratégies concurrentielles. Elle exige : (1) l’association d’un bon état d’esprit (le savoir-être) et (2) d’une méthodologie rigoureuse (le savoir-faire) qui permettent (3) de libérer la pensée (réfléchir). Ces trois facteurs doivent être pris en considération pour tirer pleinement parti du potentiel de ce nouveau type de gestion comme plateforme de la réussite d’une entreprise.###

•Le savoir-être

Un « esprit design » se caractérise par une série d’états d’esprit qui déterminent la « réceptivité face à la conception » et qui définit l’agilité émotionnelle. Ces états d’esprit peuvent être inhérents à la personne et être également influencés par l’environnement ou la culture de l’entreprise. Surtout, il revient à l’individu de cultiver la conscience de soi et de décider comment exploiter, gérer ou développer ces dimensions dans ses rapports avec les autres. Voici certains des principaux états d’esprit observés chez de grands innovateurs de toutes sortes :

1. L’ouverture d’esprit. Cet état implique que l’on soit ouvert aux nouvelles idées, aux nouvelles rencontres et aux nouvelles façons de faire. Les éléments de l’ouverture d’esprit comprennent notamment une imagination fertile, de la sensibilité, une attention aux émotions, une préférence pour la variété, de la curiosité intellectuelle et la capacité d’exclure le jugement. Les gens qui possèdent une grande ouverture d’esprit sont prêts à prendre en considération les idées novatrices et les valeurs non traditionnelles. Sans ouverture d’esprit, il est impossible de profiter pleinement du potentiel de l’approche innovatrice pour l’expansion des affaires.

2.L’empathie. L’innovation centrée sur les personnes s’appuie sur un véritable sens de l’empathie et une capacité à saisir les émotions d’autrui, leurs pensées et leurs besoins. En innovant, nous créons de la valeur pour d’autres personnes et avec elles. Qu’il s’agisse de comprendre les parties prenantes ou d’évaluer les émotions et les perspectives des membres d’une équipe, l’efficacité de l’innovation passe par la capacité d’offrir une écoute empathique et d’intégrer divers points de vue dans le processus de conception.

3.La motivation intrinsèque. Bien que les motivations extrinsèques telles que les augmentations de salaire, les promotions et la reconnaissance fassent naturellement partie de la psyché humaine, la motivation intrinsèque a été reconnue comme un important vecteur de réussite chez de nombreux dirigeants et concepteurs efficaces. Les personnes intrinsèquement motivées par une fin particulière ou par une passion, démontrent un intérêt, un enthousiasme et un engagement réels dans leur travail. Qu’il s’agisse du défi que pose un « problème complexe» ou de la poursuite d’une ambition, ces personnes s’engagent à fond dans le processus de conception. On observe souvent ce niveau d’engagement dans les organisations comme les hôpitaux et les écoles, mais également dans tous les genres d’entreprises à but lucratif qui détiennent un mandat clair de création de valeur (économique et humaine) pour les parties prenantes.

4.La conscience. Tant pour optimiser l’inspiration que l’adaptabilité, il est essentiel d’avoir conscience de ses pensées, de ses émotions et de son environnement. Dans le processus de conception, tout est pertinent et peut être une source d’inspiration. Une plus grande conscience de soi et du monde qui nous entoure servira à créer un répertoire élargi de points de référence et à stimuler la résolution de problèmes complexes. Cette conscience nous permet aussi de miser sur des hasards heureux, essentiels pour saisir de nouvelles possibilités de conception.

5.L'adaptation. L’adaptation incarne la tendance générale à la stabilité émotive, au calme, à l’humeur égale et fonctionnelle face aux hauts et aux bas. Compte tenu de la nature du processus de conception (collaboration avec des tiers, participation au mixage d’idées et sollicitation de rétroaction dans le cadre du processus de développement), ceux qui ont un profil d’adaptation élevé peuvent affronter des situations difficiles sans en être ébranlés. Cet état d’esprit se manifeste également dans la capacité à être à l’aise avec l’ambigüité, ce qui permet aux gens d’être heureux dans leur quête d’une solution à un problème complexe.

6.L’optimisme. Tout comme l’adaptation est indispensable pour faire face au présent, l’optimisme peut mener à la découverte de solutions créatrices et productives. L’optimisme alimente également la résilience et la persévérance. Le processus de conception est dynamique et marqué par de nombreux hauts et bas. Un regard optimiste sur l’avenir et une confiance dans les résultats futurs renforcent la capacité à mener à bien un projet.

La conscience des états d’esprit décrits ci-dessus et une prise de position personnelle à l’égard de ces dimensions constituent les premières étapes de réceptivité face à la conception.

•Le savoir-faire

Le business design conjugue la réflexion et l’action au moyen d’une méthodologie rigoureuse, et l’agilité tactique la sert bien. Les méthodes, les structures et les outils sont des « exercices » fondés sur des compétences qui s’acquièrent et qui aident à façonner le comportement, à changer les états d’esprit, à accroître la capacité de réflexion, et au final, à stimuler le rendement de l’équipe et celui de l’individu. Il n’existe pas de processus ou de « formule » prédéterminée pour le savoir-faire, mais plutôt un répertoire de cadres de travail et d’outils qui aident à tirer parti de la sagesse et de l’ingéniosité des équipes. Dans le secteur de la conception en général, notre répertoire collectif compte probablement des milliers d’outils et de structures. La plupart des « façons de faire » qui peuvent être utilisées tout au long du processus de conception, jusqu’à la conception de modèles et de stratégies de gestion, appartiennent à l’une des catégories suivantes :

1.La collaboration multidisciplinaire. Les concepteurs trouvent de la valeur et de l’inspiration dans diverses perspectives et compétences. Ceci leur permet non seulement de mettre à profit la sagesse de l’équipe dans toutes les fonctions et les disciplines, mais également d’accélérer les progrès en puisant dans l’intuition et l’énergie créatrice de l’équipe, ce qui donne plus de poids aux résultats. Cette collaboration exige de l’ouverture d’esprit, de l’empathie et de l’adaptation. La motivation intrinsèque et l’optimisme aideront également à surmonter les moments difficiles durant le processus de collaboration.

2.Savoir comprendre et cerner les besoins. Il s’agit ici de chercher à mieux comprendre les motivations des gens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, ce qui mène à la découverte des besoins non comblés et aux nouvelles occasions de créer plus de valeur. Il existe de nombreux exemples d’entreprises qui ont tiré profit des besoins des utilisateurs négligés par la concurrence. Par exemple, la compréhension approfondie que Nike a du besoin des coureurs de pousser leur performance athlétique personnelle à un degré supérieur a généré un flux constant d’innovations en matière de produits, de services, d’événements et de développement communautaire. Pour parvenir à ce type de compréhension, bon nombre des états d’esprit mentionnés précédemment sont requis, dont l’empathie, l’ouverture d’esprit, la conscience et la motivation intrinsèque.

3.Le prototypage itératif et l’expérimentation. Le prototypage implique de donner forme aux idées afin de concrétiser l’abstrait et le conceptuel, comme outil pour réfléchir, communiquer et encourager le développement. Même le prototypage dans le marché sert d’expérience importante pour mettre à l’essai de nouvelles idées, apportant de précieux enseignements et des gains rapides. Par exemple, la chaîne hôtelière Four Seasons Hotels & Resorts a essayé de nombreux modèles d’affaires et formes d’accueil avant de se voir reconnaître comme meilleure chaîne hôtelière du monde, et Procter & Gamble en a appris davantage sur les besoins des consommateurs en mettant à l’essai des magasins concepts éphémères. Ici aussi, tous les éléments d’un esprit design sont indispensables, plus particulièrement l’empathie, la motivation intrinsèque, l’adaptation (quand les consommateurs rejettent vos idées formidables !) et l’optimisme, surtout lorsque vous avez un concept innovateur que l’entreprise juge difficile de rendre viable.

4.La cartographie des systèmes. Dans la discipline du business design, tout fait partie d’un système constitué de parties prenantes, de solutions, de stratégies et d’activités. Plus on cartographie les liens, plus on voit que l’entreprise ressemble à une forêt tropicale, avec une myriade de liens et d’interdépendances. Pour les repérer, vous pouvez utiliser un certain nombre de méthodes de cartographie des systèmes – de la « cartographie du désordre » (le principal problème à résoudre) aux parties prenantes (celles qui comptent, et les liens qui les unissent) aux solutions (comment les divers éléments interagissent) et au système de l’entreprise lui-même (la chaîne de valeur, les stratégies et les activités). Par exemple, lorsqu’on cartographie le système de gestion d’Apple, on constate que son véritable avantage concurrentiel tient à son modèle de gestion parfaitement intégré. Tout comme pour l’élaboration de nouvelles solutions, l’ouverture d’esprit, l’adaptation et l’optimisme sont importants pour la création de nouveaux modèles.

5.Le scénario d’usage. À l’instar de la cartographie des systèmes, cette technique est très utile à n’importe quel moment durant le processus de conception. Les scénarios des clients sont une source très précieuse de « renseignements non filtrés » qui révèlent souvent des besoins non comblés. Le scénario d’usage autour de « personas » est utile pour susciter l’adhésion des consommateurs ou d’autres parties prenantes. L’empathie, la conscience, la motivation intrinsèque et l’optimisme contribueront également à rendre le scénario convaincant.

6.La co-création. Pour l’équipe de développement, la co-création est une boucle de rétroaction essentielle dans le processus de prototypage et d’expérimentation. Nous parlons ici de recevoir des données et des commentaires des autres, particulièrement des utilisateurs, mais également d'autres personnes à l’extérieur de l’équipe de développement. Le fait d’inviter des tiers à participer au processus de développement aide à créer des solutions plus solides et plus pertinentes, à renforcer vos concepts et à augmenter vos chances de réussite. Par exemple, Google Labs permet aux concepteurs de recueillir des commentaires inestimables sur les applications bêta auprès d’utilisateurs clés qui participent aux essais. L’empathie, l’adaptation et l’optimisme sont importants pour tirer parti de la puissance de la co-création dans le processus de conception.

Un excellent concepteur principal tient compte du caractère unique du problème à régler et conçoit le processus, les structures et les outils de façon à obtenir les meilleurs résultats. Autrement dit, il doit être capable d’envisager le portrait global du défi à relever et de concevoir un plan d’action clair et précis pour maintenir la productivité et les progrès de l’équipe ; il doit aussi avoir une bonne connaissance de la façon dont les cadres et les outils peuvent aider à tirer le maximum de l’équipe et à dégager des solutions durant le processus de développement. Au final, cependant, le processus vise à obtenir les meilleures idées possibles.

•La réflexion

La valeur des méthodologies du business design dépend de leur capacité à stimuler la pensée révolutionnaire d’une manière structurée et productive, ce qui favorise l’agilité intellectuelle. Grâce à l’utilisation de ces méthodologies, toutes les formes d’intelligence peuvent mieux se développer, et la pensée s’unifier davantage sur le plan individuel et générer plus de synergie dans une équipe ou une entreprise. Voici les six capacités de raisonnement qui stimulent fortement le processus de création de valeur.

1.L’intelligence émotionnelle. Reposant sur l’empathie, cette forme d’intelligence est plus qu’une simple attitude vis-à-vis des autres et une compréhension de leurs pensées et de leurs émotions. Elle implique qu’on sache comment tirer pleinement parti du pouvoir des émotions tout au long du processus de conception. C’est une capacité de réflexion axée sur l’identification, l’évaluation et la maîtrise de ses émotions, de celles d’une autre personne ou de groupes. Un concepteur d’exception applique son intelligence émotionnelle à chaque étape du développement et de l’exécution. Il applique son intelligence émotionnelle à lui-même (pour ce qui est de la prise de conscience et de la gestion de ses propres émotions), à l’équipe (dans la compréhension et la gestion de la dynamique d’équipes productives et inversement dysfonctionnelles) et au marché en général (en termes d’« intelligence sociale » – la sensibilisation à la dynamique humaine contextuelle et sa prise en considération).

2.La réflexion systémique : Plus on peut établir de correspondances, plus les synergies permettent de créer de la valeur. Par rapport à une vision « linéaire » ou « cloisonnée » plus traditionnelle, la nuance est grande. En business design, il est important de reconnaître que presque tout fait partie d’un écosystème élargi de systèmes humains, de systèmes de solutions et de systèmes de gestion. Grâce au processus de cartographie mentionné précédemment, un concepteur compétent a la capacité de raisonner de façon holistique et globale, et de comprendre comment les gens, les éléments de solution et les activités sont inter-reliés et s’influencent mutuellement dans un contexte plus vaste.

3.La visualisation. Cette forme de réflexion implique d’imaginer et de communiquer à chaque étape du processus de conception. Cela comprend la capacité de « voir » le résultat final comme un portrait concret et complet, de « voir » la solution complète exposée dans sa forme la plus cohérente, de « voir » la façon dont l’entreprise fonctionnera avec l’ensemble des partenaires et des systèmes de l’entreprise nécessaires et même de « voir » la réussite du projet sur le marché et le changement de paradigme potentiel qu’une percée peut provoquer. Les méthodologies décrites dans la section savoir-faire aident à stimuler ce type de réflexion par la création de personas, le prototypage rapide, la conception de modèles de gestion et le scénario d’usage. Toutes ces facultés donnent vie aux idées et mènent à une tendance plus naturelle à envisager de nouvelles possibilités. Ce type de réflexion centré sur l’objectif peut également aider à orienter les équipes dans la même direction (« Je sais ce que nous visons ») et à tirer les gens vers l’avant (« C’est un rêve qui mérite d’être poursuivi »). De nombreuses innovations découlent d’un changement de paradigmes. Par exemple, c’est Frankenstein qui a donné au fondateur de Medtronic, Earl Bakken, l’idée que l’électricité pouvait prolonger et améliorer la vie des hommes. Sans le bon état d’esprit, rappelons-le, les nouvelles possibilités ne deviendront jamais de nouvelles réalités.

4.Le raisonnement abductif. Pour qu’une personne puisse imaginer qu’une chose qui semble impossible devienne possible, celle-ci doit faire appel à une forme de logique appelée « raisonnement adductif ». La capacité de croire en de multiples possibilités exige de conjuguer plusieurs capacités de réflexion. Il existe plusieurs exemples de réussites spectaculaires où l’organisation ne s’est pas limitée aux séries ou aux modèles de solutions existants, mais a plutôt suivi des avenues prometteuses. Du point de vue de l’entreprise, ces solutions ont pu évoluer verticalement ou horizontalement, sortir des anciennes catégories et créer ou percer de nouveaux marchés. Par exemple, les sociétés FedEx, eBay, Google, Southwest, Tata et Grameen Bank sont toutes des exemples de la force d’idées innovatrices ayant eu un impact majeur sur la culture et la création de valeur pour l’entreprise. Non seulement ces initiatives ont exigé de l’imagination et un raisonnement abductif, mais il a aussi fallu un bon esprit design pour persévérer et pour en faire des réussites.

5.Synthèse. Tout au long du processus de conception, il est essentiel de prendre de nombreux éléments disparates et de les transformer en une nouvelle idée ou solution pour parvenir à créer de la valeur originale. Quand j’œuvrais en publicité et en conception, nous avions l’habitude d’établir une distinction entre ceux qui « transmettaient » (c’est-à-dire ceux qui se bornaient à relayer de l’information) et ceux qui transformaient l’information (et trouvaient l’idée susceptible de catalyser le processus créatif). Il s’agit là d’une notion essentielle en business design : la détermination d’un besoin non comblé (et souvent inexprimé). Cette notion est également primordiale pour trouver de nouvelles solutions qui peuvent s’inspirer d’un certain nombre d’« éléments existants » reconfigurés d’une nouvelle façon ou pour concevoir de nouveaux modèles stratégiques qui s’inspirent de divers modèles existants.

6.L’intuition. Il ne s’agit pas ici de faire simplement appel à son instinct pour orienter le développement. L’intuition est une capacité de réflexion très importante. Pour la développer, il faut savoir mobiliser et exprimer sa propre intuition, mais aussi celle des autres. En reconnaissant la valeur de l’intuition et en la « déconstruisant » efficacement pour en extraire des données précieuses, on peut tirer parti de toute la sagesse d’une équipe. Pour tirer profit de l’intuition, il est également essentiel d’exprimer certains états d’esprit, plus particulièrement l’ouverture d’esprit, l’empathie et la prise de conscience.

Au fond, la pratique du business design nécessite beaucoup plus qu’une pensée design. Différents modes de raisonnement sont activés tout au long du processus, tant sur le plan individuel que collectif. Comme nous l’avons expliqué dans cet article, le business design exige une réflexion bilatérale agile et un savoir-faire adaptatif, ce qui permet une alternance constante entre des modes de raisonnement opposés et des façons de faire variées. Pareille agilité est essentielle à l’innovation et devient encore plus puissante si nous sommes capables de reprogrammer notre cerveau de façon à en utiliser les deux hémisphères tout au long du processus.

À la une

Les profits d’Alphabet bondissent

25/04/2024 | AFP

La maison mère de Google a été portée par la publicité, le cloud et l’IA.

Microsoft fait mieux que prévu au premier trimestre

25/04/2024 | AFP

Dans les échanges électroniques postérieurs à la clôture de la Bourse, l’action Microsoft gagnait près de 5%.

Les prévisions d’Intel déçoivent

25/04/2024 | AFP

Les prévisions pour la période en cours ont hérissé le marché.