Combler le bon déficit

Publié le 20/10/2012 à 11:37, mis à jour le 22/10/2012 à 11:39

Combler le bon déficit

Publié le 20/10/2012 à 11:37, mis à jour le 22/10/2012 à 11:39

Par Premium

Il est temps de remettre en question la notion de déficit de compétences et de se demander plutôt si celle de déficit de formation ne serait pas plus appropriée.

Alors que, selon l’Organisation internationale du travail, le chômage touche aujourd’hui 202 millions d’individus dans le monde, la moitié des chefs d’entreprise disent connaître des difficultés de recrutement. Un préjudice mensuel qu’on évalue en milliers de dollars par poste inoccupé. Peut-on réduire l’écart entre les exigences des employeurs et les compétences avérées des candidats ? La relation employé-employeur peut-elle être repensée afin de faciliter le recrutement ? Voici quelques-unes des questions auxquelles Peter Cappelli s’est intéressé dans l’ouvrage Why Good People Can’t Get Jobs: The Skills Gap and What Companies Can Do About it (Wharton Digital Press, mai 2012)###

Alors que les emplois qui n’exigent que peu de qualification se raréfient, l’offre d’emplois hautement qualifiés augmente, et ce, sans que le niveau de formation des actifs ne suive le rythme. Résultat : les entreprises font face à des difficultés croissantes de recrutement. Peter Cappellli évalue la perte pour l’employeur à 10 000 dollars par mois pour le poste vacant d’un cadre dirigeant. Cet écart peut-il être comblé ?

1- QUANTIFIER LES BESOINS EN COMPÉTENCES

Tout d’abord, évaluez les besoins en talents. Comment ? En alignant les métriques RH essentielles sur la stratégie de l’entreprise et sur son contexte spécifique.

• Déterminez quels sont les postes « critiques », actuels et futurs : combien de leaders, quels taux de recrutement, de promotion et d’attrition, et quels facteurs risquent de les impacter à l’avenir ? Quels seront vos besoins pour chaque service, division opérationnelle ou zone géographique d’ici un à cinq ans ?

• Diffusez ces informations au sein de l’organisation : collecter et communiquer ces données permet d’orienter les politiques RH et de donner une approche proactive à la gestion des talents dans l’organisation.

• Encouragez les gestionnaires à prendre des initiatives en matière de formation et de mentoring : ceux qui sont conscients des enjeux et des lacunes sont plus susceptibles de préparer les meilleurs talents à l’interne pour les postes difficiles à pourvoir.

2- S’INTÉRESSER AUX RÉSERVOIRS INEXPLOITÉS

« Les entreprises peinent à trouver des profils qualifiés, alors que des bassins de talents de plus en plus importants restent inexploités », remarquent des analystes du McKinsey Global Institute dans un rapport de mars 2012.

Solliciter les compétences des séniors

Les séniors représentent un contingent riche en compétences et une part croissante des actifs… dont la valeur est pourtant peu reconnue par les employeurs. La plupart des recruteurs du secteur informatique aux États-Unis déclarent qu’ils n’embaucheraient pas un candidat de plus de 40 ans. Rien d’étonnant donc à ce que les plus de 55 ans aient été durement touchés par les récentes compressions : le taux de chômage dans cette tranche d’âge a doublé aux États-Unis depuis le début de la crise pour atteindre aujourd’hui 7,3 %, son niveau le plus élevé depuis 1948. En Allemagne, un rapport commandé par l’Agence fédérale pour l’emploi en 2010 a montré que le pays pourrait combler 25 % de son déficit prévisionnel de compétences si le taux de participation des séniors égalait celui de la Suède (près de 80 %). Enjeu : un changement de mentalités pour en finir notamment avec la réticence qu’éprouvent les jeunes gestionnaires à superviser des collaborateurs plus aguerris (et vice versa).

S’investir dans la formation des plus jeunes

Le taux de chômage des jeunes actifs dans les économies développées a atteint un seuil critique : 18 % en 2010. Dans beaucoup de pays européens, le taux actuel est encore plus élevé : 49 % en Espagne, 29 % en Irlande et 23 % en Suède. L’arrivée sur le marché du travail de jeunes talents pose des défis colossaux – d’importants investissements sont nécessaires pour amener ces nouveaux actifs à des niveaux de compétences satisfaisants – mais représente aussi un énorme potentiel d’innovation et de progrès. Pour mieux exploiter ce potentiel, les entreprises peuvent collaborer avec les institutions d’enseignement afin d’aligner les formations sur leurs besoins en compétences. C’est exactement ce que font en Inde des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) comme Infosys et HCL Technologies, qui nouent des partenariats avec un grand nombre d’écoles d’ingénieurs dans le but d’améliorer l’employabilité des jeunes diplômés.

3- RÉMUNÉRATION, FORMATION ET PROMOTION INTERNES

Pour parvenir à une meilleure adéquation entre les compétences disponibles et leurs besoins, les entreprises disposent de plusieurs leviers : augmenter la rémunération des postes qualifiés ; investir dans la formation ; mieux utiliser les talents existants à l’interne.

Proposer des rémunérations attrayantes

En cas de pénurie de talents, il faut savoir augmenter la rémunération à bon escient, selon Peter Cappelli. En 2010, pour contrer les départs massifs de ses collaborateurs chez Facebook, Google a ainsi décidé d’offrir à ses 23 000 employés une augmentation salariale de 10 %. Aujourd’hui, Google est l’entreprise qui rémunère le mieux ses ingénieurs avec des salaires moyens supérieurs de 20 à 25 % à ceux des autres entreprises leaders de l’industrie des TI.

Investir dans la formation

Il est également possible de recruter des candidats qui seront formés à l’interne afin de devenir opérationnels rapidement. European Roofing Systems (ERS), une entreprise de couverture établie en Angleterre, attribue sa croissance rapide en 2011 à sa politique de formation. « Les clients nous sollicitent quand les travaux à réaliser sont compliqués, c’est pourquoi certains de nos employés suivent des formations en permanence et obtiennent des diplômes », explique le directeur David Murphy. ERS a terminé en août 2011 un chantier de 3 millions de livres pour la York University et remporté le mois suivant plusieurs contrats pour un montant total de 2 millions de livres. Une réussite que l’entreprise doit à l’expertise de ses collaborateurs, et un excellent rendement de l’investissement réalisé dans la formation.

Promouvoir les talents internes

Vu la situation du marché du travail, les entreprises ont de bonnes raisons de miser sur la mobilité interne. La tendance est pourtant inverse : alors qu’il y a 25 ans les organisations pourvoyaient 90 % des postes vacants par des promotions et des transferts à l’interne, ce pourcentage est tombé aujourd’hui à 30 %. Explication : la fausse croyance selon laquelle l’entreprise a besoin de sang neuf ou que les collaborateurs ne possèdent pas les compétences requises. En réalité, des formations adaptées et un effort de la part des gestionnaires pour engager davantage leurs troupes permettent d’aligner leurs capacités sur les exigences de l’entreprise. Placer les bonnes personnes aux bons postes, leur faire confiance, les responsabiliser, présenter des objectifs de carrière clairs et les aider à développer leurs compétences constituent d’excellents leviers pour remobiliser les talents internes.

Comme le souligne Peter Cappelli, le fait de confier à ses équipes des projets qui permettent d’acquérir ou d’approfondir des compétences et de faire progresser leur carrière « ne coûte pas un centime à une entreprise ». Sur un marché du travail tendu, les talents internes sont des ressources particulièrement précieuses, la plus grande erreur serait de les gaspiller !

Réduire l’écart entre formation et performance

Partout dans le monde, les entreprises consacrent chaque année un total de 100 milliards de dollars à la formation de leurs collaborateurs. Et pourtant, l’écart entre l’offre et la demande de compétences continue à se creuser ! Rien d’étonnant : selon la firme McKinsey, à peine un individu sur quatre perçoit le lien entre la formation et l’amélioration de sa performance dans l’entreprise.

D’après Getting More From Your Training Programs, d’Aaron DeSemet, Monica McGurk et Elizabeth Schwartz (McKinsey Quarterly, octobre 2010) ; « Gamification: Three Ways To Use Gaming For Recruiting, Training, and Health & Wellness », de Jeanne Meister (Forbes, mai 2012) ; « Training Secrets From Inside the Googleplex », d’E.B. Boyd (Fast Company.com, juin 2011) et « Learning on Speed », de Joshua Gans (Harvard Business Review, janvier 2012).

PREMIÈRE PHASE : MOTIVEZ

Le manque de motivation de l’employé face à la formation représente souvent le premier frein à la réussite des programmes de développement des compétences. Avant le début du cours, expliquez-en l’utilité pour motiver l’employé et pour vous assurer de sa réceptivité.

Évaluez les performances

Trop d’entreprises font l’erreur de brûler cette étape et considèrent que chaque employé comprend et accepte instinctivement le besoin de développer ses compétences. Aidez vos équipes à reconnaître les évolutions nécessaires et la valeur des formations.

• Cernez les domaines plus faibles : amorcez la formation par une évaluation des niveaux de performance actuels et déterminez les compétences à acquérir ou à approfondir. Un collaborateur qui n’a pas conscience de ses lacunes ne peut se motiver pour apprendre.

• Faites participer vos équipes : quand les collaborateurs participent activement aux côtés des gestionnaires aux processus d’évaluation au lieu de les subir, leur engagement est bien meilleur, et les évaluations plus proches de la réalité.

Sensibilisez vos équipes au besoin de croître

• L’évolution de l’environnement économique de l’entreprise a-t-elle créé des demandes nouvelles, ou renforcé la valeur stratégique de certaines compétences ?

• Quelle est leur importance pour l’organisation ? Explicitez l’impact de ces domaines de compétence sur la performance globale de l’entreprise.

• Et à l’échelle individuelle ? Faites le lien entre ces compétences cibles et les perspectives d’évolution et de gestion de carrière des membres de vos équipes.

Combattez les croyances bloquantes

Sondez l’état d’esprit de vos collaborateurs pour détecter de possibles croyances « bloquantes ». Aaron DeSemet, Monica McGurk et Elizabeth Schwartz (McKinsey) citent le cas d’une entreprise qui a choisi d’associer entretiens individuels, groupes de discussion et enquêtes pour repérer les croyances responsables de deux années d’échec d’amélioration de la qualité d’un service client. Ce dialogue ouvert a permis de mettre en lumière les mauvaises habitudes des commerciaux (par exemple, leur manque d’engagement sur le terrain découlant de la conviction que les clients achetaient désormais tout en ligne) et de relancer les dispositifs de formation, avec cette fois des résultats tangibles : une progression de 20 % du revenu net.

DEUXIÈME PHASE : ENGAGEZ

« Il faut communiquer avec les individus d’une manière qui a du sens pour eux », explique Dennis Woodside, ancien président de Google Amériques (et actuel PDG de Motorola Mobility, récemment rachetée par Google), pour expliquer l’approche du géant d’Internet en matière de formation.

Stimulez l’envie d’apprendre par le jeu

Faites appel à des techniques de jeu pour concevoir des programmes d’apprentissage et de développement des talents plus engageants.

Bénéfices immédiats : un système permanent de récompenses favorise un sentiment d’accomplissement.

• Développement de la marque : les collaborateurs peuvent afficher et partager leurs trophées virtuels sur les sites et réseaux sociaux comme Twitter et LinkedIn.

Concurrence : le jeu permet de laisser libre cours à l’esprit de compétition de manière constructive et canalise cette énergie dans un contexte d’apprentissage.

Mise en pratique : par les jeux et leurs mises en situation dans un cadre virtuel, les participants développent des compétences pratiques qui s’acquièrent par l’expérience et par l’expertise.

Mettez la technologie au service de formations sur mesure

Pour permettre aux membres de vos équipes de rester à jour dans des environnements complexes et changeants, pensez aux formations en ligne qui permettent des rythmes d’apprentissage flexibles.

• Fréquence : chez Google, deux fois par mois, un formateur pose des questions à un chef de produit par téléconférence. Leur échange est accessible à tous les employés des ventes de la société. « Parfois des diapositives ou une vidéo en ligne l’illustrent, et les commerciaux peuvent poser des questions par messagerie instantanée. »

Flexibilité : tous les trois mois, Google propose une formation plus approfondie et centrée sur un point stratégique. Ces programmes durent environ six heures au total et sont présentés en capsules de sept minutes au maximum que chacun peut télécharger et visionner au moment et là où il le souhaite.

• Personnalisation : les outils en ligne permettent de se libérer des formations collectives linéaires et de passer à des programmes personnalisables et plus souples. L’apprenant progresse à son propre rythme et peut, dans le cas d’une vidéo par exemple, étudier, séquencer et revoir le contenu à sa guise.

TROISIÈME PHASE : ACCOMPAGNEZ

Appliquer dans son travail quotidien les compétences fraîchement acquises dans le cadre d’une formation n’a rien de facile. Les vieilles habitudes ont la vie dure ; encourager et renforcer les nouveaux comportements après l’apprentissage est donc essentiel.

Assurez un vrai suivi après la formation

Sans un soutien post-formation actif, il est difficile de concrétiser le changement :

• Les contraintes de temps et les responsabilités laissent généralement peu de temps pour réfléchir au moyen de modifier son organisation afin d’y intégrer les connaissances assimilées.

• De petites réticences au changement font parfois obstacle : la peur que les nouvelles techniques ne soient plus compliquées ou que la direction ne soit pas favorable à une évolution des méthodes de travail.

Pour éviter de retomber dans de vieilles habitudes, faites le point régulièrement pour vous assurer que ce qui a été appris est mis en pratique. Si ce n’est pas le cas, cherchez à comprendre pourquoi et aidez vos équipes à s’ouvrir au changement.

Sollicitez le soutien des gestionnaires de proximité

Les collaborateurs risquent de renoncer à utiliser leurs nouvelles compétences si elles ne sont pas reconnues et valorisées par leurs gestionnaires directs. Assurez-vous que l’encadrement soutient et stimule la mise en pratique des acquis.

• Branchez directement les employés sur les nouvelles méthodes, en les faisant participer à la conception et à l’exécution des programmes de formation ou en leur faisant suivre eux-mêmes ces programmes.

• Les leaders se doivent de donner l’exemple ; leurs propres comportements doivent refléter ces nouvelles compétences, sinon ils renvoient un message d’indifférence, voire d’hostilité au changement.

• Pour soutenir ces nouvelles approches, les gestionnaires devront peut-être revoir la façon dont ils dirigent les réunions, prennent des décisions, font des évaluations et encadrent leur équipe.

À la une

Bourse: Wall Street a repris des couleurs

Mis à jour à 18:11 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de New York espère une baisse des taux de la Fed cette année.

À surveiller: Apple, Groupe CGI et Air Canada

10:05 | Jean Gagnon

Que faire avec les titres d'Apple, CGI et Air Canada? Voici quelques recommandations d'analystes.

Bourse: les gagnants et les perdants du 6 mai

Mis à jour à 18:12 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.