Comment maîtriser l'art subtil de sabrer dans les dépenses de votre entreprise

Publié le 16/05/2009 à 00:00, mis à jour le 07/10/2013 à 13:32

Comment maîtriser l'art subtil de sabrer dans les dépenses de votre entreprise

Publié le 16/05/2009 à 00:00, mis à jour le 07/10/2013 à 13:32

Les pièges à éviter sont cependant nombreux pour optimiser l'effet des compressions, ne pas handicaper sa croissance et préserver la mobilisation de ses employés.

Du moment, de l'ampleur et de la pertinence de vos choix pourrait dépendre le succès de votre entreprise.

Voici cinq conseils de spécialistes en restructuration pour éviter la faillite, et de devoir alors faire face à un échéancier bien plus contraignant, celui qu'imposent les tribunaux.

1 Agir plus tôt que tard

Plus vos problèmes sont décelés rapidement, plus il est facile de les résoudre et moins les remèdes appliqués auront de douloureux effets secondaires.

" Les problèmes de liquidités, c'est rare que ça arrive tout d'un coup. Malheureusement, il y a cette tendance humaine à se dire que tout va finir par s'arranger tant qu'on n'est pas acculé au pied du mur ", dit Jean Fontaine, avocat membre du groupe de litige, insolvabilité et restructuration chez Stikeman Elliott.

Selon ce spécialiste, bien des dirigeants souffrent d'une vision trop axée sur le court terme. " Idéalement, il faudrait une vision d'avenir de 12 à 18 mois. Quand les problèmes deviennent apparents, il est souvent trop tard pour les résoudre ", souligne-t-il. M. Fontaine compare la situation à celle d'un cancer qui se répand peu à peu dans tout l'organisme. Jean Gagnon, syndic associé chez Raymond Chabot Grant Thornton, souligne pour sa part que l'effet des compressions se fait souvent sentir plusieurs mois après leur annonce, du fait des préavis de fin d'emploi que l'entreprise doit donner.

2 Des compressions électives

Évitez de sabrer aveuglément dans tous les secteurs de l'entreprise. " Quand ils annoncent des compressions budgétaires, plusieurs dirigeants font l'erreur, dans la panique, de sabrer un peu partout ", déplore Jean Gagnon.

Les équipes de vente et de direction devraient ainsi demeurer en place, selon lui, car elles représentent les fonctions vitales d'une entreprise. Pour assurer l'avenir, la recherche et développement devrait aussi être conservée, même si elle peut être réduite sans trop d'effet à court terme.

Des employés clés d'autres secteurs pourraient aussi recevoir un traitement particulier, mais M. Gagnon insiste sur l'importance de maintenir un sentiment d'équité : " Si certains employés sentent qu'ils font les frais de la récession, vous risquez d'avoir des problèmes. "

Ne faites pas non plus l'erreur d'épargner de mauvais employés en ciblant mal les réductions d'effectif. Cette situation est répandue dans les entreprises familiales, dit M. Gagnon, où certains dirigeants préférent garder des cadres incompétents auquels ils sont liés.

3 Des solutions de rechange aux suppressions de postes

Plutôt que de vous séparer d'employés compétents et utiles au succès à long terme de votre entreprise, envisagez des mesures temporaires pour réduire votre masse salariale.

Cela peut notamment prendre la forme de congés sans solde, du passage à une semaine de travail de quatre jours ou encore, de réductions de salaire temporaires, mentionne M. Gagnon.

La fidélité des employés est plus grande que ce que les entreprises croient, selon le spécialiste, pour autant que l'ambiance de travail soit bonne et que l'employé ait fait son nid dans l'entreprise.

" Si la baisse de salaire est temporaire, bien des employés vont l'accepter pour conserver leur poste, surtout dans le contexte actuel du marché de l'emploi. "

D'autres réductions de dépenses pourraient aussi apporter un effet plus important que prévu et vous éviter de vous départir de vos collaborateurs. M. Gagnon men tionne les dépenses personnelles d'employés couvertes par l'entreprise, telles que les frais de voyage, de téléphone cellulaire ou encore d'assurance.

" Au lieu de payer la location d'une voiture à un vendeur, vous pourriez l'indemniser pour l'utilisation de son propre véhicule ", suggère M. Gagnon. L'avantage supplémentaire de ces mesures est que leur effet est immédiat, souligne-t-il.

4 Sachez quels sont vos coûts

Pour prendre les bonnes décisions, il est crucial de connaître avec précision tous vos coûts, dit Jérôme Thirion, associé délégué, service conseil gestion de risques et amélioration des opérations, de KPMG.

" Plusieurs entreprises connaissent le coût final d'un produit ou d'un service, mais sont incapables de déterminer avec exactitude le coût de chaque étape de leur transformation ", dit-il.

Procéder à l'étude détaillée de vos coûts pourrait vous amener, selon votre secteur, à changer de réseau de distribution, à mieux gérer vos pertes de produits, à abandonner certains contrats, à réduire vos niveaux de stocks ou encore à abandonner un service ou un produit non rentable. Plus vous connaîtrez vos coûts précisément, plus vous serez en mesure d'appliquer un remède efficace qui ne nuira pas aux éléments sains de votre entreprise.

" Une simple réduction du budget global de 2 ou 3 % risque d'avoir un impact défavorable sur le service client, ce qui pourrait en retour faire baisser les revenus ", explique ce spécialiste, qui juge important d'avoir une vue d'ensemble de l'entreprise afin d'appliquer les remèdes qui s'attaqueront à la racine des problèmes. Jean Gagnon, de Raymond Chabot Grant Thornton, met aussi les dirigeants en garde contre le danger de recourir à de nouveaux emprunts. " À court terme, du financement vous permettra de respirer, mais ça hypothèque aussi votre avenir en alourdissant vos frais fixes. "

5 Soignez l'exécution du plan d'action

" Souvent, la direction a d'excellentes idées pour réduire les coûts, mais c'est dans l'exécution que ça se complique ", dit M. Thirion.

Et le meilleur plan d'action est sans valeur s'il est mal expliqué aux employés, ajoute-t-il. Surtout dans le contexte où les choses évoluent très vite, il est crucial qu'une direction rende bien compte de la situation et de ses objectifs de façon continue, selon le spécialiste.

" Si vous n'entendez pas réduire le nombre de postes, dites-le clairement. "

M. Thirion insiste sur l'importance de mobiliser les employés, un travail sousestimé par bien des gestionnaires et qui fait pourtant une énorme différence : " Cela peut paraître paradoxal, mais des compressions devraient avoir l'effet de resserrer les liens dans l'entreprise, plutôt que le contraire. "

Sauf si on y est forcé, il est aussi déconseillé de vouloir modifier les choses trop en profondeur dans une courte période de temps.

" Évitez de voir trop grand ", recommande M. Thirion. Des réductions brutales amènent les équipes à s'essouffler et vos mesures pourraient avoir l'effet contraire de celui désiré.

jean-francois.cloutier@transcontinental.ca

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