" La créativité et l'acharnement soutiennent la croissance économique "

Publié le 04/07/2009 à 00:00

" La créativité et l'acharnement soutiennent la croissance économique "

Publié le 04/07/2009 à 00:00

Paul Krugman, professeur à l'Université de Princeton et récipiendaire du prix Nobel d'économie en 2008, affirme que son véritable talent est sa capacité à créer des modèles simples pour expliquer des phénomènes économiques complexes. Cela est au coeur de son travail universitaire. Mais M. Krugman montre aussi le même talent à décortiquer les questions les plus complexes dans le blogue et dans la chronique qu'il tient au New York Times.

Harvard Business Review - Qu'est-ce qui vous a étonné lorsque la crise s'est confirmée ?

Paul Krugman - J'ai été choqué par la force de son mécanisme d'expansion à l'échelle internationale. Je crois que nul n'aurait pu prévoir un ralentissement mondial aussi bien coordonné que celui-ci. Chaque pays a été soufflé. Je croyais jusqu'ici que la possibilité d'une contagion financière - par exemple, que le Brésil contracte une infection financière de la Russie après la faillite d'un fonds spéculatif ayant investi dans les deux pays - était exagérée.

Mais c'est cette contagion rapide qui s'est avérée être au coeur du problème. Je n'y ai pas accordé autant d'importance que j'aurais dû. L'absence de gouvernement unifié en Europe s'est aussi avéré un véritable problème. Les dirigeants européens ne savaient pas comment coordonner leurs interventions. Les bulles ont continué d'éclater là où nous ne portions pas attention : en Espagne, en Irlande et en Europe de l'Est.

L'économie mondiale a été soufflée par un autre puissant courant descendant que nous n'avions pas prévu. Plusieurs observateurs croyaient que les États-Unis regorgeaient de trop d'énergie entrepreneuriale et innovatrice pour s'enfoncer dans une longue période de stagnation.

L'innovation, l'acharnement et la créativité soutiennent la croissance économique à long terme, mais cela ne vous préserve pas des mauvais cycles économiques. En fait, cela risque de vous y exposer davantage. Dans les années 1920, les États-Unis étaient le pays le plus innovateur et le plus productif de la planète. Ils ont quand même été victimes d'une vilaine dépression.

HBR - Est-ce que cette crise suffit à redonner ses lettres de noblesse au socialisme ?

P. K. - Non. C'est à un capitalisme réglementé qu'il redonne ses lettres de noblesse. Il y a peu de temps, de nombreuses personnalités influentes croyaient que la réglementation financière et les filets de sûreté hérités de l'époque du New Deal étaient superflus et faussaient le jeu. Et maintenant, quand on jette un oeil sur cette période plus réglementée, on se dit : " Bon sang, après les années 1930, nous n'avons pas vraiment eu de crises financières majeures pendant 50 ans. "

HBR - Y a-t-il des causes moins évidentes à cette crise ?

P. K. - On pourrait sûrement arguer que l'économiste de Harvard Michael Jensen y est pour quelque chose, avec ses articles affirmant que les intérêts des dirigeants ne sont pas naturellement alignés sur ceux des actionnaires.

L'idée voulant que la seule façon de récompenser les dirigeants consiste à leur réserver une partie des bénéfices d'une entreprise a une grande influence sur les événements et a sans doute causé pas mal de dégâts. À Wall Street, ce système a fait en sorte qu'on a accordé des primes démesurées à des dirigeants ayant généré des bénéfices pendant un an ou deux, mais qu'ils n'ont essuyé aucun revers quand la situation s'est avérée désastreuse.

Et, en passant, les économistes doivent eux aussi porter le blâme. La théorie de l'efficience du marché - qui nous a poussés à déréglementer presque complètement les marchés financiers - a été mise de l'avant par des économistes.

HBR - Est-ce que les gestionnaires de grande entreprise doivent changer de comportement ?

P. K. - Je dois admettre que je n'y réfléchis pas vraiment. L'économiste a un défaut : il a comme hypothèse de travail que le secteur privé sait généralement ce qu'il fait. Les sociétés non financières ne semblent pas tenir le mauvais rôle dans toute cette histoire. Il y a eu des gains de productivité très importants au cours des 10 dernières années, ce qui indique que les sociétés non financières font un bon travail.

Cela dit, je présume que certains aspects de la rémunération des cadres, qui ont grandement contribué à l'effondrement du secteur financier, faussent dans une moindre mesure les décisions prises dans les entreprises des autres secteurs.

Mais une chose est sûre : la rémunération des dirigeants semble excessive dans bien des cas.

( CV )

Nom: Paul Krugman

Âge: 56 ans

Fonction: Professeur d'économie

Organisation: Université de Princeton

Spécialiste des échanges commerciaux, M. Krugman est un des éditorialistes les plus lus aux États-Unis. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages, il a reçu le prix Nobel d'économie en 2008.

( EN SAVOIR PLUS )

Économiste influent, Paul Krugman a écrit plusieurs livres de vulgarisation au cours des 15 dernières années. Parmi eux, The Return of Depression Economics and The Crisis of 2008, The Conscience of a Liberal et The Accidental Theorist. Tous ces livres sont parus chez l'éditeur W. W. Norton. M. Krugman tient aussi une chronique hebdomadaire dans le New York Times.

La période estivale est le moment idéal pour considérer de nouvelles idées en matière de gestion. Pour ouvrir des pistes de réflexion, voici une série d'entrevues avec des personnalités internationales du monde des affaires, réalisées par l'équipe de la Harvard Business Review.

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Sarah Cliffe, rédactrice en chef à la Harvard Business Review

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