Le financement participatif passe aux actions


Édition du 26 Avril 2014

Le financement participatif passe aux actions


Édition du 26 Avril 2014

Par Diane Bérard

Le défi d'implantation : un choc de cultures

Le financement participatif défie toutes les règles de l'écosystème traditionnel des valeurs mobilières. Des investisseurs riches et qualifiés à la recherche de rendement sont conseillés par des courtiers inscrits auprès des autorités réglementaires. Les émetteurs de titres déposent régulièrement des bilans financiers audités. Les procédures sont lourdes, tout est encadré. Bien sûr, cela n'exclut pas les risques de fraudes. On l'a constaté à maintes reprises. Mais c'est dans ces paramètres que les acteurs traditionnels se sentent à l'aise.

Les acteurs du financement participatif par achat d'actions, eux, voient la vie autrement. «On ne peut pas traiter le financement participatif comme un investissement à la Bourse, illustre Diana Yazidjian, fondatrice de DFY Consulting et cofondatrice d'Invest in Crowdfunding Quebec. Il s'agit d'un rapport émotif entre un investisseur et un projet.» Il est souvent question de projets locaux. «Les gens constatent le succès de Facebook et de Twitter, dit Raphael Bouskila. Ils ont entendu parler d'un jeune développeur local talentueux et ils veulent l'encourager. Les investisseurs de ce type sont plus nombreux qu'on pense, mais il leur manque une structure pour passer à l'action.»

L'investisseur type du financement participatif, c'est aussi celui qui apprend que des panneaux solaires seront installés sur le toit de l'école de son quartier et qui désire y investir. D'ailleurs, David Blass, de la SEC, confirme que plusieurs banques régionales américaines ont manifesté un intérêt pour le financement participatif par équité. Elles y voient un marché, tant du côté de l'offre que de celui de la demande.

Un mouvement né de l'insistance des entrepreneurs

Cette demande, c'est d'abord le lobby des entrepreneurs. Les autorités de réglementation canadiennes et la SEC s'apprêtent à légaliser le financement participatif par achat d'actions parce que la communauté entrepreneuriale a beaucoup, beaucoup, insisté. Les défenseurs du financement participatif par achat d'actions affirment que la force du nombre protégera les petits investisseurs. Tout comme elle veille sur les consommateurs. Elle préviendra les abus. Les projets qui réclament du financement participatif par prise de participation au capital sont affichés sur des sites visibles de tous. Si l'information fait défaut ou qu'elle semble louche, la foule réagira, affirme le lobby. Les autorités en ont pris bonne note. Toutefois, le financement participatif sera tout de même encadré.

Jusqu'où réglementer?

En décembre 2012, l'AMF a lancé une ébauche de régime pour le financement participatif par actions. Elle suggère d'alléger un mécanisme déjà légal : la notice d'offre. Au Québec et dans certaines autres provinces canadiennes, une entreprise peut émettre des titres sans déposer de prospectus. Elle dépose plutôt une notice d'offre. Il s'agit d'une sorte de prospectus simplifié qui exige tout de même la publication d'états financiers respectant les normes comptables IFRS. L'AMF propose de permettre le financement participatif par achat d'actions aux sociétés en levant notamment l'obligation de déposer des états financiers audités si le montant total du financement recherché ne dépasse pas 500 000 $. L'expérience n'a pas été concluante. «Les entrepreneurs ne se sont pas précipités pour profiter de cette exemption», révèle Patrick Théorêt. Il faut un règlement plus souple, conclut l'AMF. Éliminer par exemple l'obligation que le portail qui affiche les projets soit inscrit comme courtier auprès de l'AMF. «Cette exigence va à l'encontre de l'esprit du financement participatif, admet M. Théorêt. Nous ne pouvons pas exiger que le portail donne des conseils à tous ceux qui investissent 20 $, sinon le financement participatif ne se développera jamais.»

Il n'existe qu'une solution : puisqu'on ne peut trop réglementer l'intermédiaire, il faut encadrer l'investisseur. Cela signifie par exemple qu'on impose des plafonds de sommes investies par projet et par année.

Depuis le début du printemps, deux propositions de régimes circulent au Canada pour encadrer le financement participatif par achat d'actions. D'une part, le régime 45-108. Celui-ci exige, entre autres, une divulgation d'information continue, des états financiers audités pour tout financement de plus de 500 000 $ et des limites d'investissement de 2 500 $ par projet et 10 000 $ par année. Les portails qui affichent les projets devront être inscrits comme courtiers à exercice restreint. D'autre part, le régime allégé. Dans ce cas, le portail n'a pas à être inscrit comme courtier. Il doit toutefois déposer des documents à l'AMF 30 jours avant la mise en ligne.

La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario n'a pas proposé le régime allégé. Les commissions de la Colombie-Britannique et de l'Alberta ne proposent pas le régime 45-108. La Saskatchewan a déjà adopté le régime allégé, et propose maintenant la version 45-108. L'AMF, quant à elle, propose les deux. «Nous attendons la fin de la période publique de commentaires, dit Patrick Théorêt. Il est possible que les deux régimes cohabitent au Québec. Nous verrons.» Les Québécois ont jusqu'au 18 juin pour commenter les deux régimes proposés par l'AMF.

On ignore la forme que prendra le régime québécois de financement participatif par actions. Mais on peut affirmer qu'il existera. La tendance est mondiale. «Ma croisade était d'abord personnelle, confie Sherwood Neiss. Puis, j'ai découvert un besoin universel.» Depuis les 18 derniers mois, M. Neiss a été invité par les gouvernements de 24 pays. «En Amérique du Nord, c'est un instrument de croissance économique. Ailleurs, c'est également un instrument de paix et de stabilité, explique-t-il. Il favorise l'inclusion financière et s'attaque à la question du chômage chez les jeunes. Nous assistons à la création d'un nouveau type de réseau social, celui du capital.»

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9 G$ US - Le marché mondial du financement participatif est évalué à neuf milliards de dollars, au printemps 2014. Il double tous les 12 mois.
Source: International Organization of Securities Commissions (IOSCO)

96 % - Trois pays représentent 96 % du marché du financement participatif mondial : les États-Unis (51 %), la Chine (28 %) et le Royaume-Uni (17 %).
Source: IOSCO

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